Corps finis

Bonjour,
Pourquoi deux corps finis de même cardinal sont isomorphes ?
Aussi, y a-t-il un exemple simple de corps de cardinal 4 ? 9 ?
Merci.

Réponses

  • Pour un corps à $9$ éléments, tu rajoutes au corps $\mathbb{F}_3$ un élément $i$ tel que $i^2=-1\in \mathbb{F}_3$

    dans $\mathbb{F}_3$, $-1$ et $2$ sont égaux et $0^2=0,1^2=1,2^2=1$ c'est-à-dire qu'il n'existe pas d'élément de $\mathbb{F}_3$ qui ait pour carré $-1$.

    Cela revient, je pense, à prendre le quotient $\mathbb{F}_3[X]/(X^2+1)$.
    Le passé est sinistre, le présent terne, mais heureusement nous n'avons pas d'avenir.
  • Pour ta première question, c'est un bon exercice de le prouver. Plus précisément, tu peux prouver les choses suivantes (disons, en admettant qu'il existe au moins un corps algébriquement clos $\overline{\mathbb F_p}$ qui contient $\mathbb F_p$, ce qui n'est pas non plus trop compliqué à prouver):

    1- Soit $L$ un corps fini de cardinal $q=p^n$. Alors tout élément de $L$ vérifie $x^q = x$.
    2- En déduire que $\overline{\mathbb{F_p}}$ a au plus un sous-corps de cardinal $q$.
    3- En déduire que deux corps de cardinal $q$ sont isomorphes (Indication: $L$ se plonge forcément dans $\overline{\mathbb F_p}$).

    Pour des exemples, ça dépend sous quelle forme tu les veux.
    Bon, pour $4$, c'est assez simple: tu prends $0,1,\alpha,1+\alpha$, de sorte que l'addition est entièrement déterminée, et la seule multiplication à décrire est $\alpha^2$ : je choisis $\alpha^2 = \alpha +1$. Tu peux vérifier que c'est un corps.

    Pour $9$, tu peux faire similaire, $0,1,2,\alpha, 2\alpha, 1+\alpha, 1+2\alpha, 2+\alpha, 2+2\alpha$; et là pareil hein il faut juste te dire qui est $\alpha^2$ et là coup de bol je peux choisir aussi $\alpha^2= \alpha +1$ et ça va bien me donner un corps.
  • Si on ne veut pas utiliser de clôture algébrique de $\mathbf{F}_p$ :

    Soit $\K$ un corps fini à $q=p^n$ éléments. Alors il existe $\alpha \in \mathbf{K}$ tel que
    $\mathbf{K}=\mathbf{F}_p(\alpha)$, et en notant $P$ le polynôme minimal de $\alpha$, qui est de degré $n$ sur $\mathbf{F}_p$ et irréductible, on a un isomorphisme entre $\K$ et $\mathbf{F}_p[X]/(P)$.

    Si on prend un autre corps fini $\K'$ à $q$ éléments, il est lui aussi isomorphe à un quotient $\mathbf{F}_p[X]/(Q)$ où $Q$ est irréductible de degré $n$, polynôme minimal d'un certain $\alpha' \in \K'$.

    Un isomorphisme de $\K$ sur $\K'$ est obtenu en envoyant $\alpha$ sur $\alpha'$.

    Pour construire un corps fini à $2^2$ éléments, il suffit donc de disposer d'un polynôme $P$ de degré $2$, irréductible sur $\mathbf{F}_2$. Par exemple $X^2+X+1$ (pas de racines dans $\mathbf{F}_2$), et de poser $\K= \mathbf{F}_2[X]/(P)$. Si on note $\alpha$ la classe de $X$, alors $\K = \{0,1,\alpha,\alpha+1\}$.
  • @Maxtimax : est-il si simple d’exhiber un corps algébriquement clos à $\mathbb{F}_p$? Je me souviens que lorsque j’étais étudiant qu’un de mes enseignants nous avais expliqué que la démonstration que l’on voit le plus souvent (réunion des $\mathbb{F}_{p^{n!}}$ pour $n\in\N$) est rarement rédigée rigoureusement et qu’elle dissimule toutes les difficultés.
  • En rapprochant la question de Lee sin et les réponses de Fin de partie et de Maxtimax, je me dis qu'il pourrait être pertinent que Lee sin montre à la main que les deux corps de cardinal $9$ qu'on a sous les yeux sont isomorphes, à savoir $\newcommand{\F}{\mathbf{F}}\F_3[ i]=\F_3[X]/(X^2+1)$ et $\F_3[\alpha]=\F_3[X]/(X^2+X+1)$.

    Une façon de procéder, c'est de trouver une racine carrée de $-1=2$ dans le second (en fonction de $\alpha=-\alpha^2-1$) ; une autre, de trouver une racine de $X^2+X+1$ dans le premier (en fonction de $i$ de carré égal à $2$).
  • @Maxtimax.
    1-On utilise que $(L^*,x)$ est un groupe d'ordre $q-1$
    2- Tout élément de $L$ est racine de $X^q-X$ et il y a au plus $q$ racines de ce polynôme. On en déduit que si un sous-corps de cardinal $q$ existe, alors il ne peut être que l'ensemble des racines de $X^q-X$ (dans la clôture algébrique de $\mathbb{F_p}$).
    3- Je ne sais même pas si la clôture algébrique de $\mathbb{F_p}$ est une extension de degré infini (sinon on ne pourra pas plonger $L$ pour $n$ quelconque). En tout cas, si on arrive à plonger $L$, avec la question 2 on en déduit que l'image de $L$ par ce plongement (injectif) est exactement l'ensemble des racines de $X^q-X$ (puisqu'il y a au plus un sous-corps de cardinal $q$ et on en aura trouvé un). Au final, tous les corps de cardinal $q$ seraient isomorphes à l'ensemble des racines de $X^q-X$ dans dans la clôture algébrique de $\mathbb{F_p}$. Reste à établir le plongement.
  • @Math Coss:
    Dans $\mathbb{F_3}$ on a $X^2+X+1=(X+2)^2$ est réductible donc le deuxième n'est pas un corps.
  • Jean-Vingt Trois : on peut se passer de clôture algébrique, mais pas comme ça. En effet, un isomorphisme préserve le polynôme minimal, ce que $\alpha\mapsto \alpha'$ ne peut pas faire.


    MrJ : c'est très simple : il y a un ensemble dénombrable de polynômes irréductibles sur $\mathbb F_p$, tu leur rajoutes leurs racines une à une dans l'ordre. À la fin tu obtiens une extension algébrique de $\mathbb F_p$ dans laquelle tout polynôme à coefficients dans $\mathbb F_p$ est scindé et (exercice ;-) ) c'est suffisant.
    Je pense qu'il y a une difficulté si on appelle nos corps $\mathbb F_{p^n}$, je suis d'accord, mais pas si on ne leur donne pas ce nom

    Lee Sin : oui, exercice : tout corps algébriquement clos est infini :-D

    Pour prouver que $L$ se plonge dans $\overline{\mathbb F_p}$ il y a plusieurs manières : par récurrence par exemple, ou encore en remarquant que $L$ est engendré pat un unique élément sur $\mathbb F_p$
  • @Maxtimax: Oui en effet, sur le corps fini $\mathbb{F_q}$, le polynôme $X^q-X+1$ n'a pas de racines.
    Je réfléchirai plus tard à comment faire le plongement. Merci en tout cas ! (:D
  • OK, même chose avec $X^2-X-1$ alors ! C'est bien le polynôme annulateur de l'élément $\alpha$ introduit par Maxtimax, je n'ai pas fait attention.
  • Maxtimax écrivait : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?3,2256256,2256350#msg-2256350
    > Jean-Vingt Trois : on peut se passer de clôture algébrique, mais pas comme ça. En effet, un
    > isomorphisme préserve le polynôme minimal, ce que $\alpha\mapsto \alpha'$ ne peut pas faire.

    Effectivement, grosse erreur de ma part.
    On peut sans doute s'en sortir en disant que le polynôme $P$ introduit plus haut divise le polynôme $X^q-X$, où $q$ est le cardinal commun de $K$ et $K'$.
    Le polynôme $X^q-X$ est scindé sur $K'$, donc $P$ possède une racine dans $K'$, disons $\beta$, et le corps $\mathbf{F}_p(\beta)$ est un sous-corps de $K'$ qui est isomorphe à $K$ via $K[X]/(P)$ et de même cardinal que $K'$ donc égal à $K'$.
  • Lee sin a écrit:
    Pourquoi deux corps finis de même cardinal sont isomorphes ?

    Pour revenir au premier message et donner une autre façon de procéder, dans le Gozard la démarche de l'auteur est de constater simplement qu'un corps finis (qui a nécessairement $p^n$ éléments, avec $p$ premier et $n>0$) est le corps de décomposition du polynôme $X^{p^n}-X$ sur $\mathbb F_p$. Or les corps de décomposition d'un polynôme donné sur un corps sont tous isomorphes.
  • @Math coss:
    Je procède comme suit:
    Dans le deuxième corps, je remarque que $\alpha+1$ est une racine carrée de $-1$.
    Le sous corps de $\mathbb{F_3}(\alpha)$ engendré par $1$ et $\alpha+1$ est exactement $\mathbb{F_3}(\alpha)$.
    $\mathbb{F_3}(i)$ est $1$ et $i$.
    Donc je définis une application par $f(0)=0$ $f(1)=1$ et $f(i)=\alpha+1$ puis je la prolonge en un morphisme de corps (un peu comme on ferait en algèbre linéaire lorsqu'une application linéaire envoie une base sur une base).
    En prenant les puissances de $i$ j'obtiens:
    $f(-1)=-1$
    $f(-i)=-\alpha-1$
    Puis:
    $f(i+1)=\alpha-1$
    $f(i-1)=\alpha$
    $f(-i-1)=-\alpha+1$
    $f(-i+1)=-\alpha$
  • Moi, je suis du côté de Maxtimax. Le théorème "dans un corps algébriquement clos de caractéristique $p$, et pour toute puissance $q$ de $p$, il existe un unique sous-corps fini de cardinal $q$" est (sous l'hypothèse de l'existence d'un corps algébriquement clos contenant $\mathbb{F}_p$) beaucoup plus fort que "deux corps fini de même cardinal sont isomorphes".

    Ce serait un peu comparer "tous les êtres humains sont égaux en droit" et "sur cette planète, il n'existe qu'un unique être humain".

    Je crois que d'un point de vue pédagogique, j'avais trouvé les corps de décomposition plus difficiles que les corps finis, et c'est pourquoi je préfère cette approche intra-corps algébriquement clos. Mais je suis d'accord qu'il faut faire les exercices que vous proposez (je ne sais pas comment j'ai réussi à valider mon UE de théorie de Galois, je ne les ai jamais faits :-D).
  • Bonjour,

    @Maxtimax, je lis avec intérêt ton dernier message mais je n'ai pas tout compris dans l'existence de la clôture algébrique : ici.

    Si je comprends bien tu fais une union de $\mathbb{F}_q(a_i)$ où les $a_i$ sont les racines, en nombre denombrable, des polynômes irréductibles ? :-S Dans ce cas pour montrer que l'union est est corps il faut par exemple que la famille $\{\mathbb{F}_q(a_i)\}$ soit totalement ordonnée non ? Donc écrire ces corps comme des $\mathbb{F}_{p^n}$ ?

    Désolé si je suis à côté de la plaque. Merci.
  • Georges Abitbol a écrit:
    ...j'avais trouvé les corps de décomposition plus difficiles que les corps finis, et c'est pourquoi je préfère cette approche intra-corps algébriquement clos.

    Pareil, j'ai tendance à oublier ces histoires de corps de décomposition, néanmoins l'argument "corps algébriquement clos" a un prix : axiome du choix.
  • Ben, justement, avec les corps finis, je ne sais pas s'il faut utiliser beaucoup d'axiome du choix : l'axiome "il existe un corps algébriquement clos de caractéristique $5$" doit être beaucoup, beaucoup moins fort que l'axiome du choix général. Dans le script de démonstration que Max propose, d'ailleurs, on ne voit (en tout cas, je ne vois) même pas où il y aurait un choix à faire !
  • Hum en relisant le message de Max ici http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?3,2256256,2256350#msg-2256350 on dirait effectivement que dans ce cas particulier il n'y pas besoin de AC.
  • Je réponds à tous les messages d'un coup, en espérant ne rien oublier.

    GA : oui, ce théorème est plus fort, et c'est une démonstration que je trouve beaucoup plus clean personnellement.

    argon : on peut faire comme ça, mais il y a plus simple pour ne pas s'embêter avec le nom "$\mathbb F_{p^n}$" qui cache beaucoup de subtilités (en fait, on ne devrait pas faire comme si $\mathbb F_{p^n}$ désignait un corps spécifique, ce n'est pas le cas - donc je n'aime pas ce nom; je préfère "un corps de cardinal $p^n$").
    Comme je l'ai dit, l'ensemble des polynômes irréductibles sur $\mathbb F_p$ est dénombrable, on peut donc fixer une fois pour toute une bijection avec $\mathbb N$, ce qui permet de bien l'ordonner (mieux que totalement). A partir de là, je rajoute une racine au premier d'entre eux, puis une seconde, etc. jusqu'à ce qu'il soit scindé, puis je passe au second, puis au troisième, etc.
    Il y a un petit exercice au passage, qui est "si $L$ est une extension algébrique de $K$ dans laquelle tout polynôme à coefficients dans $K$ est scindé, alors $L$ est algébriquement clos", mais il n'est pas trop dur et surtout instructif.

    raoul.S : comme le dit GA, dans mon sketch, pas d'axiome du choix. En fait, pour tout corps au plus dénombrable, l'existence d'une clôture algébrique est un théorème de ZF (même pas d'AC dénombrable, on peut dénombrer les polynômes à la main ! en fait, la dénombrabilité de $\bigcup_n X^n$ est plus simple que celle de $\bigcup_n X_n$ où on sait uniquement "$X_n$ est dénombrable").

    Et la preuve que je suggère le montre. Je pense aussi que l'unicité, dans le cas dénombrable, ne demande que l'axiome du choix dépendant (peut-être dénombrable), en tout cas pas beaucoup plus. Mais bon, ici, même pas besoin d'unicité !
    (pour $\mathbb F_p$, je serais prêt à supposer que l'unicité peut se démontrer sans rien, mais il faudrait que je l'écrive, je ne suis pas sûr de tête)
  • Merci pour les précisions Maxtimax !
  • @Maxtimax : Merci pour la réponse à ma question.

    Une remarque par rapport à ton dernier message : tu vas rarement rajouter une seconde racine à un polynôme irréductible sur un corps fini. ;-)
  • MrJ: ah oui, tout à fait :-D mais bon, la procédure décrite marche pour tout corps dénombrable, alors permets moi de la garder telle quelle ;-)
  • Je reviens sur ce message. Tel que $f$ est construit, on est convaincu que c'est une bijection et un isomorphisme sur les groupes multiplicatifs des deux corps. En revanche, qui dit que c'est un morphisme de groupes additifs ?

    Plutôt que faire les ennuyeuses vérifications, il vaut mieux invoquer le fait que dès que l'on a un élément $i'$ tel que ${i'}^2=-1$ – ici, $i'=\alpha+1$ – on peut automatiquement en déduire que le morphisme $\mathbf{F}_3[X]\to\mathbf{F}_3[\alpha]$, $X\mapsto i'$ se factorise à travers le quotient $\mathbf{F}_3[X]/(X^2+1)\to\mathbf{F}_3[\alpha]$, $i\mapsto i'$ et que morphisme d'anneaux est, vu les cardinaux, un isomorphisme de corps.
  • @Math coss: Je n'ai pas compris le dernier argument
  • OK, c'est bizarrement écrit. Tu as un morphisme d'anneaux de $\mathbf{F}_3[X]/(X^2+1)$ vers $\mathbf{F}[\alpha]$ dont l'anneau de départ est en fait un corps (car $X^2+1$ est irréductible sur $\mathbf{F}_3$) : cela entraîne qu'il est injectif (ou nul mais ce n'est pas le cas car $1\ne0$ à l'arrivée ; c'est une propriété générale des morphismes dont la source est un corps, il n'y a pas d'idéal non trivial dans un corps). L'anneau de départ et d'arrivée ont le même cardinal, $9$, donc le morphisme est un isomorphisme.
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