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Compléments de géométrie projectove

Géométrie projective

Après une introduction sur des cas simples, on définira la géométrie projective dans sa généralité en section [gpgpgp]. Le chapitre [zoogeo] fournira des éléments complémentaires. L’introduction de la section [gpgpgp] comportera une justification de l’intérêt de la chose.

Homographies, birapport et droite projective

Théorie

(1).

On appelle droite projective associée au corps \(\mathbb{K}\) et on note \(P^1(\mathbb{K})\) l’ensemble \(\mathbb{K}\cup \{\infty\}\), sur lequel on prolonge les lois d’addition et de multiplication en posant \(x+\infty=\infty\) pour tout \(x\in \mathbb{K}\cup \{\infty\}\) et \(x.\infty=\infty.x=\infty\) pour tout \(x\in \mathbb{K}^*\cup\{\infty\}\), le produit \(0.\infty\) n’étant pas défini. On prolonge la division en posant \(x/\infty=0\) pour tout \(x\) dans \(\mathbb{K}\) et \(x/0=\infty\) pour tout \(x\in \mathbb{K}^*\cup\{\infty\}\). Le quotient \(\infty/\infty\) n’est pas défini.

Toute application affine \(f\) de \(\mathbb{K}\) dans \(\mathbb{K}\) peut être prolongée en une application de \(P^1(\mathbb{K})\) dans \(P^1(\mathbb{K})\), en posant \(f(\infty)=\infty\).

Soit \(M\) une matrice de \(GL_2(\mathbb{K})\), noté \(\left(\begin{array}{cc} a & b \newline c & d \end{array}\right)\); alors l’homographie de \(P^1(\mathbb{K})\) associée à \(M\) est par définition l’application qui à \(x\) dans \(P^1(\mathbb{K})\) associe

\(\bullet\)\(\frac{a.x+b}{c.x+d}\) si \(c.x+d \neq 0\)

\(\bullet\)\(\infty\) si \(c.x+d=0\)

\(\bullet\)\(\frac ac\) si \(x=\infty\)

On note cette application \(H(M)\).

Si \(c\neq 0\), \(H(M)\) induit une bijection de \(\mathbb{K}\setminus \{ -\frac dc\}\) sur \(\mathbb{K}\setminus \{ \frac a c\}\). On en déduit que \(H(M)\) est une bijection de \(P^1(\mathbb{K})\) sur \(P^1(\mathbb{K})\). Si \(c=0\), la restriction de \(H(M)\) à \(\mathbb{K}\) est une bijection affine.

Un calcul simple montre que sa réciproque est l’homographie associée à l’inverse de la matrice \(M\), à savoir celle définie dans le cas général par \(x\mapsto \frac{dx-b}{-cx+a}\).

L’ensemble des homographies de \(P^1(\mathbb{K})\) est un groupe pour la composition. On l’appelle groupe projectif de \(\mathbb{K}\); on le note \(GP^1(\mathbb{K})\).

L’application qui à \(M\) associe \(H(M)\) est un morphisme du groupe \(GL_2(\mathbb{K})\) dans \(GP^1(\mathbb{K})\). Son noyau est l’ensemble \((\mathbb{K}^*).I\), c’est-à-dire le groupe des matrices non nulles proportionnelles à la matrice identité (ce noyau, comme tout noyau d’un morphisme de groupe, est distingué).

On en déduit donc \(GP^1(\mathbb{K}) \simeq GL_2(\mathbb{K}) / \mathbb{K}^*.I=PGL_2(\mathbb{K})\).
(1).

Étant donné une droite affine \(D\) (c’est-à-dire un espace affine de dimension \(1\)), on peut considérer sa droite projective complétée \(\widetilde D\), consistant en \(D \cup \{\infty\}\). Une abscisse \(m\) sur \(D\) se prolonge en une bijection de \(\widetilde D\) sur \(P^1(\mathbb{K})\), par \(m(\infty)=\infty\); cette application sera encore appelée abscisse, sur \(\widetilde D\).

On appelle homographie de \(\widetilde D\) sur \(\widetilde D'\) une application \(h\) de \(D\) sur \(D'\) telle qu’il existe des abscisses \(m\) et \(m'\) respectivement sur \(\widetilde D\) et \(\widetilde D'\) telles que \(h=m'^{-1}\circ H \circ m\), avec \(H\) une homographie de \(P^1(\mathbb{K})\).

Une composée d’homographies (quel que soit le contexte) est encore une homographie.

Une homographie est toujours bijective.

L’ensemble des homographies de \(\widetilde D\) sur lui-même forme un groupe pour \(\circ\), isomorphe à \(GP^1(\mathbb{K})\); on le note \(GP(\widetilde D)\), et on l’appelle groupe projectif de \(\widetilde D\).

Étant donné \(E\) une droite affine munie d’un repère affine, donc d’une abscisse, on se donne \(4\) points \(A\), \(B\), \(C\) et \(D\) distincts d’abscisses respectives \(a\), \(b\), \(c\) et \(d\). On appelle birapport de \(A\), \(B\), \(C\) et \(D\) et on note \([A,B,C,D]=\frac{a-c}{a-d}.\frac{b-d}{b-c}\).

On a les propriétés suivantes du birapport:

\(\bullet\)le birapport est indépendant de l’abscisse choisie.

\(\bullet\)le birapport n’est pas indépendant de l’ordre.

\(\bullet\)\([A,B,C,D]=[C,D,A,B]\)

\(\bullet\)\([A,B,C,D]=\frac 1 {[A,B,D,C]}= \frac 1 {[B,A,C,D]}\)

\(\bullet\)\([A,B,C,D]+[A,C,B,D]=1\)

Notons que \(x\mapsto [A,B,C,x]\) est une homographie. Prolongeons-là.

Ainsi, on prolonge le birapport au cas où l’un des points est \(\infty\), de la manière logique intuitivement, c’est-à-dire que les termes incluant \(\infty\) "se compensent". Ainsi on a par exemple \[[A,B,C,\infty]=\frac{a-c}{b-c}\] \[[A,B,\infty,D]=\frac{b-d}{a-d}\] \[[A,\infty,C,D]=\frac{a-c}{a-d}\] \[[\infty,B,C,D]=\frac{b-d}{b-c}\]

Ensuite, on prolonge le birapport au cas où deux points sont égaux: \[[A,A,C,D]=[A,B,C,C]=1\] \[[A,B,A,D]=[A,B,C,B]=0\] \[[A,B,C,A]=[A,B,B,D]=\infty\]

Le birapport est invariant par homographie: \(\forall A,B,C,D \in P^1(\mathbb{K}), \forall f \in PGL_2(\mathbb{K}), [f(A),f(B),f(C),f(D)]=[A,B,C,D]\).

(1).

Toute homographie de \(\widetilde D\), avec \(D\) une droite affine, s’exprime de manière unique sous la forme \(M \mapsto [M,A,B,C]\) pour un certain triplet \((A,B,C)\) de points distincts de \(\widetilde D\). On appelle repère projectif de \(\widetilde D\) un triplet \(A,B,C\) de points distincts, et \([M,A,B,C]\) est appelé coordonnée de \(M\) dans le repère projectif \((A,B,C)\).

L’application qui à un point associe sa coordonnée dans un repère projectif est égale à composition par une homographie près à l’application qui à un point associe sa coordonnée dans un autre repère projectif.

Étant donné deux triplets de points distincts \((A,B,C)\) et \((A',B',C')\) respectivement sur \(\widetilde D\) et \(\widetilde D'\) (deux droites projectives), il existe une et une seule homographie \(h\) de \(\widetilde D\) sur \(\widetilde D'\) telle que \(h(A)=A'\), \(h(B)=B'\) et \(h(C)=C'\).

Étant donné deux quadruplets de points distincts \((A,B,C,D)\) et \((A',B',C',D')\) respectivement sur \(\tilde E\) et \(\tilde E'\) (deux droites projectives), il existe une homographie \(h\) de \(\tilde E\) sur \(\tilde E'\) telle que \(h(A)=A'\), \(h(B)=B'\), \(h(C)=C'\) et \(h(D)=D'\) si et seulement si \([A,B,C,D]=[A',B',C',D']\).

Une bijection entre deux droites projectives est une homographie si et seulement si elle conserve le birapport.

Étant donné \(\widetilde D\) une droite projective, et \(d \in \widetilde D\), \(\widetilde D\) induit sur \(E=\widetilde D \setminus \{d\}\) une structure de droite affine; \(GA(E)\) est l’ensemble des applications induites sur \(E\) par des homographies de \(\widetilde D\) dont \(d\) est un point fixe (on en déduit donc que tous les points de \(\widetilde D\) jouent le même rôle, même \(\infty\)).

Visualisation

On considère le plan vectoriel \(\mathbb{K}^2\) muni de sa base canonique, et l’ensemble \(\widetilde D\) des droites vectorielles de \(\mathbb{K}^2\) (donc seulement les droites affines passant par l’origine).

On note \(\mathbb{D}\) la droite \(\mathbb{K}\times \{0\}\) et \(D\) l’ensemble \(\widetilde D\setminus \{\mathbb{D}\}\).

Étant donné \(d\) appartenant à \(\widetilde D\), on considère \(x(d)\) l’abscisse de son intersection avec la droite \(\mathbb{K}\times \{1\}\), et on pose \(x(\mathbb{D})=\infty\).

\(D\) est une droite affine pour l’application qui à deux droites \(d\) et \(d'\) associe \(\overrightarrow{dd'}=x(d')-x(d)\). \(\widetilde D\) en est une droite projective complétée. Une abscisse \(x'\) sur \(D\), qui est affine par rapport à \(d \mapsto x(d)\), se complète en une abscisse sur \(\widetilde D\) par \(x'(\Delta)=\Delta\).

On peut donc visualiser la droite projective \(P^1(\mathbb{K})\) comme l’ensemble des droites vectorielles du plan euclidien \(\mathbb{K}^2\).

On peut aussi considérer la droite projective complétée comme un quotient de l’ensemble des points non nuls du plan \(\mathbb{K}^2\), en considérant des classes d’équivalence égales aux droites vectorielles privées de \(0\). L’image est sans doute d’autant plus visualisable, car l’homographie \(h(M)\) pour \(M \in GL_2(\mathbb{K})\) est alors le passage quotient de la multiplication par \(M\) dans \(\mathbb{K}^2\).

En identifiant un point d’abscisse \(t\) dans un repère affine à la classe d’équivalence \(\mathbb{K}.(t,1)\) si \(t\neq \infty\) et à la classe d’équivalence \(\mathbb{K}.(1,0)\) sinon, on peut identifier toute droite projective complétée à l’ensemble des classes d’équivalence précédemment définies de \(\mathbb{K}^2 \setminus \{0\}\).

Ainsi une homographie dans une droite projective complétée est l’application quotiente d’une transformation linéaire dans \(\mathbb{K}^2\).

Il reste maintenant à définir les espaces projectifs de dimension supérieure.

Espaces projectifs

Les espaces projectifs sont construits dans divers buts:

  • supprimer la distinction entre droites sécantes et droites parallèles;

  • rendre l’espace compact (à cet égard voir aussi le compactifié d’Alexandrov);

  • [WIK] souligne aussi l’intérêt des espaces projectifs pour le dessin assisté par ordinateur.

Ils fournissent aussi un cadre pour étudier la sphère (les espaces projectifs sont liés par une application sympathique à la sphère; voir le théorème [dpc]). Le plan de Fano est un exemple très petit d’espace projectif. On trouvera dans [CHA] des applications d’espaces projectifs pour des analyses de discrépance.

La théorie

(espace projectif associé à \(E\)).

Étant donné \(E\) un espace vectoriel de dimension finie, on appelle espace projectif associé à \(E\) l’ensemble \(P(E)\) des droites vectorielles de \(E\). On note \(P^{n-1}(\mathbb{K})\) pour \(P(\mathbb{K}^n)\).

On appelle dimension de \(P(E)\) la dimension de \(E\) moins un.

Attention Ne pas confondre avec l’ensemble des parties de \(E\) !

On appelle droite (projective) de \(P(E)\) l’image d’un plan vectoriel de \(E\), plan projectif de \(P(E)\) l’image d’un sous-espace vectoriel de \(E\) de dimension \(3\), sous-espace projectif de \(P(E)\) de dimension \(q\) l’image d’un sous-espace vectoriel de \(E\) de dimension \((q+1)\), hyperplan projectif de \(P(E)\) l’image d’un hyperplan vectoriel de \(E\), sous-espace projectif de \(P(E)\) engendré par \(q\) points de \(P(E)\) (i.e. \(q\) droites de \(E\)) l’image du sous-espace vectoriel de \(E\) engendré par les \(q\) droites correspondantes.

On note \(<P>\) le sous-espace projectif de \(P(E)\) engendré par une partie \(P\) incluse dans \(P(E)\).

On dit de \(q\) points de \(P(E)\) qu’ils sont projectivement indépendants si les droites correspondantes sont en somme directe dans \(E\), c’est-à-dire s’ils engendrent un sous-espace projectif de \(P(E)\) de dimension \((q-1)\).

On dit de \(n\) points \(x_1,...,x_n\) de \(P(E)\) qu’ils forment un repère projectif de \(P(E)\) si la dimension de \(P(E)\) est \(n-2\) et si toute sous-famille de \(n-1\) points des \(x_i\) est projectivement indépendante.

On dit de \(x\) dans \(P(E)\) qu’il a pour coordonnées homogènes \((t_1,...,t_n)\) dans un certain repère projectif \((d_0,d_1,...,d_n)\) si un certain \(y\) appartenant à \(x\) a pour coordonnées \((t_1,...,t_n)\) dans une base \((e_0,...,e_{n-1})\) avec \(e_n=\sum_{i=[1,n-1]} e_i\) et \(d_i=<e_i>\) pour tout \(i \in [1,n]\).

Cette définition des espaces projectifs prolonge celle des droites projectives donnée plus tôt.

Attention Les coordonnées homogènes ne sont pas uniques, même dans un repère donné ! Par contre elles sont unique à multiplication par un scalaire non nul près. La preuve en sera plus facile après certaines autres propositions \(\to\) voir plus loin.

Étant donné \(F\) et \(G\) deux sous-espaces projectifs d’un espace projectif \(P(E)\), on a \[{\rm dim}\ F+{\rm dim}\ G={\rm dim}\ <F\cup G> +{\rm dim}\ (F \cap G).\]
(1).
Sur les repères projectifs

\(\bullet\)Si \((y_1,...,y_{n-1})\) est une base de \(E\), et si les \(x_i\) pour \(i\in [1,n]\) sont des éléments de \(P(E)\) avec \(y_i \in x_i\), et \(\sum_{i=1..n-1} y_i \in x_n\) (intuitivement \(x_n\) est l’isobarycentre des \(x_i\) pour \(i \in [1,n-1]\) - la division par \(n\) est superflue puisque l’on travaille dans \(P(E)\) à une constante multiplicative près), alors \((x_1,...,x_n)\) est un repère projectif de \(P(E)\).

\(\bullet\)Réciproquement, si \((x_1,...,x_n)\) est un repère projectif de \(P(E)\), alors il existe \((y_1,...,y_{n-1})\) une base de \(E\), avec \(y_i \in x_i\), et \(\sum_{i=1..n-1} y_i \in x_n\).

Pour bien voir ce que signifie ce résultat, il faut comprendre que n’importe quel repère projectif s’exprime donc comme l’image d’une base par la surjection canonique de \(E\setminus\{0\}\) sur son quotient PLUS l’image de la somme des éléments de cette base.

Une famille \((y_i)_{i \in [1,n-1]}\) et une famille \((x_i)_{i \in [1,n]}\) étant définies comme dans le deuxième point, la base \((y_i)_{i\in[1,n-1]}\) et le repère projectif \((x_i)_{i\in[1,n]}\) sont dits associés.

Remarquons tout d’abord que pour que des droites \(x_i\) soient en somme directe, il faut et il suffit qu’une famille quelconque de \(y_i\) avec \(y_i\) engendrant \(x_i\) soit libre; dans ce cas, toute famille de \(y_i\) avec \(y_i\) engendrant \(x_i\) est libre.

Dans la suite, nous assimilons << \(y\) engendre \(x\) >> à << \(y\) engendre la droite vectorielle engendrée par \(x\) >>, lorsque \(y\) est un point de \(E\) et \(x\) une droite vectorielle privée de \(0\).

\(\bullet\)La famille \(x_1,...,x_{n-1}\) est clairement projectivement indépendante. Il reste à voir que n’importe quelle autre famille de \((n-1)\) éléments est projectivement indépendante. Pour cela, on peut se contenter de la famille \(x_2,...,x_n\), puisque la situation est invariante par permutation des termes du vecteur1. On se donne alors \(y_1,...,y_n\) dans \(E\) engendrant respectivement \(x_1,...,x_n\). Si \((y_1,...,y_{n-1})\) est une base de \(E\) et \(y_n=y_1+...+y_{n-1}\), alors la famille obtenue à partir de \((y_1,...,y_{n-1})\) en remplaçant n’importe quel vecteur par \(y_n\) est de nouveau une base de \(E\), si bien que n’importe quelle famille de \((n-1)\) éléments parmi \(x_1,...,x_n\) est projectivement indépendante: \((x_1,...,x_n)\) est un rep‘ere projectif de \(P(E)\).

\(\bullet\)On se donne \(y_i'\) engendrant \(x_i\) dans \(E\). Par définition, les \(y_i'\) pour \(i \in [1,n-1]\) forment une famille libre de \(E\), donc une base de \(E\). Donc \(y_n'\) est combinaison linéaire des \(y_i'\) pour \(i\in [1,n-1]\). On écrit alors \[y_n'=\sum_{i\in [1,n-1]} {\lambda}_i.y_i'\] puis \(y_n=y_n'\) et \(y_i={\lambda}_i.y_i'\) pour \(i \in [1,n-1]\), et on a le résultat souhaité sous réserve que les \({\lambda}_i\) soient non nuls.

\(\bullet\)Les \({\lambda}_i\) sont tous non nuls; en effet, dans le cas contraire, une sous-famille d’au plus \(n-1\) vecteurs parmi \(y_1',...,y_n'\).
(Coordonnées homogènes).
Les coordonnées homogènes dans un repère donné sont uniques à multiplication par un scalaire non nul près.
\(\bullet\)Les \(y_i\) donnés par le deuxième point de la proposition ci-dessus sont uniques à multiplication par un scalaire non nul près (comme on s’en convaincra en consultant la preuve ci-dessus). \(\bullet\)Les coordonnées homogènes sont donc uniques à multiplication par un scalaire non nul près.
(Propriétés des espaces projectifs).

\(\bullet\)Dans un espace projectif, par deux points distincts passe une droite et une seule.

\(\bullet\)Dans un espace projectif, l’intersection d’une droite et d’un hyperplan qui ne la contient pas est constituée d’un point et d’un seul.

(Propriétés des plans projectifs).

Dans un plan projectif:

\(\bullet\)Deux droites distinctes se coupent en un point et un seul \(\to\) pas de droites sans point commun!

On a défini laborieusement les homographies dans une droite projective; on va maintenant les définir dans un espace projectif de dimension quelconque.

(Homographies).

Soit \(E\) et \(F\) des espaces vectoriels de même dimension finie, et \(f \in Isom(E,F)\). Alors \(f\) conservant l’alignement, on peut restreindre \(f\) à \(E\) privé de \(0\) et \(F\) privé de \(0\), on a encore une bijection; on peut alors considérer l’application quotient de \(f\); on obtient une bijection de \(P(E)\) sur \(P(F)\). Cette application est appelée homographie de \(P(E)\) sur \(P(F)\).

Une matrice associée à une homographie de \(P(E)\) dans \(P(F)\) dans des repères projectifs \(R\) et \(R'\) (de \(P(E)\) et \(P(F)\) respectivement) est la matrice dans des bases associées à \(R\) et \(R'\) d’un certain isomorphisme de \(E\) dans \(E'\) engendrant cette homographie. Un endomorphisme ayant pour matrice cette même matrice dans les mêmes bases est dit lui aussi associé à cette homographie.

Attention Il n’y a pas unicité des matrices associées à une homographie! Ni des endomorphismes ! Il y a par contre unicité à multiplication par un scalaire près, comme on le vérifie dans la partie [pgle].

Soit \(R\) un repère projectif de \(P(E)\) et \(R'\) un repère projectif de \(P(E)\). Avec \(x \in P(E)\) et \(X\) un vecteur de coordonnées homogènes de \(x\) dans \(R\) et \(M\) une matrice associée à l’homographie \(H\) de \(P(E)\) dans \(P(F)\) pour les repères \(R\) et \(R'\), \(M.X\) est un vecteur de coordonnées homogènes de \(H(x)\) dans \(R'\).

La restriction d’une homographie à un sous-espace projectif est une homographie.

Étant donné \(P(E)\) et \(P(F)\) deux espaces projectifs de même dimension et \(R_E\) et \(R_F\) des repères projectifs de \(P(E)\) et \(P(F)\) respectivement; alors il existe une unique homographie de \(P(E)\) sur \(P(F)\) par laquelle \(R_F\) soit l’image de \(R_E\).
(groupe projectif de \(E\)).
L’ensemble des homographies d’un espace projectif \(P(E)\) sur lui-même forme un groupe pour \(\circ\); on l’appelle groupe projectif de \(E\), et on le note \(PGL(E)\).

D’après la proposition précédente, \(PGL(E)\) agit simplement transitivement sur l’ensemble des repères projectifs de \(P(E)\). On trouvera plus d’informations à [pgle].

La visualisation

On a introduit les espaces projectifs en considérant les classes d’équivalence d’un espace vectoriel de dimension finie privé de \(0\) pour la relation d’équivalence "appartenir à la même droite vectorielle". Certes cette représentation est elle-même bien imagée et intuitive. Toutefois il reste à fournir une représentation rappelant plus la géométrie affine.

On identifie abusivement une droite vectorielle et la même droite privée de \(0\) dans la suite de ce paragraphe.

On se donne \(f\) une forme linéaire non nulle sur un espace vectoriel \(E\) de dimension finie. On considère l’hyperplan affine \(F=\{x;f(x)=1\}\), de direction \(\overrightarrow F\) avec \(\overrightarrow F=\{x;f(x)=0\}\). On considère alors l’ensemble \(X\) des éléments de \(P(E)\) qui intersectent \(F\); il est clair qu’il s’agit du complémentaire dans \(P(E)\) de \(P(\overrightarrow F)\). On peut en outre l’identifier à \(F\), par l’application qui à un élément de \(X\) associe son intersection avec \(F\).

L’ensemble des droites vectorielles contenues dans \(\overrightarrow F\) est un hyperplan projectif de \(P(E)\). L’application qui à une homographie \(h\) de \(P(E)\) laissant \(\overrightarrow F\) invariant associe l’application \(g\) de \(F\) dans \(F\) définie par \(g(x)=h(x)\) (rappelons que l’on a identifié \(X\) et \(F\)) est un morphisme injectif de \(PGL(E)\) dans \(GA(F)\).

En outre pour toute droite affine \(D\) de \(F\), il existe un unique point \(D_\infty\) de \(\overrightarrow F\) tel que \(D \cup \{D_\infty\}\) soit une droite projective. On a \(D_\infty=D'_\infty \mbox{ si et seulement si } D \mbox{ est parallèle à } D'\). Enfin l’application qui à une droite de \(P(E)\) non contenue dans \(\overrightarrow F\) associe son intersection avec \(F\) est une bijection de l’ensemble des droites projectives de \(P(E)\) non contenues dans \(\overrightarrow F\) dans l’ensemble des droites affines de \(F\).

On peut donc voir \(P(E)\) comme un hyperplan de \(E\), muni en outre de points à l’infini complétant les droites, correspondant à la direction d’une droite (i.e. deux droites parallèles ont même direction); les droites contenues dans \(\overrightarrow F\) sont en fait les droites constituées uniquement de points à l’infini.

Enfin il faut bien noter que la notion de point à l’infini est relative; n’importe quel point de \(P(E)\) pourrait être un point à l’infini en choisissant \(F\) convenablement.

Pour le redire autrement, un espace projectif est un espace vectoriel, muni de points à l’infini pour compléter les droites; deux droites parallèles ont alors un point d’intersection à l’infini.

(complété projectif de \(H\)).

Un hyperplan affine \(H\) de \(E\) ne passant pas par \(0\), identifié à l’ensemble des éléments de \(P(E)\) qui ne sont pas inclus dans \(\overrightarrow H\), comme précédemment, et complété par les points à l’infini correspondant à ses droites, est appelé complété projectif de \(H\).

Étant donné \(H\) un hyperplan affine de \(E\) ne passant pas par \(0\), \(\overrightarrow H\) est appelé l’hyperplan à l’infini du complété projectif de \(E\).

Pour y voir clair, une visualisation en petite dimension sera pratique.

\(\boxcircle\) En dimension \(1\)

Un espace projectif de dimension \(1\) est une droite projective, c’est-à-dire une droite affine, avec en outre un point à l’infini. La droite projective sur \(\mathbb{R}\) peut aussi être vue comme un cercle où les points diamétralement opposés sont identifiés.

\(\boxcircle\) En dimension \(2\)

Un espace projectif de dimension \(2\) est un plan projectif, c’est-à-dire un plan affine, avec en outre des points à l’infini. On peut se représenter cela par un plan, avec un cercle à l’infini; une droite peut être soit une droite du plan, avec en bonus les deux points du cercle correspondant à sa direction, soit l’unique droite constituée des points à l’infini.

On peut aussi voir le plan projectif réel comme la sphère unité de \(\mathbb{R}^3\), en identifiant les points diamétralement opposés.

\(\boxcircle\) En dimension \(3\)

Un espace projectif de dimension \(3\) peut se représenter comme un espace tridimensionnel classique, muni de points à l’infini (qu’on peut se représenter comme une sphère loin loin loin). Les droites en sont les droites usuelles (munies des deux points correspondant sur la sphère), plus les grands cercles (i.e. de diamètre maximal) de la loin-loin-lointaine sphère.

\(\boxcircle\) Le cas général

Un espace projectif de dimension \(n\) peut se représenter comme un espace affine de dimension \(n\), muni de points à l’infini correspondant aux directions des droites. C’est-à-dire que les points à l’infini sont un espace projectif de dimension \((n-1)\).

Il est très important de noter que, comme le laisse comprendre la méthode imagée de voir tout ça, n’importe quel hyperplan peut être considéré comme l’hyperplan à l’infini.

Liste de résultats de géométrie projective

Pour prouver les résultats qui suivent, il suffit généralement de traduire la question en termes d’espaces vectoriels.

\(\bullet\)Soit \(H\) un hyperplan projectif d’un espace projectif \(E\). Soit \(x\) un point de \(E\setminus H\); alors toute droite projective passant par \(x\) intersecte \(H\).

\(\bullet\)Si \(F\) et \(G\) sont deux sous-espaces projectifs de \(E\) de dimensions \(f\) et \(g\), avec \(f+g\geq n\), alors \(F\) et \(G\) ont une intersection non vide.

\(\bullet\)Deux droites distinctes d’un plan projectif ont un point d’intersection.

Topologie des espaces projectifs réels ou complexes

(Compacité des espaces projectifs).

Soit \(E\) un espace vectoriel réel de dimension finie, muni de sa topologie usuelle, héritée de n’importe quelle norme (toutes les normes étant de toute façon équivalentes en dimension finie); alors l’espace projectif \(P(E)\) est compact pour la topologie quotient.

\(\bullet\)On considère la sphère unité de \(E\). Cette sphère contient exactement deux points de chaque droite vectorielle de \(E\); l’image de la sphère unité par la projection est donc exactement \(P(E)\). \(P(E)\) est donc l’image d’un compact par une application continue, et donc est compacte sous réserve que \(P(E)\) soit séparé (voir théorème [imcococo]). Il suffit donc pour conclure de vérifier que \(P(E)\) est séparé.

\(\bullet\)On se donne deux droites vectorielles \(D\) et \(D'\) distinctes de \(E\); on considère deux couples de points \(x\), \(y\) et \(x'\),\(y'\) de \(E\), avec \(\{x,y\} = D \cap S\) et \(\{x',y'\} = D' \cap S\) (\(S\) désigne la sphère unité).

\(\bullet\)Il existe quatre ouverts \(X\), \(X'\), \(Y\) et \(Y'\) de \(S\) disjoints, avec \(x \in X\), \(y \in Y\), \(x' \in X'\) et \(y' \in Y'\).

\(\bullet\)On considère alors l’intersection des projections de \(X\) et \(Y\) d’une part, et l’intersection des projections de \(X'\) et \(Y'\) d’autre part (rappelons que la projection canonique sur un ensemble quotient est ouverte lorsque les classes d’équivalence sont les orbites pour une action d’un groupe sur un espace topologique par homéomorphismes, voir proposition [pftq]); on obtient ainsi deux ouverts distincts séparant nos deux droites.
(Connexité par arcs des espaces projectifs de dimension \(\geq 1\)).
Un espace projectif de dimension \(\geq 1\) est connexe par arcs.
Rappelons juste que l’image d’un espace connexe par arcs par une application continue est connexe par arcs.

On peut noter que le résultat est vrai aussi pour l’espace projectif de dimension \(0\) (réduit à un singleton) bien que \(\mathbb{R}\setminus \{0\}\) ne soit pas connexe.


  1. 1  \(\sigma_n\) agit transitivement sur les paires de \(\{1,...,n\}\), donc, par passage au complémentaire, sur les paires de \((n-1)\)-uplets de \(\{1,...,n\}\)

Bibliographie

  • [WIK] Wikipédia, L’encyclopédie Libre, Wikipédia, Wikipédia Fondation.

  • [CHA] B. Chazelle, The Discrepancy Method, Cambridge University Press, 2000.


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[ID: 52] [Date de publication: 26 avril 2021 21:42] [Catégorie(s): Le cours d'agrégation ] [ Nombre commentaires: 0] [nombre d'éditeurs: 1 ] [Editeur(s): Emmanuel Vieillard-Baron ] [nombre d'auteurs: 5 ] [Auteur(s): Christophe Antonini Olivier Teytaud Pierre Borgnat Annie Chateau Edouard Lebeau ]




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