([rms], 2003/04 et [amm]-????

Soit \(E= \mathscr C\left([0,1],\mathbb R\right)\) et \(F\) un sous-espace de \(E\) tel que :

\[\exists \,C>0 \quad :\quad \forall\,f\in F \quad :\quad \Vert f\Vert_\infty\leq C\Vert f\Vert_2 {(\text{$\star$})}\]

  1. Montrer que \(F\ne E\).

  2. Montrer que \(F\) est de dimension finie inférieure à \(C^2\).

  3. Donner un exemple pour \(C= \sqrt n\).


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[ID: 3007] [Date de publication: 9 novembre 2022 23:12] [Catégorie(s): Analyse fonctionnelle ] [ Nombre commentaires: 1] [nombre d'éditeurs: 1 ] [Editeur(s): Emmanuel Vieillard-Baron ] [nombre d'auteurs: 1 ] [Auteur(s): Patrice Lassère ]




Solution(s)

Solution(s)

Sous-espaces de \(\mathscr C([0,1])\) fermés dans \(L^2([0,1]\))
Par Patrice Lassère le 9 novembre 2022 23:12
  1. Si \(F= E\), alors \[\quad\exists \,C>0 \quad :\quad \forall\,f\in E \quad :\quad \Vert f\Vert_\infty\leq C\Vert f\Vert_2. {(\bigstar)}\] Il suffit alors de considérer la suite de fonctions continues \((f_n)_{n\geq 1}\) définies par \[f_n(x)= \begin{cases} 0\quad&\text{si }x\in[0,1-{1\over n}],\\ \sqrt{n^2x+n-n^2}\quad&\text{pour }x\in]1-{1\over n},1] \end{cases}\] en effet, vu ce choix \[\quad \Vert f_n\Vert_\infty = \sqrt n\text{ et } \Vert f_n\Vert_2= 1,\ n\geq 1\] rendant \((\bigstar)\) absurde.

  2. Supposons \(F\) de dimension infinie, il est alors possible, pour tout \(N\geq 1\) de construire une famille orthonormale \(\{f_1,\dots,f_N\}\) dans \(\left(F,\langle,\rangle_2\right)\). On a alors pour tout \(x\in[0,1]\) et \(a_1,a_2,\dots,a_N\in\mathbb R\) :

    \[\sum_{i= 1}^N a_if_i(x)\leq \Vert\sum_{i= 1}^N a_if_i\Vert_{\infty}\leq C\Vert\sum_{i= 1}^N a_if_i\Vert_2= C\left(\sum_{i= 1}^Na_i^2\right)^{1/2}.\]

    En particulier, \(x\in[0,1]\) étant fixé, le choix \(a_i= f_i(x),\ 1\leq i\leq N\) nous donne

    \[\sum_{i= 1}^Nf_i^2(x)\leq C\left(\sum_{i= 1}^Nf_i^2(x)\right)^{1/2}\]

    i.e.

    \[\sum_{i= 1}^Nf_i^2(x)\leq C^2\quad\text{pour tout }\ x\in[0,1]\]

    et en intégrant cette inégalité sur \([0,1]\), la famille \((f_i)_1^N\) étant orthonormale

    \[\int_0^1\sum_{i= 1}^Nf_i^2(t)dt= \sum_{i= 1}^N\Vert f_i\Vert_2^2= N\leq C^2\]

    ainsi \(N\leq\sqrt C\) et ceci pour tout \(N\geq 1\) : contradiction ! \(F\) est donc de dimension finie et \(\dim(F)\leq\sqrt N\).

  3. Pour \(N\geq 1\), on considère \(F:= \text{vect}\{f_1,\dots,f_N\}\) où les \(f_i\) sont définies comme suit : si \(x_0= 0<x_1<x_2<\dots<x_N= 1\) est une subdivision de \([0,1]\), soit pour tout \(1\leq i\leq N\), \(f_i\ :\ [0,1]\to\mathbb R\) vérifiant :

    \[\begin{cases} f_i\in\mathscr C^0([0,1]),\\ f_i \text{ est nulle sur } [0,1]\setminus ]x_{i-1},x_i[,\\ \displaystyle\Vert f_i\Vert_{L^2}= \left(\int_0^1\vert f_i(t)\vert^2\right)^{1/2 }= \left(\int_{x_{i-1}}^{x_i}\vert f_i(t)\vert^2\right)^{1/2}= 1,\\[3ex] \displaystyle\Vert f_i\Vert_\infty= \sup_{t\in[0,1]}\vert f_i(t)\vert= \sup_{t\in[x_{i-1},x_i]}\,f_i(t)= \sqrt N. \end{cases}\]

    Il suffit de s’inspirer de l’exemple de la question \((1)\) pour construire facilement de telles fonctions. Il est alors immédiat que la famille \((f_i)_{i= 1}^N\) est libre dans \(\mathscr C^0\left([0,1]\right)\), \(F\) est donc bien de dimension \(N\) et vu \((2)\) \(C\geq \sqrt N\), comme convenu, on va montrer qu’ici \(C= \sqrt N\) convient.

    Par construction (\(f_if_j\equiv 0\) si \(i\ne j\)) c’est une famille orthonormée dans \(L^2\left([0,1]\right)\). Pour \[f= a_1f_1+a_2f_2\dots+a_Nf_N\in F\] on aura

    \[\begin{aligned} \Vert f\Vert_\infty &= \sup_{t\in[0,1]}\vert a_1f_1(t)+\dots +a_Nf_N(t)\vert\\ &\leq\sup_{t\in[0,1]}\left( \sum_{i=1}^N\,a_i^2 \right)^{1\over2} \left( \sum_{i= 1}^N\,f_i^2(t) \right)^{1\over2} &\quad\text{(par Cauchy-Schwarz)}\index{Cauchy-Schwarz}\\ &\leq \left( \sum_{i= 1}^N\,a_i^2 \right)^{1\over2}\sup_{t\in[0,1]} \left( \sum_{i= 1}^N\,f_i^2(t) \right)^{1\over2}\\ &= \Vert f\Vert_{L^2}\sup_{t\in[0,1]}\left( \sum_{i= 1}^N\,f_i^2(t) \right)^{1\over 2}&\quad\text{(voir la seconde question)}\\ &\leq \sqrt{N}\,\Vert f\Vert_{L^2} \end{aligned}\]

    la dernière inégalité résultant du fait que par construction, les support des \(f_i\) sont deux à deux disjoints et donc pour tout \(t\in[0,1]\), il existe un \(1\leq i_0\leq N\) vérifiant \(t\in(x_{i_0-1},x_{i_0})\) la somme est réduite à un terme, si bien que : \[\left(\sum_{i= 1}^N\,f_i^2(t)\right)^{1/2} = \vert f_{i_0}(t)\vert\leq \Vert f_{i_0}\Vert= \sqrt N.\]

    On a donc

    \[\forall\,f\in F \quad :\quad \Vert f\Vert_\infty\leq \sqrt N\Vert f\Vert_{L^2}\]

    et le résultat de la seconde question montre bien que \(\sqrt N\) est la meilleure constante possible (il est d’ailleurs encore plus facile de le vérifier en prenant \(f= f_i\)...) : \(F\) est donc bien l’exemple désiré.

    Remarquons aussi que \(\sqrt N\) est la norme de l’application linéaire continue canonique (l’identité) \[\text{id}\quad :\ (F,\Vert .\Vert_\infty)\to (F,\Vert.\Vert_{ L^2})\]

    -La première est, en utilisant des outils un peu plus sophistiqués (niveau maitrise), que cette propriété est caractéristique des sous espaces de fonctions continues fermés dans \(\left( L^2([0,1]),\langle,\rangle_2\right)\), plus précisément :

    Pour tout sous-espace de fonctions continues fermé pour la norme \(L^2\) \[\text{il existe }\ \,C>0\quad :\quad\forall\,f\in F\quad :\quad\Vert f\Vert_\infty\leq C\Vert f\Vert_2{(\text{$\star$})}\] (et comme plus haut \(F\) est alors de dimension finie) et réciproquement, si un tel sous espace vérifie \((\text{$\star$})\) alors il en est de même de son adhérence dans \(L^2\).

    En effet, par Cauchy-Schwarz \(\quad\forall \,f\in F\ :\ \Vert f\Vert_2\leq\Vert f\Vert_\infty\), autrement dit l’application identité : \(\text{id}\ \ \left( F,\Vert . \Vert_\infty\right)\rightarrow \left( F,\Vert \Vert_2\right)\) est continue et par suite \(F\) est aussi fermé pour la norme infinie (comme image réciproque du fermé \(F\) pour la norme \(L^2\)...) On a donc un isomorphisme continu \(\left( F,\Vert .\Vert_\infty\right)\rightarrow \left( F,\Vert .\Vert_2\right)\) entre deux Banach : par le théorème de l’application ouverte c’est un isomorphisme topologique et ainsi sur \(F\) les deux normes induisent la même topologie, en particulier on a \((\text{$\star$})\).

    Réciproquement, si \(F\) est un sous-espace de fonctions continues sur \([0,1]\) vérifiant \((\text{$\star$})\), alors il en est de même pour son adhérence (qui est encore un sous-espace vectoriel) dans \(L^2([0,1])\) (bien entendu si à ce niveau-là, on a déjà traité l’exercice précédent c’est évident puisqu’il sera de dimension finie donc nécessairement fermé pour une topologie d’espace vectoriel normé). Soit donc \(f\) un point adhérent à \(F\) dans \(L^2([0,1])\) et \((f_n)_n\) une suite d’élément de \(F\) (et donc vérifiant \(\Vert f_n\Vert_\infty\leq C\Vert f_n\Vert_2\) pour tout \(n\)) qui converge pour la norme \(L^2\) vers \(f\) : c’est donc une suite de Cauchy pour la norme \(L^2\) et, vu \((\text{$\star$})\) on a

    \[\forall\,n,p\in\mathbb N \quad:\quad \Vert f_n-f_p\Vert_\infty\leq C\Vert f_n-f_p\Vert_2\]

    i.e. \((f_n)_n\) est aussi de Cauchy pour la norme infinie : elle converge donc uniformément sur \([0,1]\) vers une fonction \(g\in\mathscr C^0([0,1])\). Par Cauchy-Schwarz \[\Vert f_n-g\Vert_2\leq \Vert f_n-g\Vert_\infty \rightarrow 0 \quad(n\to+\infty)\] i.e. \((f_n)_n\) vers \(g\) pour la norme \(L^2\) et par unicité de la limite, \(f= g\) dans \(L^2([0,1])\) puis sur \([0,1]\) par continuité des deux fonctions. Il reste alors à faire tendre \(n\) vers \(+\infty\) dans \(\Vert f_n\Vert_\infty\leq C\Vert f_n\Vert_2\) pour obtenir \(\Vert f\Vert_\infty\leq C\Vert f\Vert_2\) et \((\text{$\star$})\) est donc encore vraie sur \(\overline{F}^{L^2}\).

    -.

    Pour cela, on considère \(\mathscr B:= \{f\in F\ :\ \Vert f\Vert_\infty\leq 1\}\) la boule unité de \(F\) pour la norme infinie. On va montrer que \(\mathscr B\) est compacte dans \(\left( F,\Vert .\Vert_2\right)\) (cet espace étant normé, il suffit de montrer que de toute suite de \(\mathscr B\), on peut extraire une sous-suite qui converge pour la norme \(L^2\) vers une limite appartenant à \(\mathscr B\)).

    Les deux topologies coïncidant sur \(F\), \(\mathscr B\) est bornée dans l’espace de Hilbert \(\left( F,\Vert .\Vert_2\right)\) donc faiblement compacte : on peut donc, de toute suite \((g_n)\subset\mathscr B\) extraire une sous-suite \((g_{n_k})_k\) \(L^2\)-faiblement convergente. Mais dans l’Hilbert \(\left( F,\Vert . \Vert_2\right)\) les masses de Dirac \(\quad\delta_x\ :\ f\in F\mapsto\ \delta_x(f):= f(x)\) sont des formes linéaires continues (pas sur \(\left(L^2([0,1]),\Vert .\Vert_2\right)\) bien entendu !) ; et par suite pour tout \(x\in[0,1]\) la suite \(\left(\delta_x(g_{n_k})\right)_k= \left(g_{n_k}(x)\right)_k\) converge, i.e. la suite \((g_{n_k})_k\) est simplement convergente sur \([0,1]\). Notons \(g\) sa limite, on montre facilement que \(\Vert g_{n_k}-g\Vert^2_\infty\leq 4\). On peut ainsi appliquer le théorème de la convergence dominée : \(\vert g_{n_k}-g\vert^2\rightarrow 0\) dans \(L^1\), i.e. \(\lim_k g_{n_k}= g\) dans \(L^2([0,1])\) et \(\mathscr B\) est séquentiellement compact dans \(\left( F,\Vert \Vert_2\right)\) donc dans \(\left( F,\Vert . \Vert_\infty\right)\) : la boule unité de \(\left( F,\Vert . \Vert_\infty\right)\) est compacte : par le théorème de Riesz \(\dim(F)<+\infty\). CQFD

    -Avec un petit effort supplémentaire on peut montrer que le résultat ne subsiste plus si on remplace

    sous-espace de fonctions continues sur \([0,1]\) dans \(L^2([0,1])\)

    par

    sous-espace de fonctions continues sur \(]0,1]\) dans \(L^2([0,1])\)

    En effet, considérons pour \(n\geq 1\) des applications \(f_n\ :\ [0,1]\rightarrow\mathbb R\) continues, à support dans \(\left[{1\over n+1},{1\over n}\right]\) vérifiant \(\Vert f_n\Vert_2= 1\). C’est visiblement une famille orthonormale dans \(L^2(\,[0,1])\). Avec la formule de Parseval, on montre facilement que l’application \[L\ :\ \alpha= (\alpha_i)_{i\geq 1}\in l^2(\mathbb N)\mapsto L(\alpha):= \sum_{i\geq 1}\alpha_if_i\in L^2(\,[0,1])\] est une isométrie. En outre, la somme étant localement finie pour tout \(x\in]0,1]\) \[L(\alpha)\in \mathscr C^0(]0,1])\quad\text{ pour tout }\quad\alpha\in l^2(\mathbb N).\]

    En conclusion, \(L\left(l^2(\mathbb N)\right)\) est un sous-espace de fonctions continues (en prenant des fonctions affines par morceaux, on se persuade rapidement qu’il est facile de fabriquer dans \(L(l^2\left(\mathbb N)\right)\) des fonctions discontinues à l’origine), de dimension infinie, fermé (car isométrique à \(l^2(\mathbb N)\)) dans \(L^2(\,[0,1])\). Bref, le contre-exemple désiré.


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