Autour du petit théorème de Picard

Bonsoir à tous,

Dans le cadre de mon projet de magistère, qui tourne autour du petit théorème de Picard, je voudrais conclure par un petit exo d'application que j'ai trouvé dans {\it Complex Variables} de Berenstein.

Malheureusement, impossible d'en trouver une démonstration, et de même que mon chargé de projet, qui m'a avoué au bout d'une demi-heure ne pas trouver "l'astuce" ! Je le soumets donc à votre sagacité, en espérant que quelques pistes pourront m'être données :)

En utilisant le petit théorème de Picard, montrer que si $p$ est un polynôme non nul, alors l'équation $e^z - p(z)=0$ admet une infinité de solutions.

Je rappelle aussi le petit théorème de Picard pour ceux qui ne le connaîtraient pas :
{\it Toute fonction entière dont l'image évite plus de deux valeurs est constante.}

Merci par avance,

Vianney

Réponses

  • Bonjour Vianney,

    si deg(p)=0, la réponse tient dans une marge.
  • Merci pour ta contribution Nicodan, même si je m'étais déjà fait cette remarque :) Une possibilité serait donc de se ramener à ce cas, ce que je n'ai pas réussi à faire... A noter qu'utiliser le petit théorème de Picard m'arrangerait ^^

    Vianney
  • Je suppose que tu veux dire le grand. Effectivement, ça simplifie un peu les choses ^^. Si ça se trouve, c'est d'ailleurs une faute d'énoncé?
  • L'équation se ramenant à $$\frac{p(z)}{e^z}-1=0$$ et vu le comportement de l'exponentielle à l'infini par rapport à un polynôme, les solutions doivent se trouver dans un compact...
  • Corentin > Hélas non il y a bien marqué "Picard's little theorem" ! :/ J'ai aussi pensé à une erreur d'énoncé... Cela dit avec mon chargé de projet on a essayé d'appliquer le "grand", en faisant la transformation $z \leftrightarrow \dfrac{1}{z}$ pour créer une singularité en 0, sans plus de succès... Si déjà tu peux m'indiquer ton idée dans ce cas, ça sera un premier pas de fait :)

    Vianney
  • -> Nicodan, on n'est certainement pas sur un compact, parce que l'exponentielle sur $\C$ n'a pas pour habitude de diverger systématiquement.
    -> Vianney, je crois que j'ai eu une absence (ou une illumination que j'ai oubliée entre temps); j'ai cru que e^z-p(z) avait une racine triviale et donc une infinité , mais très franchement, je ne vois pas pourquoi. Désolé.
  • Nicodan > Une infinité de zéros d'une fonction holomorphe dans un compact ça me paraît louche... ou alors l'énoncé est complètement faux !
  • Oublions mon précédent message !
  • D'accord Nicodan ;)
    Merci quand même Corentin... Et n'hésitez pas si vous avez d'autres suggestions ! :)
  • Bonsoir,

    il me semble qu'une des versions du grand théorème de Picard est « toute fonction entière non constante évite au plus un point \textsl{et atteint les autres une infinité de fois} », ce qui règle assez simplement le problème. Par contre, j'ignore comment passer de cet énoncé à celui sur les singularités essentielles.

    Je suis en revanche sceptique quel'argument de compacité évoqué plus haut, puisqu'il ne marche déjà pas pour un polynôme constant, et même en se restreignant aux valeurs réelles de la variable ($\dfrac{1}{e^x} \longrightarrow +\infty$ quand $x \longrightarrow -\infty$)...

    Quand à une solution utilisant le \textsl{petit} théorème de PIcard, je n'ai pas l'ombre du début d'un commencement d'idée
  • Daniel, en quoi le grand théorème règle t'il simplement le problème? J'ai pensé ça un instant, avant de m'appercevoir que 0 n'a pas de racine évidente. Alors comment "trivialise" t'on cet exo?
  • J'ai l'impression d'avoir une preuve mais elle n'utilise pas le théorème de Picard (donc elle est élémentaire et si elle est juste, l'exemple n'est pas très pertinent pour illustrer ce théorème et c'est un peu ce qui gêne.).
    Supposons par l'absurde qu'il y ait un nombre fini de zéros disons: $a_{1}$, $a_{2}$,...,$a_{n}$ d'ordre de multiplicité respectifs $m_{1}$,...,$m_{n}$.
    Alors $f(z)=\frac{e^{z}-P(z)}{(z-a_{1})^{m_{1}}...(z-a_{n})^{m_{n}}}$ est une fonction entière ne s'annulant pas donc $g=1/f$ est une fonction entière et on voit aisément qu'elle tend vers $0$ en $+\infty$. Elle est donc bornée, donc constante non nulle (Liouville).
    Ceci montre que $e^{z}$ est polynômiale, évidemment non constante et donc admet un zéro ce qui est absurde.

    Voilà, en espérant avoir dit une bêtise...

    F.F.
  • "on voit aisément qu' elle tend vers 0 en $+\infty$", dès qu' il y a le mot aisément il faut se méfier...
  • Ok, $|e^{z}|=e^{Re(z)}$. Désolé.
  • "toute fonction entière non constante évite au plus un point et atteint les autres une infinité de fois " ,

    oui c'est presque cela Daniel mais c'est toute fonction entière non polynomiale évidemment sinon ( $f(z)=z$ ne prend pas toutes les valeurs une infinité de fois!)

    Pour l' instant je trouve les erreurs des autres mais je ne contribue pas trop à l' avancée du problème... je continue à chercher
  • Daniel > C'est effectivement l'idée première de Corentin... que je n'avais pas saisie, ne connaissant pas le grand théorème de Picard sous cette forme, donc merci quand même !

    FF > J'avais eu l'idée d'une preuve dans le genre, mais comme tu dis il n'y pas de lien avec un des théorèmes de Picard ! Merci quand même : si on trouve LA solution, ça me permettra de faire une comparaison de démonstrations, si on arrive à rendre juste la tienne ^^

    Pilz > Merci de t'intéresser à mon problème :)

    Vianney
  • La version que j'ai donnée du grand théorème permettait de régler le problème parce que la fonction
    $$
    z \longmapsto \frac{P(z)}{e^z}
    $$
    est entière, et n'admet qu'un nombre fini de zéros (éventuellement nul) ; se basant sur l'énoncé \textsl{toute fonction entière non constante évite au plus un point et atteint les autres une infinité de fois}, puisque 0 n'est atteint que pour un nombre fini de valeurs, c'est que 1 est atteint une infinité de fois par cette fonction.

    Malheureusement (un effet de l'heure peut être ?), j'ai de gros doute sur cette version du théorème de Picard : sauf erreur de ma part, la fonction identité est entière sur $\mathbf{C}$, et je vois mal quelle valeur peut être atteinte plus d'une fois !! \emph{A minima}, il faut se restreindre à des fonctions non polynomiales !

    Il faut donc revenir (même pour régler le problème avec le grand théorème de Picard) à la version que l'on m'a enseignée de ce théorème : \textsl{au voisinage d'une singularité essentielle d'une fonction holomorphe, toute valeur sauf peut être une est atteinte une infinité de fois}.

    La seule singularité essentielle que je voie à la fonction ci-dessus est en $\infty$\ldots\ en d'autres termes (petit changement de carte pour ne pas rester avec une fonction méromorphe sur la sphère de Riemann !), la fonction (définie pour $\lvert z \rvert$ suffisamment petit)
    $$
    z \longmapsto \frac{e^{1/z}}{P(1/z)}
    $$
    admet une singularité essentielle en 0. Mais cette fonction ne s'annule pas : toute autre valeur que 0 est donc atteinte une infinité de fois, en particulier la valeur 1.

    Merci à Nicodan d'avoir soufflé la bonne fonction à utiliser :o)

    >pilz : j'ai été interrompu, mais je viens de lire ta réponse ; merci pour la version corrigée du théorème (que j'ignorais), du coup mon raisonnement marche aussi sans passer par la singularité essentielle en $\infty$ (la fonction utilisée n'est évidemment pas polynomiale !).


    Bonne soirée,

    Daniel
  • Merci beaucoup Daniel pour ces deux démonstrations. Je préfère néanmoins la deuxième car elle se base sur le grand théorème de Picard tel que je le connais.
    On était donc bien partis avec mon chargé de projet en amenant la singularité en 0, mais on n'appliquait pas le théorème à la bonne fonction ! Il faut dire qu'on n'avait pas trop cherché avec ce théorème puisque ce n'est pas celui-ci qui est donné dans l'indication :/

    Si quelqu'un a un bout d'idée pour utiliser le petit théorème de Picard, je reste preneur :)

    Vianney
  • Je ne résous pas le problème mais ça peut peut-être donner des idées:

    On peut montrer avec le petit théorème de Picard que $e^{z}-e^{g(z)}=0$ a une infinité de solutions quelle que soit la fonction entière $g$ choisie à condition que $g$ ne soit pas une translation. En effet, $g(z)-z$ est alors une fonction entière non constante donc atteint toutes les valeurs de $2i \pi \Z$ sauf au plus deux. Ceci entraîne en passant à l'exponentielle que $\frac{e^{g(z)}}{e^{z}}=1$ pour une infinité de $z \in \C$. En particulier, puisque $\C$ est simplement connexe, pour toute fonction entière $h$ ne s'annulant pas et ne s'écrivant pas sous la forme $e^{z+k}$ où $k \in \C$, on a une infinité de solutions $z$ à l'équation $e^{z}-h(z)=0$. On voit donc, pour revenir à notre problème, que l'obstacle principal pour appliquer ce raisonnement est le fait qu'un polynôme non constant s'annule toujours...

    F.F.
  • Je viens de regarder dans le Gay Berenstein de ma BU et dans l'énoncé de l'exercice il est demandé de faire appel au grand théorème de Picard et non au petit. L'affaire est donc réglée.
  • Merci beaucoup Frédéric, ça m'enlève une bonne épine du pied ! Il s'agissait donc bien d'une erreur d'énoncé, corrigée dans une version du livre postérieure à celle de mon chargé de projet :/
    Je me retrouve sans exo d'application mais ce n'est qu'un détail...

    Encore merci à tous ceux qui se sont intéressés à mon problème :)

    Vianney
  • Cher Vianney,

  • Cher Vianney,


    je crois que tu vas avoir une belle application du petit théorème de Picard et aussi une question amusante en prime.Voici:

    1) Si $f$ , $g$ et $ fog$ sont des fonctions entières sans points fixes alors f et g sont des translations (étonnant et joli non ?)

    (j'ai lu la démonstration que j'ai comprise (donc facile) sauf que je ne vois pas tout de suite pourquoi une fonction entière injective et sans point fixe est une translation ce qui doit être néammoins facile à montrer ?)

    rem.: tu as une autre application un peu moins jolie en premier: si f est une fonction entière sans point fixe et sans bipoint globalement invariant alors c'est une translation.

    http://www.math.niu.edu/~rusin/papers/known-math/99/no2cycles



    2) question amusante: une démonstration en "deux lignes" du petit théorème de Picard (incomplète)

    http://adwan.net/Complex-Analysis/PicardLittleTheorem.pdf

    En espérant que ça pourra t'aider et bonne chance pour ton magistère,
    Bon courage !

    AlainE.

    P.S.: excuse-moi pour le message raté précédent mais je voulais t'envoyer les deux adresses à "cliquer" mais je n'y arrive pas...
  • Bonjour,

    la première adresse ne marche pas semble-t-il ?
    j'ai du me tromper ? : j'essaye à nouveau

    http://www.math.niu.edu/~rusin/papers/known-math/99/no2cycles

    Cordialement,
    AlainE.
    Si le modérateur veut bien corriger et supprimer mes erreurs; Merci d'avance.

    Cordialement,
    AlainE.
  • Pour Alain:

    Tout d'abord bonjour!

    Une fonction entière injective sans point fixe est une translation:

    En effet, si $f$ est une telle fonction, alors l'image de $\{|z|>1 \}$ ne rencontre pas l'image de $\{|z|1\}$ serait dense dans $\C$). Par suite, le développement en série entière de $f$ sur $\C$ se réduit à un polynôme. Comme $f$ est injective, ce polynôme n'a qu'une racine et elle est simple donc, par le théorème de d'Alembert, $f$ est de degré $1$ donc de la forme $f(z)=az+b$ et comme $f$ n'a pas de point fixe, on a $a=1$ et $b \neq 0$: $f$ est une translation.

    On peut donner des preuves très courtes (instructives mais un peu ridicules) du petit théorème de Picard si l'on veut être pompeux, par exemple:

    On considère $S=\C- \{a,b \}$ le plan complexe privé de deux points distincts $a$ et $b$.
    $S$ est une surface de Riemann non compacte (donc non isomorphe à $P^{1}( \C)$ ou à un tore) et son groupe fondamental est $\Z^{2}$ donc $S$ n'est pas non plus isomorphe à $\C$ ou $\C^{*}$. D'après le théorème d'uniformisation de Riemann (et ses conséquences directes), le revêtement universel de $S$ est nécessairement le disque unité $D$. Si $f$ est une fonction entière à valeurs dans $S$, alors par le théeorème de relèvement des revêtements simplement connexes, $f$ se relève en $g: \C \longrightarrow D$ holomorphe et nécessairement constante (Liouville). On conclut que $f$ est constante.

    Pour Vianney:

    On peut raffiner à moindre coût le petit théorème de Picard et établir le résultat un peu plus fin:

    Une fonction entière non constante évite au plus une valeur du plan complexe; si elle évite une valeur, elle atteint les autres une infinité de fois.

    Je démontre ce résultat comme corollaire du petit théorème de Picard en m'inspirant de ce que j'ai fais plus haut (pas l'énormité du début, rassure toi! je parle de mon avant dernier post, celui-ci exclu):

    Soit donc $f$ une fonction entière non constante évitant une seule valeur que l'on peut supposer être $0$ par translation. On considère $c$ non nul et on écrit $c=e^{a}$. Comme $f$ ne s'annule pas, on peut l'écrire sous la forme $e^{g}$ (c'est classique, ceci est dû à la simple connexité de $\C$). Alors $g-a$ atteint toutes les valeurs de $2i \pi \Z$ sauf au plus une (toujours d'après le petit th. de Picard). Donc en passant à l'exponentielle, $f(z)=e^{g(z)}=e^{a}=c$ pour une infinité de valeurs $z$.

    F.F.
  • Alain > 1) Merci beaucoup pour cette application fort jolie du petit théorème de Picard ! Et en plus je comprends la démo, donc je la garde pour mon rapport :) Je la préfère comme toi au premier exemple ("bipoint globalement invariant" me fait peur de toute façon ^^)

    2) Je n'ai pas encore regardé en détail la "démonstration incomplète" que tu me proposes, mais dès le départ l'idée d'enlever un segment plutôt qu'un disque alors qu'on est sur C me paraît louche...

    3) Pour écrire un lien contenant un tilde (~) dans l'adresse il faut taper \~{} à la place de celui-ci. Exemple : \lien{http://www.math.niu.edu/\~{}rusin/papers/known-math/99/no2cycles}


    FF > 1) Merci pour la preuve du détail qu'il manquait pour clore celle de l'application proposée par Alain. J'étais justement en train de plancher dessus quand j'ai vu ton message, qui m'a fait alors rappeler que c'était la dernière démo que l'on avait vue en cours :)

    2) J'ai pris géométrie au second semestre, donc j'espère comprendre ta preuve du PTP à la fin de celui-ci, mais pour l'instant ça n'est pas à l'ordre du jour :p

    3) J'avais trouvé l'idée de ton avant-dernier post très intéressante, et avais donc été déçu qu'on ne puisse pas l'appliquer ! C'est donc réparé avec cette amélioration à peu de frais du PTP que je vais m'empresser de rajouter à mon rapport (et je m'en veux de ne pas y avoir pensé :/)


    Encore grand merci à vous deux !

    Vianney
  • Correction:
    J'aurai dû écrire "l'abélianisé de son groupe fondamental (c'est à dire $H_{1}(S))$ est $\Z^{2}$ " au lieu de "son groupe fondamental est $\Z^{2}$".

    F.F.
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