Corps des réels

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Propriétés de base des nombres réels.

Le réel, c’est quand on se cogne. Jacques Lacan.

Pour bien aborder ce chapitre

Les mathématiciens de l’antiquité pensent pouvoir mesurer n’importe quelle grandeur comme un quotient de deux entiers, c’est-à-dire comme un rationnel. Les pythagoriciens vont même plus loin en affirmant que tout est nombre , c’est-à-dire que chaque chose peut s’exprimer comme un entier ou un quotient de nombres entiers. Ils ne se relèveront jamais de la découverte qu’ils feront que la diagonale d’un carré de côté \(1\) est incommensurable (voir la proposition [prop_irrationnalite_racine_de_2]).

Plus récemment, au \(17^{\textrm{ e}}\) siècle, des mathématiciens comme Mercator, Gregory, Leibniz ou les frères Bernoulli découvrent que certaines sommes infinies admettent des limites qui ne sont pas rationnelles. C’est le cas par exemple de la série de Mercator qui converge vers \(\ln 2\)1 : \[1-\dfrac{1}{2}+\dfrac{1}{3}-\dfrac{1}{4}+ \dots\] Toujours au \(17^{\textrm{ e}}\), Newton et Leibniz inventent le calcul infinitésimal, qu’on appelle maintenant l’analyse. Leur construction cependant manque de rigueur et le formalisme qu’ils emploient est très compliqué car ils ne disposent que des fractions pour parler des infiniment petits et la notion de limite est loin d’être formalisée.

Il faut attendre le \(19^{\textrm{ e}}\) siècle pour que, grâce à Cauchy, cette notion commence à être bien comprise et ce n’est que vers la seconde moitié de ce siècle que les premières constructions des nombres réels apparaissent. On les doit aux mathématiciens Cantor, Méray et Dedekind.

L’adjectif réel apparaît pour la première fois au \(17^{\textrm{ e}}\) siècle sous la plume de Descartes comme un rétronyme au terme imaginairequi qualifie des nombres dont le carré est négatif (voir l’introduction du chapitre [chapitre_complexe]). C’est Georg Cantor qui introduisit en \(1883\) le terme de nombre réel.

Le cœur de ce premier chapitre d’analyse de la seconde période. est constitué de l’axiome de la borne supérieure duquel découleront des théorèmes fondamentaux en analyse (propriété d’Archimède, théorème de la limite monotone, construction de l’intégrale …)

Un des enjeux de cette seconde période est l’apprentissage de la démonstration. Il est vivement conseillé de consulter dans un premier temps l’annexe [AnnexeA]. On y apprendra à utiliser les quantificateurs ainsi que des rudiments de théorie des ensembles qui seront utilisés en permanence.

Introduction

Le nombre \(\sqrt{2}\) ne peut s’écrire comme quotient de deux entiers.
Remarquons tout d’abord que le carré d’un nombre pair est un nombre pair. De même, le carré d’un nombre impair est un nombre impair. Autrement dit, un nombre entier est pair si et seulement si son carré est pair. Supposons qu’il existe deux entiers non nuls \(p\) et \(q\) tels que \(\sqrt{2}=p/q\). On peut supposer que la fraction \(p/q\) est irréductible. On a donc \(2 =p^2/q^2\) ou encore \(p^2 = 2 q^2\). Nécessairement \(2\) divise \(p^2\). Ceci n’est possible, d’après ce qu’on vient d’expliquer, que si \(2\) divise \(p\). Il existe donc \(p'\in\mathbb{N}\) tel que \(p=2p'\) et alors \(4p'^2 = 2 q^2\) ou encore \(2p'^2 = q^2\). On peut alors affirmer de la même façon que précédemment que \(2\) divise \(q^2\) et donc que \(2\) divise \(q\). L’entier \(2\) est donc un diviseur commun à \(p\) et \(q\) ce qui vient contredire le fait que la fraction \(p/q\) est irréductible. La proposition est ainsi prouvée par l’absurde.
Il existe donc des nombres irrationnels. L’ensemble \(\mathbb{Q}\) ne contient pas tous les nombres, d’où la nécessité d’introduire un nouvel ensemble \(\mathbb{R}\) de nombres, les réels.

Le corps des réels

Georg Cantor, né le 3 mars 1845 Saint-Pétersbourg , mort le 6 janvier 1918 à Halle

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Mathématicien Allemand. Les parents de Georg Cantor appartenaient à un milieu aisé, tant financièrement qu’intellectuellement. Son père était homme d’affaire et sa mère était issue d’une famille de musicien. Il jouait du violon de manière remarquable. Il reçut une excellente éducation et se montra très tôt doué en particulier pour les activités manuels. Mais son père rêve qu’il devienne ingénieur aussi il part faire ses études supérieures à Berlin. Il obtient son doctorat de mathématiques en 1867.
Les premiers travaux qu’il mène après sa thèse lui sont suggérés par Heine. Ils concernent l’unicité de la décomposition d’une fonction périodique d’une variable réelle comme série de fonctions trigonométriques (les fameuses séries de Fourier que vous découvrirez en deuxième année). Il parvient à prouver cette propriété pour les fonctions continues alors qu’elle échappait à des mathématiciens de la classe de Lejeune Dirichlet, Lipschitz, Riemann et Heine lui-même.
Afin de résoudre ce problème, il est amené à définir et étudier l’ensemble des points de discontinuité de ces fonctions. C’est alors qu’il commence à étudier des ensembles de cardinal infini et cela le conduit en 1872 à définir rigoureusement ce qu’est un nombre réel.
Il est le premier à comprendre que l’ensemble des réels \(\mathbb{R}\) n’est pas dénombrable, autrement dit qu’il n’existe pas de bijection entre \(\mathbb{N}\) et \(\mathbb{R}\). Il y a beaucoup plus de réels que d’entiers et tous les ensembles infinis n’ont pas le même nombre d’éléments ...
Ces découvertes soulèvent évidemment des contestations, en particulier celles de Poincaré et Kronecker. Ce dernier n’hésita pas à bloquer non seulement les articles de Cantor mais aussi sa carrière.
Cantor est frappé de sa première dépression en 1884. Les attaques de Kronecker à son sujet n’y sont sûrement pas étrangères. Il ne retrouva plus alors sa puissance intellectuelle. En 1899 il perd son plus jeune fils et commence à souffrir de dépression chronique et de schizophrénie. Il est affecté à un poste administratif le dispensant de cours. Il prend sa retraite en 1913 et meurt dans la pauvreté en 1918.

(\(\left(\mathbb{R},+\right)\) est un groupe commutatif.).
L’addition dans \(\mathbb{R}\) vérifie les propriétés suivantes :
  • Elle est associative : \(\forall x,y,z \in\mathbb{R},\quad \left(x+y\right)+z = x+ \left(y+z\right)\).

  • Elle possède un élément neutre \(0\) : \(\forall x\in\mathbb{R},\quad x+0=0+x=x\).

  • Chaque réel possède un opposé : \(\forall x\in\mathbb{R},\quad \exists y\in\mathbb{R}: \quad x+y=y+x=0\). Le nombre \(y\) opposé à \(x\) est noté \(-x\).

  • Elle est commutative : \(\forall x,y\in\mathbb{R},\quad x+y=y+x\).

Pour résumer ces \(4\) propriétés, on dit que \(\left(\mathbb{R},+\right)\) est un groupe commutatif.
(\(\left(\mathbb{R}^*,\times\right)\) est un groupe commutatif.).
La multiplication dans \(\mathbb{R}\) vérifie les propriétés suivantes  :
  • Elle est associative : \(\forall x,y,z \in\mathbb{R}^*,\quad \left(x\times y\right) \times z = x \times \left(y\times z\right)\).

  • Elle possède un élément neutre \(1\) : \(\forall x\in\mathbb{R}^*,\quad x\times 1 = 1 \times x = x\).

  • Chaque réel possède un inverse : \(\forall x\in\mathbb{R}^*,\quad \exists y\in\mathbb{R}^*: \quad x\times y = y \times x=1\). Le nombre \(y\), inverse de \(x\) est noté \(x^{-1}\) ou encore \(1/x\).

  • Elle est commutative : \(\forall x,y\in\mathbb{R}^*,\quad x\times y = y\times x\).

Pour résumer ces quatre propriétés, on dit que \(\left(\mathbb{R}^*,\times\right)\) est un groupe commutatif.
(\(\left(\mathbb{R},+,\times\right)\) est un corps.).
La multiplication dans \(\mathbb{R}\) est distributive relativement à l’addition : \(\forall x,y,z \in\mathbb{R},\quad x\times \left(y+z\right)= x\times y + x\times z\). Pour résumer toutes ces propriétés, on dit que \(\left(\mathbb{R},+,\times \right)\) est un corps.

Dans la suite, nous noterons \(xy\) à la place de \(x \times y\).

Considérons sur \(\mathbb{R}\) la relation d’ordre usuelle \(\leqslant\).

(\(\left(\mathbb{R},+,.\right)\) est un corps totalement ordonné.).
  • La relation d’ordre \(\leqslant\) est totale : \(\forall x,y\in \mathbb{R},\quad x \leqslant y \quad \textrm{ ou} \quad y\leqslant x\)

  • La relation d’ordre \(\leqslant\) est compatible avec l’addition : \(\forall x,y,z\in\mathbb{R},\quad x\leqslant y \Rightarrow x+z\leqslant y+z\)

  • La relation d’ordre \(\leqslant\) est compatible avec la multiplication  : \(\forall x,y\in\mathbb{R},\quad x\leqslant 0 \quad \textrm{ et} \quad y\leqslant 0 \Rightarrow xy\geqslant 0\).

Pour résumer toutes ces propriétés, on dit que \(\left(\mathbb{R},+,\times,\leqslant\right)\) est un corps totalement ordonné.
\(\left(\mathbb{Q},+,\times,\leqslant\right)\) est aussi un corps totalement ordonné.

Valeur absolue

(Valeur absolue).
Soit \(x\in\mathbb{R}\). On définit la valeur absolue de \(x\) comme étant le nombre réel positif, noté \(\left|x\right|\) donné par : \[\left|x\right| = \begin{cases} ~~x \textrm{ si } x\geqslant 0 \newline -x \textrm{ si } x <0 \end{cases}\]
Si \(x,y\in\mathbb{R}\), on note \(\max\left(x,y\right)\) le plus grand de ces deux nombres.
Pour tout \(x\in\mathbb{R}\), \(\boxed{\sqrt{x^2}=\left|x\right|}\).
Soient \(x,y\in\mathbb{R}\) et \(r\in\mathbb{R}_+^*\). On a :
  1. \(\lvert x \rvert = \max(x, -x)\)

  2. \(\left|x\right|\geqslant 0\)

  3. \(\left|x\right|=0 \Longleftrightarrow x=0\)

  4. \(\left|y-x\right|\leqslant r \Longleftrightarrow x-r \leqslant y \leqslant x+r\)

  5. \(\left|xy\right|=\left|x\right|\left|y\right|\)\(\lvert -x \rvert = \lvert x \rvert\)

  6. \(\sqrt{x^2} = \lvert x \rvert\)

  7. \(\boxed{\left|x+y\right|\leqslant\left|x\right|+\left|y\right|}\)

  8. \(\boxed{\bigl|~\left|x\right|-\left|y\right|~\bigr| \leqslant\left|x+y\right|}\)

Les deux dernières inégalités sont appelées inégalités triangulaires et sont fondamentales en analyse.
  1. Il suffit d’étudier les cas \(x \geqslant 0\) et \(x < 0\).

  2. Puisque \(\lvert y-x \rvert \leqslant r\), d’après \((1)\), \(y-x \leqslant r\) et \(x-y \leqslant r\) d’où l’encadrement souhaité.

  3. Utilisons les propriétés \((1)\), \((5)\) et \((6)\), \(\lvert x+y \rvert = \sqrt{(x+y)^2} = \sqrt{x^2 + 2xy + y^2} \leqslant \sqrt{\lvert x \rvert ^2 + \lvert y \rvert ^2 + 2\lvert x \rvert \lvert y \rvert } = \sqrt{(\lvert x \rvert + \lvert y \rvert )^2} = \lvert x \rvert + \lvert y \rvert\). On remarque qu’il y a égalité dans cette majoration si et seulement si \(xy = \lvert xy \rvert\), c’est-à-dire lorsque \(x\) et \(y\) sont de même signe.

  4. Utilisons \((7)\) et \((5)\) : \(\lvert x \rvert = \lvert x+y+(-y) \rvert \leqslant\lvert x+y \rvert + \lvert -y \rvert = \lvert x+y \rvert + \lvert y \rvert\). Par conséquent, \(\lvert x \rvert - \lvert y \rvert \leqslant\lvert x+y \rvert\). En inversant le rôle de \(x\) et \(y\), on obtient également \(\lvert y \rvert -\lvert x \rvert \leqslant\lvert x+y \rvert\) d’où finalement (d’après \((1)\)), \(\bigl|\lvert x \rvert -\lvert y \rvert \bigr| \leqslant\lvert x+y \rvert\).

Les autres preuves sont laissées en exercice.
Pour tout réel \(x\), en notant \(x^+ = \max{\left\{x,0\right\}}\) et \(x^- = \max{\left\{-x,0\right\}}\), on a :
  • \(\left|x\right| = x^+ + x^-\)

  • \(x=x^+ - x^{-}\)

  • \(x^+=\dfrac{1}{2}\left(\left|x\right| + x\right)\)

  • \(x^-=\dfrac{1}{2}\left(\left|x\right| - x\right)\)

  • Si \(x\geqslant 0\) alors \(\left|x\right| = x\), \(x^+ = x\) et \(x^-= 0\).

  • Si \(x< 0\) alors \(\left|x\right| = -x\), \(x^+ = 0\) et \(x^-= -x\).

Dans les deux cas, il est clair que \(\left|x\right| = x^+ + x^-\) et que \(x=x^+ - x^{-}\). En additionnant et soustrayant ces deux relations, on obtient les deux dernières.
(Distance entre deux réels).
Soit \(\left(x,y\right)\) un couple de réels. On appelle distance de \(x\) à \(y\) la quantité, notée \(d\left(x,y\right)\) et donnée par : \(d\left(x,y\right)=\left|x-y\right|\).

Majorant, minorant, borne supérieure

(Plus grand élément, plus petit élément).
Soit \(A\) une partie de \(\mathbb{R}\) (ou de \(\mathbb{Q}\)) et un réel \(a\). On dit que \(a\) est :
  • le plus grand élément de \(A\) si et seulement si \(a \in A\) et \(\forall x\in A,~x\leqslant a\).

  • le plus petit élément de \(A\) si et seulement si \(a \in A\) et \(\forall x\in A,~a\leqslant x\).

S’il existe, le plus grand élément de \(A\) est unique. Nous le noterons \(\max\left(A\right)\). De même, s’il existe, le plus petit élément de \(A\) est unique et nous le noterons \(\min\left(A\right)\).
Supposons que \(a\) et \(a'\) soient deux plus grands éléments de \(A\). Comme \(a\) est un plus grand élément de \(A\) et que \(a' \in A\), on doit avoir \(a' \leqslant a\). De façon symétrique, on a aussi \(a' \leqslant a\). Il s’ensuit que \(a = a'\).
  • \(\mathbb{N}\), \(\mathbb{Q}\), \(\mathbb{R}\) n’ont pas de plus grand élément.

  • \(\mathbb{N}\) possède un plus petit élément (\(0\)) mais pas \(\mathbb{Q}\) ni \(\mathbb{R}\).

  • \(\left[0,1\right]\) possède un plus grand et un plus petit élément.

  • \(\left]0,1\right[\) ne possède ni de plus grand ni de plus petit élément.

  • \(X=\left\{x\in\mathbb{Q}~|~ x^2 \leqslant 2\right\}\) ne possède pas de plus grand élément dans \(\mathbb{Q}\) mais il en possède un dans \(\mathbb{R}\) qui vaut \(\sqrt{2}\).

(Majorant, minorant).
Soit \(A\) une partie de \(\mathbb{R}\) (ou de \(\mathbb{Q}\)) et soit \(a\in\mathbb{R}\). On dit que \(a\) est
  • un majorant de \(A\) si et seulement si \(\forall x\in A,\quad x\leqslant a\).

  • un minorant de \(A\) si et seulement si \(\forall x\in A,\quad a\leqslant x\).

Un majorant n’est pas unique. Le plus grand élément d’une partie, s’il existe, est un majorant de la partie qui, de plus, appartient à cette partie.
  • La partie \(\left[0,1\right]\) possède par exemple comme majorants \(2\) et \(3\) et comme minorants \(-1\) et \(0\).

  • La partie \(X=\left\{x\in\mathbb{Q}~|~ x^2 \leqslant 2\right\}\) admet par exemple \(5\) comme majorant.

(Borne supérieure).
Soit \(A\) une partie de \(\mathbb{R}\) (ou de \(\mathbb{Q}\))
  • La borne supérieure de \(A\) est, si elle existe, le plus petit élément de l’ensemble des majorants de \(A\). On la note \(\sup\left(A\right)\).

  • La borne inférieure de \(A\) est, si elle existe, le plus grand élément de l’ensemble des minorants de \(A\). On la note \(\inf\left(A\right)\).

  • \(0\) est la borne inférieure de \(\left[0,1\right]\) ou de \(\left]0,1\right[\).

  • \(1\) est la borne supérieure de \(\left[0,1\right]\) ou de \(\left]0,1\right[\).

  • \(X=\left\{x\in\mathbb{Q}~|~ x^2 \leqslant 2\right\}\) ne possède pas de borne supérieure dans \(\mathbb{Q}\). \(X\) possède une borne supérieure dans \(\mathbb{R}\) qui vaut \(\sqrt{2}\).

(Unicité de la borne supérieure).
Si une partie \(A\) de \(\mathbb{R}\) possède une borne supérieure alors celle-ci est unique.
Nous avons montré que le plus petit élément d’un ensemble (ici les majorants de \(A\)) était unique.

Axiome de la borne supérieure

\[\boxed{\textrm{ Toute partie \bf{non vide} et \bf{majorée} de $\mathbb{R}$ possède une borne supérieure.}}\]

Cette propriété distingue \(\mathbb{R}\) de \(\mathbb{Q}\). En effet, la partie \(X=\{ x\in \mathbb{Q}\mid x^2<2 \}\) n’admet pas de borne supérieure dans \(\mathbb{Q}\).

(Caractérisation de la borne supérieure).
Soient \(X\) une partie de \(\mathbb{R}\) et \(a\) un nombre réel. Il y a équivalence entre :
  1. \(a\) est la borne supérieure de \(X\).

  2. \(\boxed{\forall x\in X,~x\leqslant a}\) et \(\boxed{\forall \varepsilon>0,~\exists x\in X,\quad x\in\left]a-\varepsilon,a\right]}\)

  • Supposons que \(a\) est la borne supérieure de \(X\). Par définition de celle-ci, \(a\) est un majorant de \(X\) et la première affirmation de \((2)\) est prouvée. Soit \(\varepsilon> 0\), si \(a-\varepsilon\) était un majorant de \(X\), on aurait \(a \leqslant a - \varepsilon\) ce qui est faux. Puisque \(a-\varepsilon\) n’est pas un majorant de \(X\), il existe \(x \in X\) tel que \(a - \varepsilon< x\).

  • Supposons maintenant que \((2)\) est vraie et montrons que \(a\) est la borne supérieure de \(X\). Il est clair que \(a\) est un majorant de \(X\). Il faut montrer que c’est le plus petit des majorants de \(X\). Supposons que ce ne soit pas le cas. Il existe alors un réel \(a'\) qui majore \(X\) et qui est plus petit que \(a\). On a donc : \[\forall x\in X,\quad x\leqslant a' <a\] Posons \(\varepsilon=a-a'>0\). En appliquant  \(\left(2\right)\), on peut affirmer qu’il existe un élément \(x\in X\) tel que \(x\in\left]a-\varepsilon,a\right] = \left]a',a\right]\). Mais alors \(a'<x\) et \(a'\) ne peut être un majorant de \(X\) ce qui prouve la seconde implication par l’absurde.

Une erreur commise fréquemment dans la démonstration précédente : le réel \(a-\varepsilon\) n’appartient pas nécessairement à la partie \(A\). Si l’on considère la partie \(A = [0, 1[ \cap \left(\mathbb{R}\setminus \mathbb{Q}\right)\), elle possède une borne supérieure \(\sup A = 1\) et pour tout entier non nul \(n\), avec \(\varepsilon= 1/n\), \(1-\varepsilon\not\in A\). Cette erreur provient du fait que l’on fait souvent des dessins avec des parties \(A\) qui sont des intervalles ouverts lorsqu’on raisonne sur les propriétés de la borne supérieure. Multimédia: représenter une partie \(A\) “à trous”, faire glisser \(a-\varepsilon\) et colorer un point \(x \in A\) tel que \(\sup A-\varepsilon\leqslant x \leqslant\sup A\).

Il est conseillé de lire l’appendice où l’on étudie une technique classique pour manipuler les bornes supérieures.

Droite numérique achevée \(\overline{\mathbb{R}}\)

(Droite numérique achevée).
On appelle droite numérique achevée l’ensemble, noté \(\overline{R}\) obtenu en ajoutant deux éléments à \(\mathbb{R}\) : \(\overline{R} = \mathbb{R}\cup \left\{-\infty,+\infty\right\}\)
On prolonge la relation d’ordre \(\leqslant\) sur \(\overline{R}\) en posant : \[\forall x\in \overline{R},\quad x \leqslant+\infty \quad \textrm{ et} \quad -\infty \leqslant x\]
\(\overline{R}\) possède un plus grand élément : \(+\infty\) et un plus petit élément : \(-\infty\).
Si \(X\) est une partie non vide de \(\mathbb{R}\), par convention, on pose :
  • \(\sup X = +\infty\) si \(X\) n’est pas une partie majorée de \(\mathbb{R}\).

  • \(\inf X = -\infty\) si \(X\) n’est pas une partie minorée de \(\mathbb{R}\).

Avec ces notations, on a :

Toute partie non vide de \(\overline{R}\) possède une borne supérieure et une borne inférieure.
Soit \(X\) une partie non vide de \(\overline{R}\). Si \(\sup X \neq +\infty\) alors \(X\) est une partie majorée de \(\mathbb{R}\) et lui appliquant la propriété de la borne supérieure, elle possède une borne supérieure. Si \(\sup X=+\infty\) alors la borne supérieure de \(X\) est \(+\infty\).

On prolonge de même à \(\overline{R}\) les opérations sur \(\mathbb{R}\) :

La somme, le produit et le quotient de deux réels étendus sont définis d’après les tables suivantes. Une case noire correspond à une forme indéterminée.
\(x+y\) \(-\infty\) \(y\in\mathbb{R}\) \(+\infty\)
\(-\infty\) \(-\infty\) \(-\infty\)
\(x\in\mathbb{R}\) \(-\infty\) \(x+y\) \(+\infty\)
\(+\infty\) \(+\infty\) \(+\infty\)

\[\,\]

\(x\times y\) \(-\infty\) \(y\in\mathbb{R}_-^*\) \(0\) \(y\in\mathbb{R}_+^*\) \(+\infty\)
\(-\infty\) \(+\infty\) \(+\infty\) \(-\infty\) \(-\infty\)
\(x\in\mathbb{R}_-^*\) \(+\infty\) \(xy\) \(0\) \(xy\) \(-\infty\)
\(0\) \(0\) \(0\) \(0\)
\(x\in\mathbb{R}_+^*\) \(-\infty\) \(xy\) \(0\) \(xy\) \(+\infty\)
\(+\infty\) \(-\infty\) \(-\infty\) \(+\infty\) \(+\infty\)

\[\,\] \[\,\]

\(x\) \(1/x\)
\(x \in \mathbb{R} [\star]\) \(1/x\)
\(-\infty\) \(0\)
\(+\infty\) \(0\)
\(0\)

Intervalles de \(\mathbb{R}\)

(Segment).
Soient \(a\) et \(b\) deux réels. On appelle segment \(\left[a,b\right]\) l’ensemble des réels compris, au sens large, entre \(a\) et \(b\) :
  • Si \(a <b\), \(\left[a,b\right]=\left\{t\in\mathbb{R}\mid a\leqslant t\leqslant b\right\}\).

  • Si \(a=b\), \(\left[a,a\right]=\left\{a\right\}\).

  • Si \(b < a\), \(\left[a,b\right] = \left\{t\in \mathbb{R}\mid b \leqslant t \leqslant a\right\}\).

(Intervalle).
Soit \(I\) une partie de \(\mathbb{R}\). On dit que \(I\) est un intervalle de \(\mathbb{R}\) si et seulement si \(\forall x,y\in I,\quad \left[x,y\right]\subset I\).
(Caractérisation des intervalles de \(\mathbb{R}\)).
Soit \(I\) une partie de \(\mathbb{R}\). Il y a équivalence entre :
  1. \(I\) est un intervalle de \(\mathbb{R}\).

  2. \(\forall x,y\in I,\quad \forall t\in\left[0,1\right],\quad \left(1-t\right)x + ty\in I\)

Nous verrons plus tard que cela signifie que les intervalles de \(\mathbb{R}\) sont les parties convexes.
  1. Supposons que \(I\) est un intervalle de \(\mathbb{R}\). Soient \(x,y\in I\) tels que \(y>x\) et soit \(t\in \left[0,1\right]\). Posons \(z=\left(1-t\right)x + ty\). Montrons que \(z\in I\). On a : \[z-x=\left(1-t\right)x + ty - x = t\left(y-x\right)\geqslant 0\] Par conséquent \(z\geqslant x\). De même : \[y-z=y - \left(1-t\right)x - ty =\left(1-t\right)\left(y-x\right)\geqslant 0\] donc \(y\geqslant z\). Ceci prouve que \(x\leqslant z\leqslant y\) et que \(z\in\left[x,y\right]\). Comme \(I\) est un intervalle, \(z\in I\).

  2. Supposons que \((2)\) est vraie et montrons que \(I\) est un intervalle. Soient \(x,y\in I\). Il faut montrer que : \(\left[x,y\right]\subset I\). Si \(x=y\) alors \(\left[x,y\right]=\left\{x\right\}\) et il est clair que \(x\in I\). Si \(x\neq y\), on peut supposer \(x<y\). Considérons \(z\in \left[x,y\right]\). On a  : \(x\leqslant z\leqslant y\). Posons \(t=\dfrac{z-x}{y-x}\). Il est clair que \(t\in \left[0,1\right]\) et que \[z=\left(1-t\right)x + t y.\] Par conséquent \(z\in I\). Ceci étant vrai pour tout \(z\in \left[x,y\right]\) on peut affirmer que \(\left[x,y\right]\subset I\).

Les intervalles de \(\mathbb{R}\) sont de la forme :
  • \(\mathbb{R}\)

  • \(\left[a,+\infty\right[=\left\{x\in\mathbb{R}~|~ a\leqslant x\right\}\)

  • \(\left]a,+\infty\right[=\left\{x\in\mathbb{R}~|~ a<x\right\}\)

  • \(\left]-\infty,b\right]=\left\{x\in\mathbb{R}~|~ x\leqslant b\right\}\)

  • \(\left]-\infty,b\right[=\left\{x\in\mathbb{R}~|~ x< b\right\}\)

  • \(\left[a,b\right]=\left\{x\in\mathbb{R}~|~ a\leqslant x\leqslant b\right\}\)

  • \(\left]a,b\right[=\left\{x\in\mathbb{R}~|~ a< x< b\right\}\)

  • \(\left[a,b\right[=\left\{x\in\mathbb{R}~|~ a\leqslant x< b\right\}\)

  • \(\left]a,b\right]=\left\{x\in\mathbb{R}~|~ a<x\leqslant b\right\}\)

  • \(\left]a,a\right[=\varnothing\)

\(a,b\in\mathbb{R}\)
Admis...

Propriété d’Archimède

(\(\mathbb{R}\) est un corps archimèdien).
L’ensemble \(\mathbb{R}\) vérifie la propriété suivante, dite d’Archimède : \(\boxed{\forall x\in \mathbb{R}_+^*,\quad \forall y\in\mathbb{R},\quad \exists n\in\mathbb{N}: \quad nx\geqslant y}\).
Supposons que la propriété d’Archimède ne soit pas vraie. Celle-ci sera prouvée si on aboutit à une contradiction. Alors il existe \(x\in\mathbb{R}_+^*\) et \(y\in \mathbb{R}\) tels que \(\forall n\in \mathbb{N}\)\(nx <y\). Définissons la partie de \(\mathbb{R}\) suivante : \(\mathscr A=\left\{ nx ~|~ n\in \mathbb{N}\right\}\). Elle est non vide et majorée par \(y\). D’après l’axiome de la borne supérieure, \(\mathscr A\) possède une borne supérieure \(a\in\mathbb{R}\). En particulier : \(\forall n\in\mathbb{N}, \quad n x \leqslant a\) ce qui s’écrit aussi \(\forall n\in\mathbb{N}, \quad \left(n+1\right) x \leqslant a\). On en déduit que \(\forall n\in\mathbb{N}\) , \(n x \leqslant a-x\). Mais alors \(a-x\) est un majorant de \(\mathscr A\) et comme \(x>0\), \(a-x<a\). Le réel \(a\) n’est donc pas le plus petit des majorants de \(\mathscr A\) ce qui est en contradiction avec le fait que ce soit la borne supérieure de \(\mathscr A\).

Partie entière

(Partie entière d’un réel).
Soit \(x\in\mathbb{R}\). Il existe un unique entier relatif \(p\) tel que : \[\boxed{p\leqslant x < p+1}.\] Cet entier est appelé la partie entière de \(x\) et est noté \(\left[x\right]\) ou \(E\left(x\right)\)
Soit \(x\in\mathbb{R}\).
  • Supposons qu’un tel entier relatif \(p\) existe alors \(p\) est le plus grand élément de l’ensemble \(\mathscr A=\left\{n\in\mathbb{Z}~|~ n \leqslant x\right\}\). Réciproquement, si \(p\) est le plus grand élément de cet ensemble, il vérifie \(p\leqslant x < p+1\) et c’est la partie entière de \(x\).

  • Montrons que la partie entière \(p\) de \(x\) existe. Cela revient à montrer que l’ensemble \(\mathscr A\) possède un plus grand élément. On a :

    • \(\mathscr A \neq \varnothing\) : en effet, si \(x\) est positif ou nul alors \(0\leqslant x\) et donc \(0\in \mathscr A\). Sinon, si \(x\) est strictement négatif alors \(-x\in\mathbb{R}_+^*\). En appliquant la propriété d’Archimède à \(Y=-x\) et \(X=1\), on peut affirmer qu’il existe \(N\in\mathbb{N}\) tel que \(N . X\geqslant Y\) c’est-à-dire tel que \(N.1 \geqslant-x\) ou \(x \geqslant-N\). On a donc \(-N\in \mathscr A\).

    • L’ensemble \(\mathscr A\) est majoré par \(x\) et il existe, d’après la propriété d’Archimède un entier plus grand que \(x\). Par conséquent \(a\) est une partie majorée de \(\mathbb{Z}\).

    • Comme \(\mathscr A\) est non vide, on prend \(m\in \mathscr A\) et \(\mathscr A' = \left\{n-m\in\mathbb{N}~|~ n \leqslant x\right\}\). On vérifie que \(\mathscr A'\) est une partie de \(\mathbb{N}\) non vide, majorée. D’après la règle 4 de la proposition [construction_des_entiers_naturels] page [construction_des_entiers_naturels] elle admet un plus grand élément \(M\). On vérifie que \(M+m\) est le plus grand élément de \(\mathscr A\).

Les deux majorations suivantes sont souvent utiles dans les exercices : \[\forall x\in\mathbb{R},\quad \boxed{E\left(x\right) \leqslant x < E\left(x\right)+1} \quad \textrm{ et} \quad\boxed{x-1<E\left(x\right)\leqslant x}\]

Densité de \(\mathbb{Q}\) dans \(\mathbb{R}\)

(Partie dense).
Soit \(A\) une partie de \(\mathbb{R}\). On dit que \(A\) est dense dans \(\mathbb{R}\) si et seulement si : \[\forall x \in \mathbb{R} ,~ \forall \varepsilon> 0,~\exists a \in A:\quad \lvert x-a \rvert \leqslant\varepsilon\]
Une partie \(A\) de \(\mathbb{R}\) est dense dans \(\mathbb{R}\) si on peut approché tout réel aussi près que l’on veut par un élément de \(A\).
(\(\mathbb{Q}\) est dense dans \(\mathbb{R}\)).
L’ensemble \(\mathbb{Q}\) des nombres rationnels est dense dans \(\mathbb{R}\).
Soit \(x \in \mathbb{R}\) et soit \(\varepsilon>0\). Considérons un entier \(q > 0\) tel que \(1/q \leqslant\varepsilon\). Posons \(p = E(qx)\), on a \(p \leqslant qx < p+1\) d’où \(p/q \leqslant x < (p+1)/q\). Posons \(r = p/q\), le nombre \(r\) est bien rationnel et puisque \(0 \leqslant x-r < 1/q \leqslant\varepsilon\), on a bien \(\lvert x-r \rvert \leqslant \varepsilon\).
(\(\mathbb{R} \setminus \mathbb{Q}\) est dense dans \(\mathbb{R}\)).
L’ensemble \(\mathbb{R} \setminus \mathbb{Q}\) formé des nombres irrationnels est dense dans \(\mathbb{R}\).
Soit \(x \in \mathbb{R}\) et \(\varepsilon> 0\).
  • si \(x\) est irrationnel, il suffit de poser \(\theta = x \in \mathbb{R} \setminus \mathbb{Q}\) et on a bien \(\lvert x-\theta \rvert = 0 \leqslant\varepsilon\).

  • si \(x \in \mathbb{Q}\) est rationnel, on montre facilement par l’absurde que pour tout entier \(q > 0\), le réel \(\theta_q = x + \sqrt{2}/q\) est irrationnel. Puisque \(\lvert x-\theta_q \rvert = \sqrt{2}/q\), il suffit de choisir un entier \(q\) suffisamment grand pour que \(\sqrt{2}/q \leqslant\varepsilon\).

En résumé

Les points suivants doivent être parfaitement connus :

  1. l’axiome de la borne supérieure

  2. la caractérisation de la borne supérieure

  3. les inégalités triangulaires

Pour se familiariser avec les raisonnements d’analyse, il sera très profitable de passer du temps à comprendre et à refaire les démonstrations des théorèmes [caracterisation_borne_sup], [thm:0712193048].

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    [ID: 64] [Date de publication: 9 décembre 2021 16:41] [Catégorie(s): Le cours de SUP ] [ Nombre commentaires: 0] [nombre d'éditeurs: 1 ] [Editeur(s): Emmanuel Vieillard-Baron ] [nombre d'auteurs: 3 ] [Auteur(s): Emmanuel Vieillard-Baron Alain Soyeur François Capaces ]




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