Par polynôme de Sylvester on entend tout polynôme \(P\in {\Bbb Z}[X]\) unitaire à racines de module inférieur où égal à \(1\). Montrer que

(Kronecker) Les zéros non nuls d’un polynôme de Sylvester sont des racines de l’unité.


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[ID: 2335] [Date de publication: 7 novembre 2022 22:38] [Catégorie(s): Algèbres bilinéaire et hermitienne ] [ Nombre commentaires: 1] [nombre d'éditeurs: 1 ] [Editeur(s): Emmanuel Vieillard-Baron ] [nombre d'auteurs: 1 ] [Auteur(s): Patrice Lassère ]




Solution(s)

Solution(s)

Un théorème de Kronecker
Par Patrice Lassère le 7 novembre 2022 22:38

Soit \(n\in {\Bbb N}^\star\). Notons \(Z_n\) la collection des zéros (comptés avec leurs multiplicités) de l’ensemble \(\mathscr S_n\) des polynômes de Sylvester de degré inférieur où égal à \(n\).

- Étape 1 : Pour \(n\in {\Bbb N}^\star\) : \(s_n:=\text{card}(\mathscr S_n)\) est fini.

Soit \(p(z)=z^n+a_{n-1}z^{n-1}+\dots +a_0\,=\, \prod_{i=1}^n(z-\zeta_i)\,\in \mathscr S_n\), avec les formules de Newton, si \(\ 0\leq k\leq n-1\) on a \[\vert a_k\vert =\Big\vert \sum_{1\leq i_1<\dots<i_k\leq n}(-1)^k \zeta_{i_1} \dots \zeta_{i_k}\Big\vert \leq \sum_{1\leq i_1<\dots<i_k\leq n} \vert \zeta_{i_1} \dots \zeta_{i_k} \vert \leq {\textsf C}_n^k\leq n!,\] les coefficients \(a_k\) étant entiers, il n’y a qu’un choix fini de \(a_k\) et \(s_n\) est fini.

- Étape 2 : \(\left(\ \zeta\in Z_n\right) \Longrightarrow \left(\ \zeta^k\in Z_n,\ \forall\,k\in \mathbb N\right)\).

Soit \(p(z)=z^n+a_{n-1}z^{n-1}+\dots +a_0 \in \mathbb Z[X]\), sa matrice compagnon \[C_p =\ \begin{pmatrix} 0 & 0 & \dots & 0 & -a_0 \\ 1 & 0 & \dots & 0 & -a_1 \\ 0 & 1 & \dots & 0 & -a_2 \\ \vdots & \ddots & \ddots & \vdots & \vdots \\ 0 & \dots & 0 & 1 & -a_{n-1} \end{pmatrix}\in M_n(\Bbb Z)\] est triangularisable dans \(M_n(\Bbb C)\), il existe \(G\in GL_n(\Bbb C)\) telle que \[C_p=G^{-1} \begin{pmatrix} \zeta_1 & & \text{\ \Huge ?}\\ &\ddots & \\ \text{\ \Huge 0} & &\zeta_n \end{pmatrix}G.\] Mais alors \[C_p^N=G^{-1} \begin{pmatrix} \zeta_1^N & & \text{\ \Huge ?}\\ &\ddots & \\ \text{\ \Huge 0} & &\zeta_n^N \end{pmatrix}G\in M_n(\Bbb Z),\] autrement dit \(C_p^N\) est une matrice à coefficients dans \(\Bbb Z\) qui admet \(\zeta_1^N,\dots \zeta_n^N\) comme valeurs propres : son polynôme caractéristique répond à la question.

- Étape 3 : La conclusion.

Supposons qu’il existe un polynôme \(p\in K_n\) admettant au moins une racine, (disons \(\zeta_1\)) qui ne soit ni racine de l’unité, ni de module strictement compris entre \(0\) et \(1\), l’ensemble \(\{ \zeta_1^N\}_{N\in\Bbb N^\star}\) est alors de cardinal infini. D’autre part, par la seconde étape \(p_{C_p^N}(\zeta_1^N)=0,\ \forall N\in\Bbb N^\star\), si bien que l’ensemble infini \(\{ \zeta_1^N\}_{N\in\Bbb N^\star}\) est inclu dans \(Z_n\) de cardinal fini (étape \(1\)) et on a la contradiction désirée.

Remarques : -On peut tout aussi bien montrer qu’un polynôme de Sylvester est sans zéros de module strictement compris entre \(0\) et \(1\) de la manière suivante : soit \(p(z) = z^k\prod_{i=k+1}^n(z-\zeta_i)\in K_n\), toujours avec Newton : \(1\leq \vert a_k\vert = \vert \zeta_{k+1}\dots \zeta_n \vert \leq 1,\) soit \(\vert \zeta_{k+1}\vert =\dots = \vert \zeta_n\vert =1.\)

-On pourra aussi consulter les ouvrages de J.M.Arnaudies & J.Bertin "Groupes, Algèbre et Géométrie" tome 1, pages 127-128, Ellipse, (1993) ou E.Leichnam "Exercices corrigés de Mathématiques, Polytechnique, ENS" (Algèbre et Géométrie), exercice 1-30, Ellipse, (1999) pour d’autres approches.

-Un entier algébrique est une racine d’un polynôme unitaire \(P(X)=X^d+a_{d-1}X^{d-1}+\dots+a_1X+a_0\in\mathbb Z[X]\). On a

Un entier algébrique est soit entier, soit irrationnel.

Cette assertion repose essentiellement sur les idées précédentes, en voici donc les étapes principales :

\(\rightsquigarrow\quad\) \(\alpha\in\mathbb C\) est un entier algébrique si, et seulement si, il est valeur propre d’une matrice à coefficients entiers.

\(\rightsquigarrow\quad\) Si \(A\in M_n(\mathbb Z)\) admet une valeur propre \(\lambda\) rationnelle, alors \(A\) admet un vecteur propre à coordonnées entières associé à la valeur propre \(\lambda\).

\(\rightsquigarrow\quad\) Soit \(\alpha\) un entier algébrique racine d’un polynôme \(P\in\mathbb Z[X]\) de degré \(n\geq 2\). Si \(\alpha\in\mathbb Q\setminus\mathbb Z\) considérons \(k\in\mathbb Z\) tel que \(k<\alpha<k+1\) et \(A:=C_P-kI_n\in M_n(\mathbb Z)\). On vérifie facilement que \(\lambda:=\alpha-k\) est valeur propre de \(A\), puis en considérant la suite \((A^mX)_m\)\(X\in\mathbb Z^n\) vérifie \(AX=\lambda X\), conclure.


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