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Autour du théorème des moments de Hausdorff
Soit \(f\in C([a,b])\) telle que \(\int_a^bf(t)t^ndt=0,\ \forall\,n\in\mathbb N\). Montrer que \(f\) est identiquement nulle (théorème des moments de Hausdorff).
Soit \(f\) définie sur \(\mathbb R^+\) par
\[f(x)=e^{-x^{1/4}}\sin(x^{1/4})\]
Montrer que
\[I_n:=\int_0^{+\infty}t^ne^{-\omega t}dt={n!\over {\omega^{n+1}}},\quad n\in\mathbb N\quad\text{où }\omega=e^{i\pi\over 4}\]
En déduire que \[\int_0^{+\infty}t^nf(t)dt=0,\ \forall\,n\in\mathbb N.\] (pour cela, remarquer que \(I_{4n+3}\in\mathbb R\)...).
Soit \(a>0\) et \(f\in\mathscr C^0([-a,a])\). Si \[\int_{-a}^a t^nf(t)dt=0,\quad\forall\,n\in\mathbb N,\] montrer que \(f\) impaire sur \([-a,a]\). De même, si \[\int_{-a}^a t^{2n+1}f(t)dt=0,\quad\forall\,n\in\mathbb N,\] montrer que \(f\) paire sur \([-a,a]\).
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[ID: 2795] [Date de publication: 9 novembre 2022 16:17] [Catégorie(s): Intégration ] [ Nombre commentaires: 1] [nombre d'éditeurs: 1 ] [Editeur(s): Emmanuel Vieillard-Baron ] [nombre d'auteurs: 1 ] [Auteur(s): Patrice Lassère ]Solution(s)
Solution(s)
Autour du théorème des moments de Hausdorff
Par Patrice Lassère le 9 novembre 2022 16:17
Par Patrice Lassère le 9 novembre 2022 16:17
Soit \(f\) une telle fonction, avec la linéarité de l’intégrale on a
\[\int_a^b f(t)P(t)dt=0,\quad\forall P\in\mathbb R[X],\]
mais par le théorème de Weierstrass, il existe une suite \((P_n)_n\subset\mathbb R[X]\) qui converge uniformément sur \([a,b]\) vers \(f\), et par convergence uniforme sur \([a,b]\) \[\int_a^b f^2(t)dt=\int_a^b \lim_n f(t)P_n(t)dt=\lim_n\int_a^bf(t)P_n(t)dt =0\]
soit (\(f^2\) est continue et positive) \(f\equiv 0\).
Pour tout \(n\in\mathbb N\ :\ \) \[\left\vert t^ne^{-\omega t}\right\vert= t^n\exp(-{t\sqrt 2\over 2})\in L^1(\mathbb R)\] et l’intégrale \(I_n\) est bien convergente ; en outre, si \(n\geq 1\) une intégration par parties donne
\[I_n=\omega^{-1}\left[-t^ne^{-\omega t}\right]_0^\infty+{n\over\omega}\int_0^\infty t^{n-1}e^{-\omega t}dt={n\over\omega}I_{n-1}\]
soit
\[I_n={n!\over {\omega^{n+1}}},\quad n\in\mathbb N.\]
Et puisque pour \(n\geq 1\ :\ \omega^{4(n+1)}=(-1)^{n+1}\) au vu du calcul précédent
\[I_{4n+3}\in\mathbb R,\ \forall\,n\in\mathbb N\]
sa partie imaginaire est donc toujours nulle i.e.
\[\begin{aligned}0=im(I_{4n+3})&=\int_0^\infty t^{4n+3} \exp(-{t\sqrt 2\over 2})\sin({t\sqrt 2\over 2})dt \\ &=\int_0^\infty x^n\sin(x^{1/4})\exp({-x^{1/4}})dx\quad(\text{poser }x=t^4/4)\\ &=\int_0^\infty x^nf(x)dx\quad n\in\mathbb N \end{aligned}\]
d’où le contrexemple désiré.
Commencons par remarquer que, vu les hypothèses sur \(f\) \[\begin{aligned} \int_{-a}^a\left( f(t)+f(-t)\right)t^{2n} dt&=\int_{-a}^a f(t)t^{2n}dt+\int_{-a}^a f(-t)(-t)^{2n}dt \\ &=2\int_{-a}^af(t)t^{2n}dt=0,\quad\forall\,n\in\mathbb N.\end{aligned}\] D’autre part \[\int_{-a}^a\left( f(t)+f(-t)\right)t^{2n+1} dt=\int_{-a}^a f(t)t^{2n+1}dt-\int_{-a}^a f(-t)(-t)^{2n+1}dt =0,\quad\forall\,n\in\mathbb N.\] L’application continue sur \([-a,a]\), \(g(t)=f(t)-f(-t)\) vérifie donc \[\int_{-a}^af(t)t^{n} dt=0,\qquad\forall\,n\in\mathbb N,\] elle est donc (vu la première question) identiquement nulle : \(f\) est bien impaire.
La procédure est identique pour le second cas.
Pour la première question, on est pas obligé d’utiliser Weierstrass, on peut procéder de la manière suivante : soit \(f\in\mathscr C([0,1])\) une application vérifiant \(\int_0^1t^nf(t)dt=0,\quad\forall\,n\in\mathbb N\). Par linéarité de l’intégrale \(\int_0^1 P(t)f(t)dt=0,\quad\forall\,P\in\mathbb R[X]\). Supposons un instant que \(f\) ne soit pas identiquement nulle sur \([0,1]\) : par continuité, il existe \(0<c<1\) tel que \(f(c)\neq 0\) (et même \(f(c)>0\) quitte à remplacer \(f\) par \(-f\)) ; il existe aussi \(0<a<c<b<1\) tels \(f(x)\geq \frac{f(c)}{2},\ \forall\,x\in[a,b]\). Alors, le polynôme \(P(t)=1+(X-a)(b-X)\) vérifie \(P(t)\geq 1\) sur \([a,b]\) et \(0\leq P(t)\leq 1\) sur \(\mathbb [0,1]\setminus[a,b]\). On a aussi \(P'>0\) sur \([0,a]\) par compacité de ce dernier intervalle, il existe \(\lambda>0\) tel que \(P'(t)\geq \lambda>0\). Ainsi, en posant \(M=\sup_{[0,1]}\vert f(t)\vert\), on a pour tout \(k\in\mathbb N\) : \[\begin{aligned}\left\vert\int_0^a P^n(t)f(t)dt\right\vert&\leq M\int_0^a P^n(t)dt \leq \dfrac{1}{\lambda}\int_0^a P'(t)P^n(t)dt\\ &=\dfrac{1}{\lambda}\left[ \dfrac{P^{n+1}(t)}{n+1}\right]_0^a =\dfrac{1-(1-ab)^{n+1}}{\lambda (n+1)}\leq \dfrac{1}{\lambda(n+1)} \end{aligned}\] et en procédant de même sur \([b,1]\) on peut donc affirmer que \[\lim_{n\to\infty}\int_0^a P^n(t)f(t)dt=0,\quad\&\quad\lim_{n\to\infty}\int_b^1 P^n(t)f(t)dt=0.{\text{(\ding{56})}}\] Par contre, sur \([a,b]\), et avec ce choix de \(P\) nous avons \[\int_a^b P^n(t)f(t)dt\geq \int_a^b f(t)dt\geq \dfrac{b-a}{2}f(c)>0.{\text{(\ding{52})}}\] Les formules () et () impliquent que \(\int_0^1 P^n(t)f(t)dt>0\) pour tout entier \(n\) suffisament grand, fait parfaitement absurde puisque \(\int_0^1 Q(t)f(t)dt=0,\quad\forall\,Q\in\mathbb R[X]\).
Utilisez correctement le théorème de Weierstrass, en particulier sur \(\mathbb R^2\) ou \(\mathbb C\) toute fonction continue sur un compact \(K\) y est limite uniforme de polynômes en \(x\) et \(y\) (i.e. \(\in\mathbb C[x,y]\)) et non en \(z=x+iy\) (i.e. \(\in\mathbb C[z]\)) . Le contre exemple canonique (bien connu des amateurs de fonctions holomorphes) étant la fonction continue sur \(\mathbb C^\star\) : \(f(z)= z^{-1}\), pour laquelle il n’existe pas de suite de polynômes \((P_n)_n\subset\mathbb C[z]\) convergeant uniformément vers \(f\) sur le cercle unité \(S^1\subset\mathbb C^\star\) ; en effet en passant par exemple en coordonnées polaires on vérifie facilement que
\[\int_{S^1}f(z)dz=2i\pi\quad\text{ alors que }\quad\int_{S^1}P_n(z)dz=0,\quad\forall\,n\in\mathbb N.\]
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