Série numérique avec permutations

Bonjour
Je cherche à connaître la nature des trois séries suivantes, où $\sigma$ est une bijection de $\mathbb{N}^{\ast}$.
$$(1)\quad\sum_{n \in \mathbb{N}^{*}} \frac{1}{n\sigma(n)},\qquad(2)\quad \sum_{n \in \mathbb{N}^{*}} \frac{\sigma(n)}{n^{2}}\quad\text{et}\qquad(3)\quad \sum_{n \in \mathbb{N}^{*}} \frac{\sigma(n)}{n^{3}}.

$$ Pour la première $(1)$, j'ai l'impression qu'elle converge toujours, car par Cauchy-Schwarz je peux séparer les contributions en $\sum_{n=1}^{N} \frac{1}{n\sigma(n)}\leq (\sum_{n=1}^{N}\frac{1}{n^{2}})^{\frac{1}{2}}(\sum_{n=1}^{N}\frac{1}{\sigma(n)^{2}})^{\frac{1}{2}}$, et la deuxième série est à termes positifs, donc on sait que sa nature est la même que celle de toute série de permutation de ses termes (elle est absolument sommable ou diverge vers l'infini), et ici elle converge bien vers $\sum_{n=1}^{+ \infty}\frac{1}{n^{2}}$ (donc $\frac{\pi^{2}}{6}$).

Je pense que la deuxième $(2)$ diverge par contre (en prenant l'identité déjà, c'est la série harmonique), mais je ne suis pas certain de moi pour le prouver. Intuitivement, j'ai fait intervenir un entier $\alpha_{N}$ qui correspond au plus petit entier tel que $[1,N]\subset \sigma([1, \alpha_{N}]) $ (le plus petit entier qui permet de recouvrir les intervalles croissants de $\mathbb{N}^{*}$). Mais je ne sais pas comment il évolue hormis que $\alpha_{N}\geq N$.
Ma stratégie, puisqu'ici encore tout est absolument sommable si convergent, serait de faire des tranches pertinentes pour minorer par une série divergente. $\sum_{n=1}^{\alpha_{N}}\frac{\sigma(n)}{n^{2}}\geq \sum_{n=1}^{N}\frac{n}{(\alpha_{N}-k+1)^{2}}$ ne me permet pas de conclure par exemple.
Une autre idée que je viens d'avoir serait de chercher à faire la même démo que la divergence de la série harmonique (justement), à savoir minorer sur des tranches $\sum_{n=N}^{M}\frac{\sigma(n)}{n^{2}}$. Je vais regarder encore un peu ça.

D'ailleurs, j'utilise un peu une inégalité de réordonnement, que j'aimerais bien savoir démontrer en toute généralité si elle est vraie : si on dispose de nombres positifs ordonnés $0\leq a_{0}\leqslant ...\leqslant a_{n}$ et $0\leq b_{0}\leqslant ...\leqslant b_{n}$, alors pour toute permutation $\sigma$ on a $\sum_{k=0}^{n}a_{k}b_{k}\leq \sum_{k=0}^{n}a_{k}b_{\sigma(k)}\leq \sum_{k=0}^{n}a_{k}b_{n-k}$.
EDIT: Comme expliqué plus bas, l'inégalité est exactement dans le sens contraire !

Merci de vos indications !

PS. De façon générale, si vous avez de bons conseils, des réflexes pour aborder les questions similaires, je suis vraiment preneur !

Réponses

  • Bonjour,
    Pour $(2)\ \sum_{n \in \mathbb{N}^{*}} \frac{\sigma(n)}{n^{2}}$, tu peux essayer de minorer $\sum_{k=n+1}^{2n} \frac{\sigma(k)}{k^{2}}$ par une constante.

    L'inégalité de réarrangement dont tu parles existe... mais dans l'autre sens ! https://fr.wikipedia.org/wiki/Inégalité_de_réarrangement
  • J'essaie: la permutation de la tranche $\{n+1, ..., 2n\}$ possède au mieux $\{1, ..., n\}$, et sinon des entiers plus grands, donc $\sum_{n+1}^{2n}\frac{\sigma(k)}{k^{2}}\geq \frac{1}{4n^{2}}\sum_{k=1}^{n}k\geq \frac{1}{8}$.

    Merci pour le réarrangement de l'inégalité, je vais réordonner mes pensées un peu avec :-D
  • Est-ce que la quantité $\alpha_{N}$ que j'ai essayé d'utiliser a un intérêt, ou pas du tout ?
  • Pour la deuxième, 20ème OIM, 1978, Bucarest, Problème 5. Ça marche aussi avec une application $\sigma$ injective.
  • http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?4,2280316,2280330#msg-2280330 Bravo, c'est ça.

    Je ne vois pas comment se servir de $\alpha_N$.

    Si on veut utiliser l'inégalité de réarrangement pour $(2)$, on peut classer $\sigma(1),\dots,\sigma(n)$ par ordre croissant (à $n$ fixé) : $\sigma(a_1)<\dots<\sigma(a_n)$ où $\{a_1,\dots,a_n\}=\{1,\dots,n\}$. Puis $\sum_{k=1}^n\frac{\sigma(k)}{k^2} \geqslant \sum_{k=1}^n\frac{\sigma(a_k)}{k^2}\geqslant \sum_{k=1}^n\frac{k}{k^2} =H_n$ car $\sigma(a_k)\geqslant k$.
  • La 3ème converge pour $\sigma=Id$, mais on peut la faire diverger grossièrement avec d'autres permutations.
  • Pour la (2), on trouve effectivement dans la littérature (Klamkin, Bourgade) des solutions avec réarrangement (appelé aussi réordonnement).
    J'avais bricolé une autre solution, se basant sur les propriétés des permutations.
    Pour toute application $\sigma :\mathbb{N}^{\ast }\rightarrow \mathbb{N}^{\ast }$ et tout $n\in \mathbb{N}^{\ast }$, soit $\displaystyle S_{n}(\sigma )=\overset{n}{\underset{k=1}{\sum }}\frac{\sigma (k)}{k^{2}}$.
    Je veux démontrer que si l'application $\sigma $ est injective, alors $\displaystyle S_{n}(\sigma )\geq \overset{n}{\underset{k=1}{\sum }}\frac{1}{k}$.
    Il suffit de prouver que pour tout $n\in \mathbb{N}^{\ast }$, et pour toute bijection $\sigma $ de $E_{n}=\{1,2,...,n\}$, on a : $S_{n}(\sigma )\geq S_{n}(\varepsilon )$, où $\varepsilon $ est l'application identique de $E_{n}$.
    Lorsque $\sigma $ décrit l'ensemble $\mathfrak{S}_{n}$ (fini) des bijections de $E_{n}$, $S_{n}(\sigma )$ admet un minimum.
    L'application identique $\varepsilon $ de $E_n$ est la seule bijection qui n'inverse aucune paire $\{i,j\}$ d'éléments (distincts) de $E_{n}$.
    Si $\sigma $ est une bijection de $E_{n}$ autre que $\varepsilon $, il existe donc $i\in E_{n}$ et $j\in E_{n}$ tels que $j\neq i$ et $\frac{\sigma (j)-\sigma (i)}{j-i}<0$.
    Soit $\sigma ^{\prime }=\sigma \tau _{ij}$, où $\tau _{ij}$ est la transposition de $i$ et $j$. Autrement dit : $\sigma ^{\prime }(i)=\sigma (j)$, $\sigma ^{\prime }(j)=\sigma (i)$ et $\sigma ^{\prime }(k)=\sigma (k)$ pour $k\in E_{n}\backslash \{i,j\}$.
    Alors : $S_{n}(\sigma ^{\prime })-S_{n}(\sigma )=(\frac{\sigma (j)}{i^{2}}+\frac{%
    \sigma (i)}{j^{2}})-(\frac{\sigma (i)}{i^{2}}+\frac{\sigma (j)}{j^{2}})=%
    \frac{\sigma (j)-\sigma (i)}{j-i}\cdot \frac{(j-i)^{2}(i+j)}{i^{2}j^{2}}<0$.
    Le minimum de $S_{n}(\sigma )$ n'est donc atteint en aucune bijection $%
    \sigma \neq \varepsilon $, et comme il est atteint quelque part, c'est forcément en $\varepsilon $, ce qui prouve que $S_{n}(\sigma )\geq S_{n}(\varepsilon )$, pour tout $\sigma \in \mathfrak{S}_{n}$, avec égalité si et seulement si $\sigma =\varepsilon $.

    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
    26/07/2021
  • Merci de vos réponses, très intéressantes !
    Chaurien, je pense que ta démonstration permet de retrouver l'inégalité de réarrangement, cela permet de regarder ce qui se passe sous le capot de ce théorème donc !
  • Calli il me semble que tu avais posté des questions très intéressantes sur les séries il y a un ou deux mois.
    Il y avait de la topologie dedans. Peux-tu retrouver ton post ?
  • Merci étanche, ça me fait de la lecture sur le sujet !

    J'ai une question un peu connexe, mais elle a déjà du être discutée sur le forum: je crois savoir que l'équivalence entre séries réelles absolument convergentes et séries sommables (un résultat de Riemann) ne tient plus pour des séries par exemple complexes. En particulier, ayant une série complexe absolument convergente, on ne peut pas atteindre tout le plan complexe en permutant les indices de sa somme, si ? Je me demande à quoi ressemble l'espace des valeurs que ses permutations: est-ce un ouvert, un convexe, peut-on un peu le caractériser ?
    Et, fondamentalement, c'est l'ordre (la monotonie, couplé avec le théorème de la limite monotone par exemple) qu'on a perdu en passant de $\mathbb{R}$ à $\mathbb{C}$ ?
  • Polka a écrit:
    je crois savoir que l'équivalence entre séries réelles absolument convergentes et séries sommables (un résultat de Riemann) ne tient plus pour des séries par exemple complexes.

    Elle tient. C'est lorsque les termes des séries sont dans un Banach de dimension infinie que l'équivalence ne tient plus.
  • Quelle différence vous faites entre série absolument convergente et famille sommable ? Quelles sont vos définitions pour ces deux notions ?
  • D'accord, il faudra que je revois ça...
    Par contre, qu'en est-il du résultat de Riemann sur les séries semi-convergentes réelles (dont on peut permuter les termes de façon à obtenir une somme de valeur quelconque sur la droite réelle achevée): que devient il pour les complexes ? C'est de ce résultat que je voulais parler, mais je me suis très mal exprimé !
  • Oui Calli, je me suis mélangé je pense. Pour moi, une série est absolument convergente si la série des valeurs absolues de ses termes converge. Je pensais, en disant famille "sommable", au fait qu'on peut légitimement permuter tous les termes et garder la même valeur de limite.
  • Être semi-convergente, pour une série, c’est être convergente sans être absolument convergente.

    Le résultat dit que si une série est semi-convergente, alors en changeant l’ordre de ses termes, on peut en faire une série divergente et même une série qui converge vers un réel fixé à l’avance.
    On peut aussi la faire diverger vers $+\infty$ ou $-\infty$ et même la faire osciller entre deux valeurs (éventuellement infinies).

    Remarque par rapport au message précédent :
    La convergence absolue est équivalente à la convergence commutative.
    Il s’agit, en regardant le point de vue « Lebesgue », des familles sommables.
  • Exactement Dom, et je me demande ce que devient ce résultat dans d'autres espaces (les complexes par exemple).
  • Dans C, l'ensemble des valeurs possibles est un sous espace affine, donc un point si c'est absolument convergent, une droite ou C tout entier sinon.
  • Ha oui bonne remarque.
    J’en étais resté à $\mathbb R$.
    On a forcément un intervalle [des valeurs d’adhérence], qui peut être de toute sorte d’ailleurs (j’entends que ça peut arriver qu’il soit fermé mais qu’on ne peut pas le forcer… mais on peut le forcer à être ouvert).

    Du coup j’avais en tête l’idée que ce soit un convexe.

    Pour $\mathbb C$, je n’aurais pas su trouver que c’est un sous-espace affine.
    J’essaye sans écrire de « réfléchir » aux constructions possibles…
  • Un sous espace affine, oh. Si vous avez des références, cela m'intéresse: je me demande d'où provient cette structure, et ce qui permet de décider si c'est le plan tout entier ou juste une droite.
  • Pour répondre à Calli ici http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?4,2280316,2280510#msg-2280510 la définition d'une famille sommable que je considère (je n'en connais pas d'autres d'ailleurs) est celle donnée par Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Famille_sommable#Définition

    Pour la définition de série absolument convergente c'est la même que tout le monde : https://fr.wikipedia.org/wiki/Convergence_absolue
  • Merci pour le lien, Chaurien.
    On en apprend tous les jours.

    Je ne connaissais pas non plus Ernst Steinitz.
  • Merci Raoul. Je ne connaissais pas cette définition. Je n'avais appris que la définition $\sum_{i\in I} u_i :=\sup_{J\subset I,\, J\,\text{fini}} \sum_{j\in J} u_j$ pour des termes réels positifs, qui s'étend ensuite à $\Bbb R$ et $\Bbb C$.
  • Calli moi je l'ai apprise dans les bouquins mais pas en cours.

    Elle intervient naturellement dans les espaces de Hilbert quelconques (pas forcément séparables) : si $(e_i)_I$ est une base hilbertienne (où $I$ est un ensemble d'indices quelconque) alors pour tout vecteur $x$, $x=\sum_{i\in I} \langle x,e_i\rangle e_i$ (bon évidemment tu connais) mais ici $x$ apparaît comme la somme de la famille sommable (au sens de la définition précédente) $(\langle x,e_i\rangle e_i)_I$.
  • Il me semble qu’il y a la même discussion (celle des définitions) pour partir de l’intégrale de Riemann et pour l’étendre aux intervalles quelconques.***
    Je ne parle pas des intégrales généralisées où le sens de l’intervalle est primordial (c’est un peu la même histoire que l’ordre des termes pour les séries).

    ***Plus précisément c’est pour définir « $f$ intégrable sur l’intervalle I » sans parler de Lebesgue.
    On a besoin de la valeur absolue (comme l’absolue convergence pour les séries).
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