Les espaces propres sont en somme directe

Bonjour
Soit $E$ un $\K$-espace vectoriel. Il paraît qu'on peut montrer que si $u \in \mathcal{L}(E)$, alors les sous-espaces propres sont en somme directe.

Pour cela, il suffit d'utiliser le théorème de décomposition des noyaux : si $n \in \N^*$ et $P_1, \dots, P_n \in \K[X]$ sont premiers entre-eux deux à deux, alors $$\ker\Big(\big(\prod_{i=1}^n P_i\big)(u)\Big) = \bigoplus_{i=1}^n \ker\big(P_i(u)\big).

$$ Dans le cas des sous-espaces propres, si on définit les $P_i$ par $P_i = X - \lambda_i$, on remarque que $\ker\big((\prod_{i=1}^n P_i)(u)\big) = E$ car $Q = \prod_{i=1}^n P_i$ annule $u$.

Mais c'est cela qui me choque. Je ne vois pas pourquoi $Q$ annule $u$. Il existe bien des vecteurs de $E$ qui ne sont pas des vecteurs propres associés aux $\lambda_i$ (donc pour lesquels $Q(u)$ n'est pas nulle), non ? Donc, pour moi l'application $Q(u)$ peut être nulle si on l'évalue en les valeurs propres, mais elle n'est pas constamment nulle, donc $Q$ n'est pas annulateur de $u$ du tout.

Je pensais plutôt à dire que les racines du polynôme caractéristique sont exactement les valeurs propres de $u$, donc le polynôme caractéristique peut se factoriser en $Q$, donc par Cayley-Hamilton, on a qu'il annule $u$.

Est-ce que quelqu'un pourrait m'éclairer ? Merci d'avance.

Réponses

  • Être en somme directe ne veut pas dire que ladite somme fait tout $E$. En l'occurrence, la somme des espaces propres fait $E$ si et seulement si $u$ est diagonalisable (auquel cas, effectivement, si $E$ est de dimension finie alors $Q$ est le polynôme minimal de $u$ et est bien annulateur).
  • Soit $E$ est un $\mathbb K$-espace vectoriel et soient $F_1,\ldots,F_n$ sont des sous-espaces vectoriels de $E$.

    La somme $F_1 + \cdots + F_n$ est définie par :
    $$ F_1 + \cdots + F_n = \{ x_1 + \cdots + x_n : x_1 \in F_1,\ldots,x_n \in F_n \}.
    $$ En général, il est faux que $F_1 + \cdots + F_n = E$.

    La somme $F_1 + \cdots + F_n$ est dite directe si :
    $$ \forall x_1 \in F_1,\ \ldots,\ \forall x_n \in F_n,\quad x_1 + \cdots + x_n = 0_E \implies x_1 = \cdots = x_n = 0_E.
    $$ Si c'est le cas, on note $F_1 \oplus \cdots \oplus F_n$ la somme $F_1 + \cdots + F_n$. En général, il est faux que $F_1 \oplus \cdots \oplus F_n = E$.

    Ici, c'est pareil, il n'y a aucune raison que la somme des espaces propres soit égale à $E$ (c'est le cas si, et seulement si, $u$ est diagonalisable).
    Le lemme des noyaux nous dit deux choses (1) que la somme des espaces propres $E_u(\lambda_i) = \ker(u-\lambda_i\,\operatorname{id}_E) = \ker(P_i(u))$ est directe (2) qu'elle est égale à $\ker((P_1\cdots P_n)(u))$. Mais ceci n'est pas égal à $E$ en général, $P_1\cdots P_n$ annule $u$ si, et seulement si, $u$ est diagonalisable).

    Une remarque au passage, il n'est absolument pas nécessaire d'utiliser un gros résultat comme le lemme des noyaux pour montrer que les espaces propres sont en somme directe directement, on peut le faire à la main par récurrence (voir la pièce-jointe issue du Monier d'algèbre MP).128438
  • D'accord, merci bien !
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