[boas] Déterminer suivant leurs propriétés les fonctions \(f\ :\ \mathbb R\to\mathbb R\) vérifiant \[f(x+y)=f(x)+f(y),\qquad\forall\,x,y\in\mathbb R.(\bigstar)\]


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[ID: 2639] [Date de publication: 9 novembre 2022 14:59] [Catégorie(s): Continuité ] [ Nombre commentaires: 1] [nombre d'éditeurs: 1 ] [Editeur(s): Emmanuel Vieillard-Baron ] [nombre d'auteurs: 1 ] [Auteur(s): Patrice Lassère ]




Solution(s)

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L’équation fonctionnelle de Cauchy \(f(x+y)=f(x)+f(y)\)
Par Patrice Lassère le 9 novembre 2022 14:59

Une fonction vérifiant l’équation fonctionnelle \((\bigstar)\) sera dite additive.

  1. Toutes les applications linéaires \(f(x)=ax,\ a\in \Bbb R\) sont additives, mais comme nous le verrons, sous l’hypothèse de l’existence d’une base de Hamel de \(\Bbb R\) (i.e. avec l’axiome du choix) on peut construire d’autres solutions qui seront très fortement discontinues.

  2. Si \(f\) est additive, alors \(f(qx)=qf(x),\ \forall\,(q,x)\in\Bbb Q\times\Bbb R\). En effet, si \(x\in\Bbb R\), nous avons \(f(2x)=f(x+x)=f(x)+f(x)=2f(x)\) et par une récurrence élémentaire \(f(nx)=nf(x),\ \forall\,n\in\Bbb N\). En outre de \(f(x)=f(x+0)=f(x)+f(0)\) nous avons \(f(0)=0\), puis \(0=f(0)=f(x-x)=f(x)+f(-x)\) soit \(f(-x)=-f(x),\ \forall\,x\in\Bbb R\) et finalement \(f(nx)=nf(x),\ \forall\,n\in\Bbb Z\). En remplaçant maintenant \(x\) par \(x/n\) : \(f(x)=nf({x\over n})\) soit \(f({x\over n})={1\over n}f(x)\) et enfin, en remplaçant \(x\) par \(mx\) : \(f({mx\over n})={1\over n}f(mx)={m\over n}f(x)\).

  3. Si \(f\) est continue et additive sur \(\Bbb R\), alors \(f(x)=ax=f(1)x\) (i.e. \(f\) est linéaire). Par la seconde étape \(f(x)=xf(1),\ \forall\,x\in\Bbb Q\) et par continuité, cette égalité s’étend à tout \(\Bbb R\).

  4. Si \(f\) additive, est continue en au moins un point \(c\in\Bbb R\) alors \(f\) est linéaire. \(f\) continue au point \(c\) implique \(\lim_{\varepsilon\to 0}\left(f(c+\varepsilon)-f(c)\right) =0 =\lim_{\varepsilon\to 0} f(\varepsilon)\ \Longrightarrow\) (\(f\) continue à l’origine). Alors vu que pour tout réel \(x\) : \(f(x+\varepsilon)-f(x)=f(\varepsilon)\), \(f\) est donc continue en \(x\), donc sur \(\Bbb R\) et finalement linéaire vu (3).

  5. Si \(f\) additive est bornée sur un intervalle alors \(f\) est linéaire. On peut même encore affaiblir cette dernière hypothèse en ne demandant à \(f\) d’être bornée seulement sur une partie \(E\) de \(\mathbb R\) telle que l’ensemble \(\widetilde E:=\{ x-y ,\ x,y\in\,E\}\) contienne un voisinage de l’origine (par exemple l’ensemble de Cantor \(C-C=[-1,1]\)). Supposons donc qu’il existe \(\delta>0\) tel que \(\{\vert t\vert<\delta\}\subset\widetilde E\), il existe \(x,y\in E\) tels que \(t=x-y\).

    Si \(\vert f(x)\vert\leq M\) sur \(E\), nous avons pour tout \(t\in]-\delta,\delta[\ : \vert f(t)\vert=\vert f(x-y)\vert=\vert f(x)-f(y)\vert\leq 2M\) ; par suite pour \(\vert u\vert\leq {\delta\over n}\) nous aurons \(\vert f(u)\vert=n^{-1}\vert f(nu)\vert\leq {2M\over n}\) si bien que \(f\) est continue à l’origine et donc linéaire par l’étape (4). on peut aussi conclure de la manière suivante : si \(x\in\mathbb R\), soit \(r\in\mathbb Q\) tel que \(\vert x-r\vert<\delta n^{-1}\), nous avons : \(\vert f(x)-xf(1)\vert=\vert f(x-r)+(r-x)f(1)\vert\leq{2M\over n}+{\delta\vert f(1)\vert\over n}\), \(n\) étant quelconque \(f(x)=xf(1)\).

  6. Si le graphe de \(f\) additive n’est pas partout dense dans \(\mathbb R^2\) alors \(f\) est linéaire. Pour cela considérons deux points \((x_1,x_2),\ (y_1,y_2)\in \mathbb R^2\) non proportionnels, i.e. tels que \(x_1y_2\ne x_2y_1\). Pour tous réels \(a,b\in\mathbb R\), et étant donné \(\varepsilon>0\) il existe alors deux rationnels \(r\) et \(s\) tels que \(\vert rx_1+sx_2-a\vert<\varepsilon\) et \(\vert ry_1+sy_2-b\vert<\varepsilon\) (car le discriminant du système \(ux_1+vx_2=a\ \& \ uy_1+vy_2=b\) est \(x_1y_2-x_2y_1\ne 0\) et \(\mathbb Q^2\) dense dans \(\mathbb R\)). Supposons donc \(f\) non linéaire, il existe deux réels \(x_1,x_2\) tels que \({f(x_1)\over x_1}\ne{f(x_2)\over x_2}\) et vu la remarque précédente pour tout \((a,b)\in\mathbb R^2\) et \(\varepsilon>0\) il existe \((r,s)\in\mathbb Q^2\) tel que \(\vert f(rx_1+sx_2)-b\vert=\vert rf(x_1)-sf(x_2)-b\vert<\varepsilon\) et \(\vert rx_1+sx_2-a\vert<\varepsilon\) ; autrement dit le point du graphe de \(f\) : \(\left(rx_1+sx_2,\,f(rx_1+sx_2)\right)\) est à une distance plus petite que \(\varepsilon\) de \((a,b)\) : le graphe de \(f\) est donc bien dense dans \(\mathbb R^2\).

    On peut aussi procéder de la manière suivante : si \(f\) n’est pas linéaire pour montrer que son graphe est dense dans \(\mathbb R^2\) vu que \(f(x+y)=f(x)+f(y),\ x,y\in\mathbb R\) et \(f(r)=rf(1),\ r\in\mathbb Q\) il est suffisant de montrer que l’image de tout voisinage de l’origine est dense dans \(\mathbb R\) ou de manière équivalente dense dans \(\mathbb Q\) : soient \(q\in\mathbb Q_+^\star,\ 0<\varepsilon<1\). Nous savons (6), que \(f\) est non bornée sur \(]0,\varepsilon[\), supposons par exemple \(\sup_{0<x<\infty}f(x)=+\infty\), il existe alors un entier \(n\geq q/\varepsilon\) et \(s\in]0,\varepsilon[\) tels que \(n+1\geq f(s)> n\) si bien que \(f(qs/n)={q\over n}f(s)\) vérifie \(q+\varepsilon>{q(n+1)\over n}\geq f(qs/n)\geq q\) avec \({qs\over n}\in]0,\varepsilon[\). En résumé, pour tous \(\varepsilon>0\), \(q\in\mathbb Q_+^\star\) nous avons construit \(s\in]0,\varepsilon[\) vérifiant \(\vert f(s)-q\vert<\varepsilon\) (et si \(q<0\) on applique ce qui précède à \(-q\) et on utilise l’imparité de \(f\)) \(f(]0,\varepsilon[)\) est donc dense dans \(\mathbb Q\) et par transitivité, dans \(\mathbb R\).

  7. Existence de fonction sous-additives non linéaires. Avec l’axiome du choix, on peut considérer \(\mathbb R\) comme un \(\mathbb Q\)-espace vectoriel (de dimension non-dénombrable), il existe donc une famille (non dénombrable \(\mathscr H=\{e_i\}_{i\in I}\subset\mathbb R\) telle que pour réel \(x\) s’écrive de manière unique sur la forme \(x=\sum_{i\in I}x_ie_i\) où les \(x_i\) sont dans \(\mathbb Q\) et sont nuls, sauf peut-être un nombre fini d’entre-eux ( ie \(x=\sum_{k=1}^{n_x}x_{i_k}e_{i_k}\)) c’est une base de Hamel.

    On considère alors la fonction \(f\) définie sur \(\mathscr H\) de la manière suivante : soit \(h\in\mathscr H\) et

    \[f(x)= \begin{cases} 0 \quad\text{ si }\quad x\in\mathscr H\setminus\{h\}, \\ 1 \quad\text{ si}\quad x=h. \end{cases}\]

    et, pour un réel arbitraire

    \[\quad x=x_{i_1}e_{i_1}+\dots+x_{i_n}e_{i_n} \quad :\quad f(x):=x_{i_1}f(e_{i_1})+\dots+x_{i_n}f(e_{i_n}).\]

    Vu la définition d’une base de Hamel, \(f\) est parfaitement définie1 et il est facile de vérifier qu’elle ne peut être linéaire puisque pour tout \(x\in\mathscr H\setminus\{h\}\) :

    \[0={f(x)\over x}\ne{f(h)\over h}=1.\]

  8. Du même tonneau : les fonctions mid-convexes. Une fonction \(f\ :\ \mathbb R\to\mathbb R\) est dite mid-convexe si

    \[f\left({x+y\over 2}\right)\leq {1\over 2}\big( f(x)+f(y)\big),\quad\forall\,x,y\in\mathbb R.\]

    Toute fonction convexe est mid-convexe et il n’est pas difficile de démontrer qu’une fonction mid-convexe continue est convexe. L’existence de fonctions mid-convexes qui ne soient pas convexes dépend encore une fois de l’axiome du choix. L’axiome du choix étant admis, considérons une base de Hamel \((b_i)_i\) de \(\mathbb R\) et soit encore une fois \(f\) définie sur \(\mathbb R\) par

    \[\forall\,x=\sum_{i\in I_x}\,a_kb_k\quad :\quad f(x)=\sum_{i\in I_x}a_if(b_i)\]

    \(f\) est mid-convexe mais en choisissant des valeurs convenables pour \(f(b_i)\) il n’est pas difficile de faire en sorte que \(f\) ne soit pas convexe.


  1. 1  avec cette construction il est même clair que toute application \(g\ :\ \mathscr H\to \mathbb R\) se prolonge en une fonction additive sur \(\mathbb R\)

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