[rms] (3)-2005/06

Soit \(f\in\mathscr C^\infty(\mathbb R,\mathbb R)\) une application \(2\pi\)-périodique. Si \(f'(0)=1\) et \(\vert f^{(n)}(x)\vert\leq 1,\) pour tout \(x\in\mathbb R\) et \(n\in\mathbb N\) montrer que \(f(x)=\sin(x)\).


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[ID: 2899] [Date de publication: 9 novembre 2022 22:30] [Catégorie(s): Suites et séries de fonctions, séries entières ] [ Nombre commentaires: 1] [nombre d'éditeurs: 1 ] [Editeur(s): Emmanuel Vieillard-Baron ] [nombre d'auteurs: 1 ] [Auteur(s): Patrice Lassère ]




Solution(s)

Solution(s)

Une caractérisation de la fonction sinus
Par Patrice Lassère le 9 novembre 2022 22:30
  1. Le cas \(\mathbf{2}\mathbf{\pi}\)-périodiquePremière étape : \(f\) est de classe \(\mathscr C^\infty\) et \(2\pi\)-périodique on peut donc lui appliquer les relations bien connues reliant les coefficients de Fourier d’une fonction a ceux de ses dérivées : \[\forall\,k\in\mathbb N,\ \forall\,n\in\mathbb Z\quad :\quad c_n(f^{(k)})=(in)^kc_n(f)\] qui impliquent \[\forall\,k\in\mathbb N,\ \forall\,n\in\mathbb Z\quad :\quad \vert c_n(f^{(k)})\vert=\vert n\vert^k\vert c_n(f)\vert.{(\text{$\star$})}\] Soit, vu les hypothèses sur \(f\) et ses dérivées : \[\forall\,k\in\mathbb N,\ \forall\,n\in\mathbb Z\quad :\quad \vert c_n(f^{(k)})\vert =\left\vert\dfrac{1}{2\pi}\int_{-\pi}^{\pi}f^{(k)}(t)e^{-int}dt\right\vert =\left\vert\dfrac{1}{2\pi}\int_{-\pi}^{\pi}f^{(k)}(t)e^{-int}dt\right\vert\leq 1. {(\text{$\star$})}\] Supposons maintenant qu’il existe \(n_0\in\mathbb Z\) tel que \[\vert n_0\vert \geq 2\quad\text{et}\quad \vert c_{n_0}(f)\vert > 0\] alors vu () : \[\lim_{k\to+\infty}\vert c_{n_0}(f^{(k)})\vert=\lim_{k\to+\infty}{n_0}^k\vert c_{n_0}(f)\vert=+\infty\] contredisant \((\text{$\star$})\), ainsi \[c_n(f)=0,\quad\forall \,n\in\mathbb Z\setminus\left\lbrace -1,0,1\right\rbrace\] et la série de Fourier de \(f\) est de la forme \[c_{-1}(f)e^{-ix}+c_0(f)+c_1(f)e^{ix}=a\cos(x)+b\sin(x)+c\quad \text{où }\ a,b,c\in\mathbb R.\] \(f\) étant \(\mathscr C^\infty\) et \(2\pi\)-périodique sur \(\mathbb R\), les théorèmes classiques de convergence nous assurent que \[f(x)=a\cos(x)+b\sin(x)+c,\quad\forall\,x\in\rbrack-\pi,\pi\lbrack.\]

    Seconde étape : Il ne reste plus qu’à exploiter les trois dernières hypothèses \[f'(0)=1,\quad\Vert f\Vert_\infty\leq 1\quad\text{ et }\quad \Vert f'\Vert_\infty\leq 1\] En effet, \(f'(0)=1\) implique \(b=1\) et, au voisinage de zéro \[f'(x)=a\sin(x)-\cos(x)=-1+ax+o(x)\] qui sera, si \(a\ne 0\), strictement plus petit que \(-1\) lorsque \(x\) tendra vers zéro suivant le signe contraire de \(a\) : c’est contraire à l’hypothèse et donc \(a=0\). Regardant au voisinage de \(\frac{\pi}{2}\), on obtient \(c=0\), soit finalement \[f(x)=\sin(x)\quad\forall\, x\in\mathbb R.\] Q.E.D.

    Sans la \(2\pi\)-périodicité, on pourrai bien sûr envisager de réitérer le même raisonnement sur la fonction \(g\) \(2\pi\)-périodique sur \(\mathbb R\) et égale à \(f\) sur \(]-\pi,\pi]\) pour en déduire que \(g\) puis \(f\) (car \(f\) est clairement développable en série entière sur \(\mathbb R\) et égale à \(g\) sur \(]-\pi,\pi]\) ) coïncide avec la fonction sinus sur \(]-\pi,\pi]\) ; mais malheureusement une obstruction apparait : \(g\) n’étant même plus continue (à priori) en les points de \(\pi\mathbb Z\), les formules \(\forall\,k\in\mathbb N,\ \forall\,n\in\mathbb Z\ :\ c_n(g^{(k)})=(in)^kc_n(g)\) ne sont plus valables. En effet elle s’obtiennent aprés \(k\) intégrations par parties dans \(c_n(g^{(k)})\), les termes entre crochets disparaissant grâce au caractère continu (et la \(2\pi\) périodicité) de \(g\) en \(-\pi\) et \(\pi\) ; de ce fait, dans notre cas, la non continuité de \(g\) et à fortiori de ses dérivées en ces points va faire apparaitre à droite un polynôme en \(n\) qui (semble) rendre vain tout espoir de généralisation par cette méthode....

  2. Le cas général On va proposer deux solutions (ces deux solutions sont tirées du volume 116-3 de la RMS, [rms]), l’une s’appuyant sur la théorie des fonctions holomorphes, l’autre sur l’analyse fonctionnelle. Commencons par fixer quelques notations communes aux deux solutions.

    Pour toute fonction bornée sur \(\mathbb R\), on pose \(\Vert f\Vert=\sup_{x\in\mathbb R}\vert f(x)\vert.\) L’espace vectoriel \[\mathscr E_\mathbb C:=\{f\in\mathscr C^\infty(\mathbb R,\mathbb C)\ :\ \exists\,c>0\ \forall\,n\in\mathbb N,\ \forall\,x\in\mathbb R\quad \vert f^{(n)}(x)\vert\leq c\}\] (on définit de même l’espace réel \(\mathscr E_\mathbb C\)) sera normé par \(\displaystyle N(f)=\sup_{n\in\mathbb N}\Vert f^{(n)}\Vert\) ; on désignera par \(\mathscr E_\mathbb R\) l’espace vectoriel réel \(\mathscr E_\mathbb R\subset\mathscr E_\mathbb C\) des applications à valeurs réelles. Enfin, \(\mathscr B\) désignera l’espace des fonctions entières \(f\) vérifiant \[\exists\, c>0\ :\quad \forall\,z\in\mathbb C, \quad \vert f(z)\vert\leq ce^{\vert\text{Im}(z)\vert},\] il est normé par \(\displaystyle N_\mathscr B(f)=\sup_{z\in\mathbb C}\vert f(z)\vert e^{-\vert\text{Im}(z)\vert}\).

    Notre objectif est alors le suivant

    Théorème : La solution dans \(f\in\mathscr E_\mathbb R\) de \(N(f)\leq 1\) & \(f'(0)=1\) est \(f=\sin\).

    Résultats préliminaires :

    \(\rightsquigarrow\)Pour toute application \(f\in \mathscr E\), il existe une unique fonction entière \(\tilde f\) dont la restriction à \(\mathbb R\) est \(f\). De plus, \(\tilde f\in\mathscr B\) et \(\quad N_{\mathscr B}(\tilde f)\leq N(f)\).

    \(\rightsquigarrow\)Pour tout \(t\in\mathbb R\) (resp. \(\tau\in\mathbb C\)) et \(f\in\mathscr E\) (resp. \(\mathscr B\)) les translatés \(x\mapsto f_t(x)=f(x+t)\) (resp. \(f_\tau\)) restent dans \(\mathscr E\) (resp. \(\mathscr B\)).

    \(\rightsquigarrow\)De toute suite \((f_n)_n\) bornée de \((\mathscr E,N)\) il existe une application \(f\in\mathscr E\) et une sous-suite \((f_{n_k})_k\) telles que pour tout entier \(j\in\mathbb N\) la suite \((f^{(j)}_{n_k})_k\) converge uniformément sur tout compact de \(\mathbb R\) vers \(f^{(j)}\) (i.e. converge dans1 \(\mathscr C^\infty(\mathbb R)\)).

    Preuve : Les hypothèses sur \(f\) assurent qu’elle est la restriction à la droite réelle de la série entière \[\tilde f(z):=\sum_{n\geq 0}\dfrac{f^{(n)}(0)}{n!}z^n\] de rayon de convergence infini. En outre pour tout \(x+iy\in\mathbb C\) \[\vert \tilde f(x+iy)\vert\leq \sum_{n\geq 0}\left\vert\dfrac{f^{(n)}(x)}{n!}(iy)^n\right\vert\leq\sum_{n\geq 0}\dfrac{\vert y\vert}{n!}=e^{\vert y\vert}N(f)\] soit \(f\in\mathscr B\) et \(N_{\mathscr B}(\tilde f)\leq N(f)\).

    La seconde assertion est immédiate et la troisième se déduit du fait que toute partie bornée de \((\mathscr E, N)\) est bornée dans l’espace de Montel \(\mathscr C^\infty(\mathbb R)\) .\(\square\)

    Première solution : Pour \(f\in\mathscr E_\mathbb R\) posons \[Q(f)=f(0)^2+f'(0)^2,\quad R(f)=\Vert f^2+f'^2\Vert.\] Il est clair que \(Q(f)\leq R(f)\leq 2N(f)^2,\quad \forall\,f\in\mathscr E_\mathbb R,\) ce qui justifie la définition \[\rho:=\sup_{f\in\mathscr E_\mathbb R,\ N(f)\leq 1}R(f).\] La démonstration repose sur la détermination de \(\rho\) et l’étude de \(X:=\{ f\in\mathscr E_\mathbb R\ :\ N(f)\leq 1\ \text{ et }\ Q(f)=\rho\,\}\), elle se divise en trois étapes.

    On peut déja remarquer que \(\rho\geq 1\) car l’application \(x\mapsto \sin(x)\) est dans \(\mathscr E_\mathbb R\) .

    L’ensemble \(X\) est non vide.

    En effet, considérons une suite \((f_k)_k\) d’éléments de \(\mathscr E_\mathbb R\) telle que \[N(f_k)\leq 1,\ \forall\,k\in\mathbb N\ \text{ et }\ \lim_{n\to\infty}R(f_k)=\rho.\] Quitte à remplacer chaque \(f_k\) par une de ses translatés (via le lemme, mais il faut être tout de même délicat car le sup peut être atteint à l’infini...) on peut supposer que \(\lim_k Q(f_k)=\rho\). La troisième assertion du lemme assure alors de l’existence d’une sous-suite \((f_{n_k})_k\) et d’une application \(f\in\mathscr E_\mathbb R\) telles que pour tout entier \(j\in\mathbb N\) la suite \((f_{n_k}^{(j)})_k\) converge uniformément sur tout compact de \(\mathbb R\) vers \(f^{(j)}\). Clairement, \(f\in X\) qui est non vide. \(\square\)

    Soit \(f\in X\). Si \(f'(0)\neq 0\), alors \(f''(0)=-f'(0)\) et \(f'\in X\).

    Vu la définition de \(\rho\) et de \(X\), pour toute \(f\in X\), la fonction \(g:=f^2+f'^2\) admet un maximum local en \(x=0\), soit \(g'(0)=0\) et le résultat suit.\(\square\)

    \(\rho=1.\)

    Supposons par l’absurde que \(\rho>1\). Dans ce cas, pour tout \(f\in X\) : \(f(0)f'(0)\neq 0\) (ne pas oublier que dans ce cas \(Q(f)=f^2(0)+f'^2(0)>1\) et \(\max\{\vert f(0)\vert,\vert f'(0)\vert\}\leq 1\)...) ; on peut donc, en invoquant la seconde étape, en déduire que \[\forall\,f\in X,\ n\in\mathbb N\ :\quad f^{(n)}\in X\quad \text{et}\quad f^{n+2}(0)=-f^{(n)}(0).\] Toutes les applications \(f\) étant développables en série entière, \(X\) est donc inclu dans le plan engendré par les fonctions \(\sin\) et \(\cos\), mais sur ce plan \(Q\) et \(N^2\) coïncident ce qui contredit l’assertion \(\rho>1\).\(\square\)

    Preuve du théorème :Considérons \[Y=\{\,f\in\mathscr E_\mathbb R\ :\quad N(f)\leq 1\ \text{ et }\ f'(0)=1\,\}.\] Vu ce qui précède, \(Y\subset X\) et \(\forall\,f_in X\ :\ f(0)=0\). Pour conclure, il suffit de montrer que \[(f_in Y)\ \Longrightarrow\ (-f''\in Y),\] en effet, si tel est le cas on aura \[\forall\,f\in Y,\ \forall\,n\in\mathbb N\ :\quad f^{(2n)}(0)=0,\ f^{(2n+1)}(0)=(-1)^n\] soit (\(f\) étant développable en série entière) \(f=\sin\).

    Soit donc \(f_inY\). En considérant à nouveau \(g=f^2+f'^2\), comme \(g\) présente à l’origine un maximum local, donc \(g''(0)\leq 0\) qui implique (pas clair encore...) \(f'''(0)\leq -1\) ; et comme \(N(f)\leq 1\) ceci implique \(f'''(0)=-1\) i.e. \(-f''\in Y\), ce qu’il restait à établir. \(\square\)

    Seconde solution :


  1. [watop], [waint].1  Pour la topologie usuelle de \(\mathscr C^\infty(\mathbb R)\) voir l’exercice ?? ou

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