[amm] 10/1998.

Il s’agit de quelques applications, souvent surprenantes de la propriété universelle de surjectivité de l’ensemble de Cantor \(C\) :

Tout espace métrique compact est image continue de l’ensemble de Cantor

(Alexandroff-Hausdorff)

  1. Il existe une surjection continue \(f\) de \([0,1]\) sur \([0,1]^d\).

  2. Une fonction continue qui interpole toute suite bornée : Il existe une application continue \(f\in\mathscr C (\mathbb R,\mathbb R)\) telle que pour toute suite \(\mathbf{y}=(y_n)_n\in[-1,1]^{\mathbb Z}\), il existe \(a\in\mathbb R\) tel que \[f(a+n)=y_n,\quad \forall\,n\in\mathbb Z.\]

  3. Le théorème de Banach-Mazur : Tout Banach séparable est linéairement isométrique à un sous-espace de \(\mathscr C([0,1])\).


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[ID: 2613] [Date de publication: 9 novembre 2022 14:43] [Catégorie(s): Topologie ] [ Nombre commentaires: 1] [nombre d'éditeurs: 1 ] [Editeur(s): Emmanuel Vieillard-Baron ] [nombre d'auteurs: 1 ] [Auteur(s): Patrice Lassère ]




Solution(s)

Solution(s)

Surjectivité universelle de l’ensemble de Cantor
Par Patrice Lassère le 9 novembre 2022 14:43
  1. Par le théorème d’Alexandroff-Hausdoff, il existe une application continue surjective \(f\ :\ C\to[0,1]^d\). On va prolonger \(f\) à tout l’intervalle \([0,1]\) par interpolation linéaire : le complémentaire de l’ensemble de Cantor dans \([0,1]\) est réunion dénombrable d’intervalles ouverts. Soit \(]a,b[\) l’un de ces intervalles, on définit \(f\) sur \(]a,b[=\{\,ta+(1-t)b,\ 0<t<1\}\) en posant \[f(ta+(1-t)b)=tf(a)+(1-t)f(b).{\text{($\star$)}}\] \(f\) ainsi prolongée est visiblement continue et par convexité du cube \([0,1]^d\) elle reste à valeurs dans le cube, soit \(f([0,1])=[0,1]^d\).

     Remarques : -Donner une référence pour la preuve du théorème de Alexandroff-Hausdorff.

    -Dans la première question, seule intervient la convexité du cube. On à donc en fait démontré : Pour tout espace métrique compact convexe \(K\) d’un espace vectoriel topologique \(E\) (il faut tout même être dans un e.v.t. pour que le prolongement (\(\star\)) soit continu), il existe une surjection continue de \([0,1]\) sur \(K\). Et même plus générallement Pour tout espace métrique compact \(K\) d’un espace vectoriel topologique \(E\), il existe une application continue \(f\in\mathscr C([0,1],E)\) telle que \(K\subset f([0,1])\subset \text{conv(K)}\).

  2. Munissons l’ensemble \([-1,1]^\mathbb Z\) des suites \(\mathbf{y}=(y_n)_{n\in\mathbb Z}\) vérifiant \(\vert y_n\vert\leq 1,\ \forall\,n\in\mathbb Z\), de la topologie produit ; par le théorème de Tychonoff c’est un espace compact. Comme produit dénombrable d’espace métrisable, \(K\) est aussi métrisable (par exemple par \(d(\mathbf{y},\mathbf{x})=\sum_{n\in\mathbb Z}2^{-\vert n\vert}\vert y_n-x_n\vert\), la compacité peut alors d’ailleurs de démontrer par un procédé d’extraction diagonal...).

    Avec Alexandroff-Hausdorff, il existe donc une surjection continue \(\psi\) de \(C\) sur \([-1,1]^\mathbb Z\) : \(t\in C\mapsto \psi(t):=(\psi_n(t))_{n\in\mathbb Z}\) ; \([-1,1]^\mathbb Z\) étant muni de la topologie produit, les applications coordonnées \(\psi_n\ :\ C\to [-1,1]\) sont continues.

    On suppose ici que \(C\subset[0,1/2]\) (par exemple l’image du Cantor standart par l’homéomorphisme \(f(x)=x/2\)) de telle sorte que \[\left( C+n\right) \bigcap \left( C+m\right) =\emptyset,\quad \forall\,m\neq m\ \text{ dans }\ \mathbb Z,\] ce qui permet de définir la fonction \(f\) sur \(A=\bigcup_{n\in\mathbb Z}\left( C+n\right)\) par \[f(t+n)=\psi_n(t),\quad t\in C,\ n\in\mathbb Z.\] Vu \(A\) et \(\psi\), \(f\) est bien définie et continue sur \(A\) et comme dans la question précedente (\(\mathbb R\setminus A\) est réunion dénombrable d’intervalles ouverts ; on peut aussi bien entendu invoquer le théorème d’extension de Tietze) on prolonge \(f\) sur \(\mathbb R\) en une fonction continue notée encore \(f\) à valeurs dans \([-1,1]\). La fonction \(f\) possède la propriété recquise : soit \(\mathbf{y}=(y_n)_n\in[-1,1]^\mathbb Z\), il existe \(t_0\in C\) tel que \(\psi(t_0)=\mathbf{y}\) i.e. \(f(t_0+n)=\psi_n(t_0)=y_n,\ \forall\,n\in\mathbb Z\).

     Remarques : -On peut bien entendu remplacer \([-1,1]^\mathbb Z\) par \([-a,a]^\mathbb Z\) avec \(a>0\). Toutefois il n’est pas envisageable de contruire une application continue sur \(\mathbb R\) qui interpole toutes les suites doublement (i.e. indicées dans \(\mathbb Z\)) bornées et même toute les suite constantes : en effet si tel était le cas on aurait \[\forall\,\alpha\in\mathbb R,\quad\exists\,t\in\mathbb R\ :\ f(t+n)=\alpha,\quad\forall\,n\in\mathbb Z\] qui implique \(f([0,1])=\mathbb R\) contredisant la continuité de \(f\).

    -Soit \(\{M_n\}_{n\in\mathbb Z}\) une suite arbitraire d’entiers positifs ; en remplacant \([-1,1]^\mathbb Z\) par \(\prod_{n\in\mathbb Z}[-M_n,M_n]\) la démontration précédente permet de travailler avec des suites \(\mathbf{y}=(y_n)_n\) vérifiant \(\vert y_n\vert\leq M_n,\ \forall\,n\in\mathbb Z\). Il est en particulier possible de construire une fonction continue qui interpole toutes les suites (indicées dans \(\mathbb N\)) bornées. Précisément : Il existe \(f\in\mathscr C(\mathbb R,\mathbb R)\) telle que pour toute suite bornée \(\mathbf{y}=(y_n)_{n\in\mathbb N}\) il existe \(t\in\mathbb R\) vérifiant \(f(t+n)=y_n,\ \forall\,n\in\mathbb N\) . En effet, considèrons la fonction \(f\) obtenue avec la suite \(M_n=n\) si \(n\geq 0\) et \(M_n=0\) sinon. Avec ce choix, pour toute suite bornée \(\mathbf{y}=(y_n)_{n\in\mathbb N}\) il existe \(k\in\mathbb N\) tel que \(\vert y_n\vert\leq k,\ \forall\,n\in\mathbb N\) et il existe alors \(t\in\mathbb R\) tel que \(f(s+m)=0\) si \(m<k\) et \(f(s+m)=y_{m-k}\) pour \(m\geq k\), le choix \(t=s+k\) convient.

  3. Pour montrer que tout espace de Banach séparable \(X\) est isométrique1 de \(\mathscr C([0,1])\), on procède par étape :

    -Première étape : Tout espace de Banach séparable est isométrique à un sous-espace de \(\mathscr C(K)\)\(K\) est une partie compacte convexe métrisable d’un espace vectoriel topologique \(E\).

    Désignons par \(X^\star\) le dual topologique de \(X\). Tout élément \(x\in X\) peut être considéré comme une forme linéaire sur \(X^\star\) par \[x(y^\star):=y^\star(x),\quad\forall\,y\in X^\star.{\text{($\star$)}}\] Si l’on muni \(X^\star\) de la topologie \(\sigma(X^\star,X)\) (où faible\(^\star\), c’est la topologie la plus faible sur \(X^\star\) rendant continue les éléments de \(X\) considérés comme fonctionnelles par (\(\star\))), pour cette topologie, la boule unité \(K\) de \(X^\star\) (la boule unité de l’espace de Banach \(X^\star\)) est une partie compacte, convexe et métrisable ([watop] pages ???). Nous pouvons maintenant définir une isométrie \(J\) de \(X\) dans \(\mathscr C(K)\) par \[J(x)(k):=k(x)=x^\star(k),\quad\forall\,x\in X,\ k\in K.\] \(J\) est clairement linéaire, que \(J(x)\in \mathscr C(K)\) résulte de la définition de la topologie \(\sigma(X^\star,X)\), vérifions enfin que \(J\) est bien une isométrie. Pour tout \(k\in K,\ x\in X\) \[\vert J(x)(k)\vert=\vert k(x)\vert\leq \Vert k\Vert_{X^\star}\Vert x\Vert_X \leq\Vert x\Vert_X\] la première inégalité résulte de la définition de la norme sur \(X^\star\) et la seconde du fait que \(K\) est la boule unité de \(X^\star\) (i.e. \(\Vert k\Vert_{X^\star}\leq 1\)). Ainsi \[\Vert J(x)\Vert_{\mathscr C(K)}=\sup_{k\in K}\vert J(x)(k)\vert\leq\Vert x\Vert_X.\] L’inégalité contraire est une conséquence d’un corollaire du théorème de Hahn-Banach ([watop] page ....) : pour tout \(x\in X\) il existe \(k_x\in K\) telle que \(k_x(x)=\Vert x\Vert_X\). Alors \[\Vert J(x)\Vert_{\mathscr C(K)}\geq J(x)(k_x)=k_x(x)\Vert x\Vert_X\] soit finalement \(\Vert J(x)\Vert_{\mathscr C(K)}=\Vert x\Vert_X,\ \forall\,x\in X\) : \(J\) est bien une isométrie.

    -Seconde étape : \(\mathscr C(K)\) est isométrique à un sous espace de \(\mathscr C([0,1])\).

    Puisque \(K\) est un espace compact convexe métrisable, il existe (c’est la seconde remarque de la première question) une surjection continue \(\psi\ :\ [0,1]\to K\). L’opérateur de composition défini sur \(\mathscr C(K)\) par \[T(f)(t)=f(\psi(t)),\quad t\in[0,1]\] est un opérateur linéaire de \(\mathscr C(K)\) dans \(\mathscr C([0,1])\), c’est une isométrie car \[\Vert T(f)\Vert_{\mathscr C([0,1])}=\sup_{t\in[0,1]}\vert f(\psi(t))\vert =\sup_{k\in K}\vert f(k)\vert=\Vert f\Vert_{\mathscr C(K)}\] par surjectivité de \(\psi\).

     Remarques : Dans l’article cité dans l’énoncé on trouvera d’autres applications, par exemple

    -Un ensemble convexe universel : Pour tout \(d\in\mathbb N^\star\), il existe un compact convexe \(K\subset\mathbb R^{d+2}\) tel que tout compact convexe de \(\mathbb R^d\) soit isométrique à l’une des faces de \(K\).

    -(Rudin, 1973) Il existe une suite uniformément bornée d’applications strictement positives \((f_n)_n\) continues sur \([0,1]\) (on peut même prendre des polynômes) vérifiant

    \(\rightsquigarrow\)\(f_n(x)\to 0\) pour tout \(x\in[0,1]\).

    \(\rightsquigarrow\)Pour toute suite non bornée \((\lambda_n)_n\) de réels positifs, il existe \(x\in[0,1]\) telle que \(\rm{limsup}_n \lambda_nf_n(x)=0\).


  1. 1  \(X\) est isométrique à un sous-espace \(Y\) d’un Banach, s’il existe une application linéaire continue \(T\ :\ X\to Y\) vérifiant \(\Vert Tx\Vert_Y=\Vert x\Vert_X\) pour tout \(x\in X\).

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