Soient \(A,B\in\mathscr S_n(\mathbb R)\) telles que \[\det(I_n-xA-yB)=\det(I_n-xA)\det(I_n-yB),\quad \forall\,x,y\in\mathbb R.{(H_n)}\] Montrer que \(AB=0\). On pourra procéder de la manière suivante :

  1. Soit \(A=((a_{ij}))\) une matrice symétrique positive ; si un élément diagonal \(a_{ii} \ (1\leq i\leq n)\) est nul il en est de même pour la ligne (et la colonne correspondante) i.e. \(a_{ij}=a_{ji}=0,\ \forall\,1\leq j\leq n\).

  2. Soient \(U,V\in M_n(\mathbb R)\). On suppose \(U\geq 0,\ V\) symétrique et \[\forall\,t\in\mathbb R\ :\quad \det(U-tV)=0.\] Alors \[\ker(V)\cap\ker(U)\neq\{0\}.\]

  3. Soient \(A,B\in \mathscr S_n(\mathbb R)\), montrer que \(B\) (ou \(A\), c’est pareil par symétrie) admet une valeur propre \(\lambda\) non nulle telle que \(\ker(A)\cap\ker (I_n-\lambda B)\neq \{0\}\).

  4. En déduire l’objectif de l’exercice en procédent par récurrence sur \(n\).


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[ID: 2377] [Date de publication: 7 novembre 2022 22:41] [Catégorie(s): Algèbres bilinéaire et hermitienne ] [ Nombre commentaires: 1] [nombre d'éditeurs: 1 ] [Editeur(s): Emmanuel Vieillard-Baron ] [nombre d'auteurs: 1 ] [Auteur(s): Patrice Lassère ]




Solution(s)

Solution(s)

Sur l’équation \(\det(I_n-xA-yB)=\det(I_n-xA)\det(I_n-yB),\quad \forall\,x,y\in\mathbb R\).
Par Patrice Lassère le 7 novembre 2022 22:41

On procède par récurrence sur la taille \(n\) de la matrice, la propriété est clairement vraie pour \(n=1\).

Soit \(n\geq 2\), on suppose la propriété vraie au rang \(n-1\) et soient \(A,B\in\mathscr S_n(\mathbb R)\) telles que \[\det(I_n-xA-yB)=\det(I_n-xA)\det(I_n-yB),\quad \forall\,x,y\in\mathbb R.{(H_n)}\] Montrons que \(AB=0\). Tout repose sur le fait suivant (on exclut le cas trivial où au moins une des deux matrices est nulle) :

\((\bigstar)\quad\) \(B\) (ou \(A\), c’est pareil par symétrie) admet une valeur propre \(\lambda\) non nulle telle que \(\ker(A)\cap\ker (I_n-\lambda B)\neq \{0\}\).

Admettons pour le moment \((\bigstar)\) et prouvons l’assertion au rang \(n\). Soit \(\lambda\) une valeur propre non nulle de \(B\) telle que \(\ker(A)\cap\ker (I-\lambda B)\neq \{0\}\) et soit \(e_\lambda\in\ker(A)\cap\ker (I-\lambda B)\setminus\{0\}\). On considère alors une base orthogonale \(\mathscr B\) de \(\mathbb R^n\) de premier terme \(e_\lambda\). Les matrices de \(A\) et \(B\) dans cette base sont respectivement de la forme \(\left( {\begin{array}{c|c} 0 & 0 \\ \hline 0& A' \end{array}} \right)\) et \(\left( {\begin{array}{c|c} \lambda & 0 \\ \hline 0& B' \end{array}} \right)\) où les matrices \(A'\) et \(B'\) sont dans \(\mathscr S_{n-1}(\mathbb R)\) (c’est la symétrie de \(A\) et \(B\) et l’orthogonalité de \(\mathscr B\) qui imposent aux deux matrices d’etre symétrique ce qui impose à son tour la symétrie des deux sous matrices \(A'\) et \(B'\) et les zéros sur les premières lignes à partir du second terme). Maintenant par un calcul élémentaire \[\begin{aligned} \det(I_n-xA-yB)&=(1-\lambda y)\det(I_{n-1}-xA'-xB')\\ \det(I_n-xA)\det(I_n-yB)&=(1-\lambda y)\det(I_{n-1}-xA')\det(I_{n-1}-xB') \end{aligned}\] soit \[\det(I_{n-1}-xA'-xB')=\det(I_{n-1}-xA')\det(I_{n-1}-xB'),\quad \forall\,x,y\in\mathbb R.\] On peut donc appliquer l’hypothèse de récurrence au rang \(n-1\) : \(A'B'=0\). De là \[AB=P^{-1} \left( {\begin{array}{c|c} 0 & 0 \\ \hline 0& A' \end{array}} \right)\left( {\begin{array}{c|c} \lambda & 0 \\ \hline 0& B' \end{array}} \right) P=P^{-1}\left( {\begin{array}{c|c} 0 & 0 \newline \hline 0& A'B' \end{array}} \right)P=0\] et le tour est joué.\(\blacksquare\)

Il reste donc à établir la propriété \((\bigstar)\), c’est la partie délicate qui se déduit des deux lemmes suivants :

Soit \(A=((a_{ij}))\) une matrice symétrique positive ; si un élément diagonal \(a_{ii} \ (1\leq i\leq n)\) est nul il en est de même pour la ligne (et la colonne correspondante) i.e. \(a_{ij}=a_{ji}=0,\ \forall\,1\leq j\leq n\).

Preuve du lemme 1 : Considérons une telle matrice et supposons par l’absurde qu’il existe un coefficient \(a_{ji}\neq 0\). Soit \(X_t=(x_k)_1^n\) le vecteur colonne où \(x_j=1, x_i=ta_{ji},\ t\in\mathbb R\) et où les autres composantes sont nulles, alors \(^t\! X_tUX_t=a_{jj}+ta_{ji}^2\) change de signe lorsque \(t\) décrit \(\mathbb R\) ce qui est absurde.\(\blacksquare\)

Soient \(U,V\in M_n(\mathbb R)\). On suppose \(U\geq 0,\ V\) symétrique et \[\forall\,t\in\mathbb R\ :\quad \det(U-tV)=0.\] Alors \[\ker(V)\cap\ker(U)\neq\{0\}.\]

Preuve du lemme 2 : On diagonalise \(V\) dans une base orthonormée : \[PV ^t\! P=\text{Diag}(\lambda_1,\dots,\lambda_r,0,\dots,0)=\left( {\begin{array}{c|c} D_r & 0 \\ \hline 0&0 \end{array}} \right):=D,\quad \lambda_i\neq 0,\] on a alors \[PU ^t\! P-tPV ^t\! P=\left({\begin{array}{c|c} U_1 & U_2 \\ \hline ^t\! U_2&U_3 \end{array}}\right)-t\left( {\begin{array}{c|c} D_r & 0 \\ \hline 0&0 \end{array}} \right)=\left({\begin{array}{c|c} U_1-tD_r & U_2 \\ \hline ^t\! U_2&U_3 \end{array}}\right).\] Vu l’hypothèse, le polynôme en "\(t\)" \[\det(PU ^t\! P-tD)=0,\quad\forall\,t\in\mathbb R\] est identiquement nul (bien entendu, \(r<n\)) et son terme de plus haut degré est (au signe prés) \(\det(U_3)\) qui est donc nul.

Quitte à modifier les \(n-r\) vecteurs de base \(e_{r+1},\dots,e_n\) on peut supposer \(U_3\) diagonale, plus précisément soit \(Q\in\mathscr O_{n-r}\) telle que \[^t\! QU_3Q=\text{diag}(u_{r+1,r+1},\dots,u_{n,n})\] Dans la nouvelle base correspondant à la matrice orthogonale \(\left({\begin{array}{c|c} I_r& 0 \\ \hline 0& Q \end{array}}\right)\) notre matrice \(PU ^t\! P-tPV ^t\! P\) s’écrit \(\left({\begin{array}{c|c} U_1-tD_r & U_2' \\ \hline ^t\! U_2'& \text{diag}(u_{r+1,r+1},\dots,u_{n,n}) \end{array}}\right)\)

Il en résute que \(\det(U_3)=(-1)^ru_{r+1,r+1},\dots,u_{n,n}=0\) qui assure que la matrice \(U\) symétrique positive admet un élément diagonal disons \(u_{ii}, (i\in\{r+1,\dots,n\})\) nul ; on peut donc appliquer le lemme 1 et affirmer que la ième colonne correspondante dans \(U\) est nulle. Ainsi \(PU ^t\! Pe_i=0,\) mais on a aussi \[PV ^t\! Pe_i=De_i=\left( {\begin{array}{c|c} D_r & 0 \\ \hline 0&0 \end{array}} \right)e_i=0\] car \(i\in\{r+1,\dots,n\}\) ou encore \(U ^t\! Pe_i=V ^t\! Pe_i=0,\) soit finalement \[^t\! Pe_i\in\ker(U)\cap\ker(V).\] CQFD\(\blacksquare\)

Preuve de \((\bigstar)\) : Soit \(\lambda\) une valeur propre non nulle de \(B\), l’hypothèse \((H_n)\) implique que \[\det(I_n-\lambda^{-1}B-xA)=0,\quad\forall\,x\in\mathbb R\] on est donc dans le cadre du lemme 2 avec \(V=A\) et \(U=I_n-\lambda^{-1}B\) qui sera positive si on choisit pour \(\lambda\) la plus grande des valeurs propres non nulle.

C’était un exercice estival aimablement proposé par notre collégue J.B.Hiriart-Urruty.


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