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Polynômes trigonométriques : un théorème de Fejèr-Riesz
[rms],ex.77, 2003/04 Soit \(g\ :\ x \mapsto a_0+\sum_{k=1}^n\,a_k\cos(kx)+b_k\sin(kx)\). On suppose \(g\) positive sur \(\mathbb R\), montrer qu’il existe \(P\in\mathbb C[X]\) tel que \[g(x)=\vert P(e^{ix})\vert^2,\ \forall\,x\in\mathbb R.\]
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[ID: 2489] [Date de publication: 8 novembre 2022 13:24] [Catégorie(s): Polynômes ] [ Nombre commentaires: 1] [nombre d'éditeurs: 1 ] [Editeur(s): Emmanuel Vieillard-Baron ] [nombre d'auteurs: 1 ] [Auteur(s): Patrice Lassère ]Solution(s)
Solution(s)
Polynômes trigonométriques : un théorème de
Fejèr-Riesz
Par Patrice Lassère le 8 novembre 2022 13:24
Par Patrice Lassère le 8 novembre 2022 13:24
En écrivant \(g\) sous la forme \[g(x)=\sum_{k=-n}^nc_ke^{ikx}\ \text{ avec }\ c_n\ne 0\text{ et }c_k=\overline{c_-k},\ \forall\,0\leq k\leq n\] nous avons pour \(\varepsilon\geq 0\)
\[\begin{aligned} g_\varepsilon(x):=g(x)+\varepsilon&=e^{-inx}\left( c_{-n}+c_{-n+1}e^{ix}+\dots+(c_0+\varepsilon)e^{inx}+\dots +c_ne^{2inx}\right)\\ &=e^{-inx}Q_\varepsilon(e^{ix}) \qquad\qquad(\text{$\star$}) \end{aligned}\]
où le polynôme \[Q_\varepsilon(z)= c_{-n}+c_{-n+1}z+\dots+(c_0+\varepsilon)z^n+\dots +c_nz^{2n}\]
vérifie pour tout \(\varepsilon>0\) et \(z\in\mathbb C^\star\)
\[Q_\varepsilon(z)=z^{2n}\overline{Q_\varepsilon\left({1\over\overline z}\right)}.{(\bigstar)}\]
La démonstration s’enchaîne alors de la manière suivante :
- Étape 1 : Pour tout \(\varepsilon>0\), le polynôme \(Q_\varepsilon\) est sans racines sur le cercle unité.
C’est une conséquence immédiate de la formule \((\text{$\star$})\) qui implique \(\vert Q_\varepsilon(e^{ix})\vert\geq \varepsilon\).
- Étape 2 : Soit \(\varepsilon>0\). Si \(\zeta\in\mathbb C\) est une racine de \(Q_\varepsilon\), alors \({\overline\zeta}^{\,-1}\) est aussi racine de \(Q_\varepsilon\) avec la même multiplicité.
Remarquons déja que, \(Q_\varepsilon(0)\geq \varepsilon>0\), donc \(\zeta\ne 0\). On a alors \(Q_\varepsilon(z)=(z-\zeta)^d R(z)\) où \(R\in\mathbb C_{2n-d}[X]\) vérifie \(R(\zeta)\ne 0\). En exploitant \((\bigstar)\), on peut aussi écrire \(Q_\varepsilon(z)=(1-{\overline\zeta}z)^d S(z)\) où le polynôme \(S(z)=z^{2n-d}\overline{R({\overline z}^{\,-1})}\) vérifie \(S({\overline\zeta}^{\,-1})\ne 0\). C.Q.F.D.
- Étape 3 : Les éventuelles racines de \(Q_0\) sur le cercle unité sont de multiplicités paires.
Supposons au contraire qu’une telle racine \(e^{i\theta}\) soit de multiplicité \(2m-1,\ m\in\mathbb N^\star\). La suite de polynômes \((Q_\varepsilon)_{\varepsilon>0}\) étant simplement convergente sur \(\mathbb R\) vers \(Q_0\), les racines d’un polynôme dépendant continuement de ses coefficients et les polynômes \(Q_\varepsilon\) étant sans racines sur le cercle unité, il existe \(r>0,\ \varepsilon_r>0\) tels que pour tout \(0<\varepsilon<\varepsilon_r\) le polynôme \(Q_\varepsilon\) possède exactement \(2m-1\) racines (comptées avec leurs multiplicités) dans le disque \(D(e^{i\theta},r)\). Vu l’étape précédente, et quitte à réduire \(\varepsilon_r\), nous sommes alors assurés que pour toute racine \(\zeta\) de \(Q_\varepsilon\)
\[\zeta\in D(e^{i\theta},r)\cap D(0,1)\quad\iff\quad \overline{\zeta}^{\,-1}\in D(e^{i\theta},r)\cap \mathbb C\setminus \overline{D(0,1)}\]
ces zéros ont donc même multiplicité et le nombre de racine de \(Q_\varepsilon\) dans \(D(e^{i\theta},r)\ (0<\varepsilon<\varepsilon_r)\) est forcément pair, d’où la contradiction et les racines éventuelles de \(Q_0\) sur le cercle unité sont de multiplicité paire.
- Étape 4 : la conclusion \(\zeta_1^\varepsilon,\dots,\zeta_n^\varepsilon\) désignant les racines de \(Q_\varepsilon\) dans le disque unité, nous avons donc
\[Q_\varepsilon(z)= {(-1)^nc_n\over \overline {\zeta_1^\varepsilon}\dots \overline {\zeta_n^\varepsilon}} \prod_{j=1}^n (z-\zeta_j^\varepsilon)(1-\overline {\zeta_j^\varepsilon}z)\]
où la somme ne porte que sur les racines \(\zeta_1,\dots,\zeta_n\) de module strictement plus petit que \(1\) (conséquence des deux premières étapes). Il ne reste plus qu’à faire tendre \(\varepsilon\) vers vers zéro, et, toujours en invoquant la continuité coefficients-racines d’un polynôme :
\[Q_0(z)= {(-1)^nc_n\over \overline {\zeta_1 }\dots \overline {\zeta_n }} \prod_{j=1}^n (z-\zeta_j )(1-\overline {\zeta_j }z)\]
( si par exemple \(\vert\zeta\vert<1\) est racine de \(Q_0\), il existera une suite \((\zeta_\varepsilon)_\varepsilon\) de racines de \(Q_\varepsilon\) de module \(<1\) et de limite \(\zeta\) ; vu l’étape \(2\), la suite de racines \((\overline{\zeta_\varepsilon}^{\,-1})_\varepsilon\) se doit de converger vers la racine \(\overline{\zeta}^{\,-1}\) ; par symétrie la situation est analogue à l’extérieur du disque unité, enfin sur le cercle unité on invoque l’étape \(3\) tout en remarquant que dans ce cas \(\zeta=\overline{\zeta}^{\,-1}\)).
On peut donc écrire
\[\begin{aligned}g(x)=e^{-inx}Q_0(e^{ix})&={(-1)^nc_ne^{inx}\over \overline {\zeta_1 }\dots \overline {\zeta_n }} \prod_{j=1}^n (e^{ix}-\zeta_j )(1-\overline {\zeta_j }e^{ix}) \\ &= {(-1)^nc_n \over \overline {\zeta_1 }\dots \overline {\zeta_n }} \prod_{j=1}^n (e^{ix}-\zeta_j )(e^{-ix}-\overline {\zeta_j })\\ &= {(-1)^nc_n \over \overline {\zeta_1 }\dots \overline {\zeta_n }} \Big\vert \prod_{j=1}^n (e^{ix}-\zeta_j )\Big\vert^2, \end{aligned}\]
finalement, \[g \geq 0\ \Longrightarrow\ c= {(-1)^nc_n \over \overline {\zeta_1 }\dots \overline {\zeta_n }}\geq 0,\] en posant \(d:=\sqrt{c}\) et \(P(X)=d\prod_{j=1}^n (X-\zeta_j )\), soit encore
\[g(x)=\big\vert P(e^{ix})\big\vert2\]
et le résultat est démontré.
Ce résultat est dû à L. Fejèr et F. Riesz (voir F. Riesz & B.S. Nagy Functional Analysis, Dover, pages 117-118 ou bien Q.I. Rahman & G. Schmeisser Analytic Theory of Polynomials, Oxford Publications (2002) page 410). On peut aussi remarquer que pour notre choix de \(P\), toutes ses racines sont dans le disque unité fermé.
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