Maths pour la théorie quantique des champs

Bonjour !
J'aimerais me mettre à la théorie quantique des champs. J'ai deja suivi des cours de mecaQ normale et relativiste. Un peu de théorie des champs classiques. Je voulais savoir si vous pouviez me conseiller des cours de mathématiques pour bien comprendre la théorie quantique des champs. Ou même si vous avez des cours de physique intermédiaire entre ce que j'ai fait et la théorie quantique des champs.
Merci pour vos réponses

Réponses

  • L'entrée dans la théorie quantique des champs est tout autre si on s'y prend comme physicien, ou comme mathématicien, et dans les deux cas, c'est un cauchemar ! :-D

    Je suis physicien, et j'y suis donc entré par la voie du physicien ; elle fait bondir la graine de mathématicien en moi. Mais il faut dire qu'il n'y a pas vraiment une bonne façon d'y entrer de façon rigoureuse: en toute vérité, c'est une théorie incohérente (par le théorème de Haag) https://en.wikipedia.org/wiki/Haag's_theorem

    Le physicien peut sauver sa peau, car il peut s'imaginer que c'est donc un formalisme "approximatif" d'une "vérité physique autre mais pas encore découverte". En d'autres termes, le physicien peut se dire que s'il se limite à des schémas de calcul suggérés par ce formalisme, et qu'ils correspondent (ce qui est le cas) à une vérification expérimentale, ben, pour lui, ça roule. Pour le mathématicien, c'est plus casse-gueule.

    Dans la mesure où la théorie quantique non-relativiste est mathématiquement parfaitement rigoureuse avec l'espace de Hilbert, pour la théorie des champs quantiques, c'est une autre affaire.

    Un texte standard introductif "physicien" est le Peskin et Schroeder. Mon expérience est que tous les textes de champs quantiques sont "durs" car on a tout le temps le sentiment "peau de banane", mais celui-là est parmi les plus pédagogiques.

    http://physics.weber.edu/schroeder/QFTbook.html

    Il faut pouvoir lâcher prise avec la rigueur mathématique et se dire que c'est un formalisme générateur de calculs qui donnent des résultats qui sont remarquablement en accord avec l'observation, au-delà de tout espoir.
  • Bonjour,

    J'aimerais ajouter d'autres précisions en plus de la réponse de Patrick.
    D'abord, est ce que tu peux nous raconter dans quel but comptes-tu t'initier à la théorie des champs quantique ?
    Moi, j'ai passé plusieurs semaines à étudier la théorie des champs dans le but de comprendre la conjecture de Yang Mills. Et voici les outils mathématiques indispensables à l'apprentissage de cette théorie :
    Géométrie différentielle réelle et complexe :
    -- Variétés différentielles réelles / complexes. Fibrés ( vectoriels ... etc ). Connexions, Courbures, Groupes de Lie réels et complexes.
    Il suffit pour cela de lire les deux cours suivant :
    http://math.univ-lyon1.fr/~frabetti/GEO-M2/geometrieM2.pdf
    https://www.math.u-psud.fr/~paulin/notescours/cours_geodiff.pdf

    Cordialement.
  • Pablo_de_retour a écrit:
    Moi, j'ai passé plusieurs semaines à étudier la théorie des champs dans le but de comprendre la conjecture de Yang Mills.

    "en quelques semaines" serait une prouesse sans égale :-D

    Je pense voir ce que tu veux dire, mais je suppose que tu parles de la construction du Langangien *classique* qui satisfait les symétries d'une théorie Yang-Mills, c.à.d. qui a une invariance de gauge basée sur un groupe non-commutatif.

    Mais ça, ce n'est pas (encore) une théorie *quantique* des champs. C'est une théorie classique de champs, en fait (mais qui n'a aucune utilité classique, elle sert juste comme "inspiration" pour la théorie quantique qu'il faut construire dessus).

    Il n'y a pas de bonne façon rigoureuse de dire ce que c'est, un champs quantique. L'objet mathématique qui est sensé y correspondre, et que le physicien utilise pour développer les calculs, n'existe simplement pas. C'est ce que dit le théorème de Haag. C'est un peu comme si, dans la relativité générale, il y avait un théorème qui disait que l'objet "espace-temps" n'existe pas. C'est au moins gênant. Pourtant, le physicien fait comme si cet objet existait bel et bien, et va utiliser des propriétés supposées pour en déduire des règles de calcul (essentiellement, un calcul de produit scalaire d'un état initial et d'un état final, qui est la façon de calculer des probabilités dans le paradigme quantique). Cette déduction de la valeur numérique d'un produit scalaire - le seul truc dans une théorie quantique qui peut être relié à une mesure physique - passe par un développement en série qui n'a pas vraiment de sens (ne converge pas, mais en plus, n'est sans-doute même pas une série asymptotique), contenant des termes qui sont tous aussi mal définis. Mais, quand on se borne à une certaine façon de faire, alors on peut en déduire une sorte d'algorithme: les diagrammes de Feynman, qui permettent de construire une expression formelle (une intégrale divergente en fait), qui, quand on applique certaines règles de calcul non-autorisés mathématiquement, transforment cela en un nombre.

    Et la magie de tout ça, c'est que ce nombre, qui est une accumulation de manipulations qui feraient hurler n'importe quel prof de maths, colle incroyablement bien avec l'expérience.
  • Bonjour,

    Il m'a semblé comprendre qu'Alain Connes, avec sa géométrie non commutative, avait réussi à donner un sens mathématique rigoureux à tout ce fatras. Qu'en penses tu, Patrick ?

    Cordialement,

    Rescassol
  • Rescassol a écrit:
    ... Alain Connes ...
    Qu'en penses tu, Patrick ?

    Je ne le sais simplement pas. Il est bien possible qu'on a maintenant une forme de base rigoureuse de la théorie quantique des champs. Dans le temps, j'avais un peu étudié les approches plus classiques pour faire cela, comme "algebraic quantum field theory" de Wightman, pour conclure que c'est beaucoup d'effort pour peu de résultat et j'ai laissé tomber.
  • Bonjour
    Je reviens sur le message de Patrick123 et notamment son affirmation :"en toute vérité, c'est une théorie incohérente (par le théorème de Haag) "
    Est-ce que vous pouvez fournir un peu plus de détails et/ou une source dans la littérature à ce sujet ?

    Pour revenir à la question principale de l'auteur.
    Il existe plusieurs approches mathématiques pour la théorie quantique des champs. C'est encore un sujet de recherche très actif et très pointu.
    À mon avis avant de se lancer dedans il faut savoir quel est l'objectif : est-ce comprendre la théorie quantique des champs pour la physique (et donc par exemple pour comprendre le modèle standard, faire de la physique des particules ou même de la théorie des cordes etc.) ?

    1) Dans ce cas, il y a plusieurs références très classiques pour le physicien. Par exemple, on cite souvent le livre d'A. Zee "Quantum field theory in a nutshell" comme livre introductif. Un autre livre qui peut servir d'introduction et de "montée en gamme" c'est la collection en 3 volumes de S. Weinberg "The quantum theory of fields". Il y a beaucoup d'autres livres.

    Je n'ai pas sous la main toutes les références en ce moment. Sur le forum "physics forums" et notamment la sous-section "Quantum physics" https://www.physicsforums.com/forums/quantum-physics.62/ il est très probable qu'on trouve des threads d'excellente qualité qui parlent de certains livres.

    De même sur physics stackexchange (et certainement physics overflow)

    2) Si l'objectif est de comprendre mathématiquement la théorie quantique des champs (ou bien rigoureusement si on veut dire ça comme ça), il y a plusieurs voies.

    a) La théorie constructive des champs. Son objectif est de construire rigoureusement certaines théories quantiques des champs (QFTs) qui sont utilisées par les physiciens. On pourra lire par exemple le livre classique de A. Jaffe et J. Glimm "Quantum Physics: A Functional integral point of view".

    Le problème majeur se situe notamment pour prouver l'existence de théories *non triviales* en 4D (c'est à peu de choses près le fameux pb du millénaire pour Yang-Mills). Le domaine était encore très actif dans les années 90 (articles de T. Balaban). Il a connu un bon regain d'activité récemment avec des travaux de nature probabiliste et aussi quelques personnes qui reprennent les travaux de T. Balaban. Je n'ai plus les références en tête.

    Une des idées centrales tient à une meilleure compréhension du groupe de renormalisation.

    b) La théorie "perturbative rigoureuse". C'est la théorie qui disons a donné les résultats rigoureux (bien que perturbatifs) les plus satisfaisants par certains aspects. L'idée est basée sur une version rigoureuse d'un procédé de renormalisation, version due à Epstein et Glaser (années 70, techniques de la théorie des distributions). On pourra par exemple lire le livre de G. Scharf "finite quantum electrodynamics" pour QED (perturbatif) fait rigoureusement comme ça.

    (et il y a d'autres références...)

    c) La théorie axiomatique. Elle a un lien fort avec la théorie constructive. L'idée est d'abstraire des propriétés vérifiées par les QFTs, d'en déduire un système d'axiomes disons et de déduire les propriétés que doivent donc vérifier les QFTs. Son intérêt principal réside dans le cadre conceptuel (et aussi technique) qu'elle fournit. Son principal problème actuel est celui disons lié à la théorie constructive : on n'a pas encore suffisamment d'exemples non triviaux. On pourra consulter le très joli livre de R. Haag (du théorème du même nom) "Local quantum physics"

    d) La théorie algébrique. C'est une version de la théorie axiomatique. L'idée est de fournir une axiomatisation des QFTs via des objets liés à l'analyse fonctionnelle "orientée algèbre" (C* algèbres etc.). Je n'ai pas de référence claire sous la main, peut-être dans le livre de R. Haag.

    e) La théorie fonctorielle. C'est une version, en partie due à Segal et Atiyah qui axiomatise la donnée d'une QFT comme celle d'un foncteur vérifiant certaines propriétés. L'idée principale est d'abstraire les propriétés d'un objet qu'on appelle "path integral" qui ne peut pas rigoureusement exister en tant que mesure (au sens de Lebesgue) sur les espaces de dimension infinie qu'on veut considérer.
    Cependant, Atiyah, Segal et d'autres ont remarqué que souvent on ne sert en fait que de certaines propriétés de cette "path integral" et pas de son existence même en tant qu'objet de type mesure.

    Les succès les plus forts de la théorie fonctorielle se situent dans le cadre des théories topologiques des champs. On peut citer notamment les travaux récents (~2010) de J. Lurie qui prouvent l'hypothèse du cobordisme.

    Une première référence (mais qui s'intéresse uniquement à la partie math.) est par exemple :J. Koch Frobenius algebras and 2D topological quantum field theories

    Je m'arrête là (je dois filer) mais je dois avoir des 100aines de références sur chacun de ces axes (même le côté physique) qui traîne.
    Autant dire que c'est un domaine non seulement d'apprentissage mais de recherche encore très fécond, passionnant et vaste.
    Il faut vraiment se décider en choisissant un objectif et des axes d'apprentissage pour avancer.
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