Thème de réflexion pour agrégatifs

Question posée à l'oral de l'agrég en 2022 (;-)) : si $E$ est un $\C$-ev de dimension $5$, existe-t-il un endomorphisme $u$ de $E$ dont le centralisateur (ou commutant) ${\mathfrak z}(u)$ soit de dimension $9$ et isomorphe comme algèbre à $M_3(\C)$ ?

Humble requête à MM. les grosses pointures du forum : laissez une chance aux agrégatifs de répondre.

Réponses

  • Je pense que non, mais je laisse les autres y réfléchir.
  • Je n'ai pas la réponse pour la question en entier, mais en tout cas, la dimension du commutant peut être égale à 9 : il suffit de prendre $u$ de matrice $A = \begin{pmatrix} 0 & 1 & 0 & 0 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & 0 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & 1 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & 0 & 1 \\ 0 & 0 & 0 & 0 & 0\end{pmatrix}$.
  • Bonjour,

    J'examinerais un aspect intéressant de la question.

    Un élément non inversible du commutant est-il produit de deux éléments non inversibles ?


    Yvette, qui vous souhaite un bel après-midi
  • Guego : oui ! Et on a des exemples où $u$ admet deux, ou trois, valeurs propres distinctes.
  • Je n’ai pas écris les détails, mais j’ai l’impression qu’en traitant tous les cas, on peut montrer que le commutant n’est pas isomorphe à $\mathcal{M}_3(\C)$.

    Édit : Dans l’exemple de Guego, il me semble que l’on peut exhiber une matrice dans le commutant dont le polynôme minimal est de degré 5.
  • Mr J : p'têt ben qu'ces commutants ont une propriété que $M_3(\C)$ n'a pas. Enfin, ce que j'en dis...
  • @john_john : Je vois bien, mais je n’ai juste pas pris le temps de l’écrire et je laissais le public visé y réfléchir. ;-)
  • john-john a écrit:
    Guego : oui ! Et on a des exemples où u admet deux, ou trois, valeurs propres distinctes.
    Tout à fait, comme $\begin{pmatrix} 0 & 1 & 0 & 0 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & 0 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & 1 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & 0 & 0 \\ 0 & 0 & 0 & 0 & 1\end{pmatrix}$ ou $Diag(0,1,1,2,2)$.
  • Une piste à creuser : si $v$ et $w$ sont dans le commutant de $u$, alors le commutant de $v$ et le commutant de $w$ ont au moins tous les éléments de $\C[ {u} ]$ en commun. Mais dans $\mathcal{M}_3(\C)$, l'intersection de deux commutants est assez petite en général...
  • Guego : on peut plus simplement se poser la question du centre du commutant ! Ton idée pulvérise la mienne, sur le plan de la simplicité !!
  • Effectivement. Mais du coup, si je ne m'abuse, ça montre un résultat plus général : si $u$ est un endomorphisme d'un espace $E$, à moins que $u$ soit de la forme $\lambda Id_E$, $\lambda \in \C$, alors le commutant de $u$ n'est jamais isomorphe à $\mathcal{M}_n(\C)$. Les hypothèses sur les dimensions dans l'exercice de départ ($5$ pour la dimension de l'espace de départ, $9$ pour le commutant) n'interviennent pas, si ce n'est pour en déduire que $u$ n'est pas de la forme $\lambda Id$.
  • En effet, stratégie assez déloyale de conception d'exercice : fourrer des hypothèses qui n'y rien à y faire.
  • marsup : effectivement, c'est rétrospectivement déloyal, mais... involontaire ! J'avais, à l'époque, posé la question à l'oral à un candidat qui avait donné la liste des dimensions possibles des commutants, dans le cas de la dimension $5$ et lui avais demandé s'il s'agissait d'une algèbre de matrices, dans le seul cas plausible, savoir $9$ (les autres dimensions sont $5, 7, 11, 13, 17, 25$ mais le cas $25$ est sans intérêt). C'est donc compte tenu du contexte que la valeur $9$ a été évoquée.
    Cela dit, effectivement, j'aurais dû omettre la restriction à cette valeur de la dimension. (td)

    Ayant battu ma coulpe, je propose ma solution, que guego a dispersée façon puzzle : Tous les éléments du commutant laissent stable un sev propre $F$ de $u$, qui est donc non trivial. Avec un tel choix, l'ensemble $\cal I$ des éléments du commutant qui induisent sur $F$ l'endomorphisme nul est un idéal bilatère non trivial du commutant. Ce n'est donc pas une algèbre de matrices. On doit aussi pouvoir vérifier que les formes linéaires $tr$ et $tr(u\times\cdot)$, qui sont centrales, ne sont pas proportionnelles
  • MrJ : << l’on peut exhiber une matrice dans le commutant dont le polynôme minimal est de degré 5.>> Oui, je le pense aussi ; c'était ma première idée aujourd'hui (je ne rappelle évidemment plus comment j'avais procédé à l'époque ; ces faits sont d'ailleurs prescrits depuis longtemps) mais cela m'a semblé difficile à rédiger dans le cas général.
  • Je pense qu’on doit pouvoir s’en sortir en traitant tous les cas possibles de la réduction de Jordan, mais c’est beaucoup plus long et fastidieux que la solution que tu viens de donner...
  • Dans le même thème, une question de john_john himself : si $E$ est un $\R$-espace vectoriel de dimension finie $n\geq 2$, existe-t-il une base de $\mathcal{L}(E)$ qui soit multiplicativement stable ?
  • Exact, gai requin : exercice proposé il y a deux mois dans le fil <<Vos exercices originaux préférés>> (forum Pédagogie). Cela n'a encore inspiré personne mais il faut dire que c'est du brutal. Même pour $n=2$, il me semble difficile de traiter la question par le calcul.
  • Yvette peut-elle nous dire à quoi elle pensait avec la question des éléments non inversibles du commutant ? Dans $M_n(\C)$, toute matrice non inversible est produit de deux non inversibles ; est-ce à dire que la propriété est fausse dans le commutant dans le cas envisagé supra, ce qui exclurait l'isomorphie ? En tout cas, cela peut être au contraire vrai dans d'autres cas, par exemple lorsque le commutant est $\C[ u]$.
  • Je m'essaye au deuxième exercice de john_john mentionné par gai_requin:
    On suppose $n\geq 2$ et on cherche un sous-ensemble de $M_n(\R)$ qui soit (1) une base, (2) multiplicativement clos.

    Une telle base $\mathcal{B}$ formerait un semi-groupe (possiblement sans unité), tel que son algèbre de semi-groupe $\R[\mathcal{B}]$ soit simple, avec une seule classe d'isomorphisme de représentations irréductibles (de dimension $n$). Or un semi-groupe a toujours une représentation irréductible de dimension $1$ ($b\mapsto 1$, pour tout $b\in\mathcal{B}$), indépendemment du corps de base. Donc ce qu'on cherche n'existe pas.
    Après je bloque.
  • En attendant qu'un spécialiste valide la solution de i.zitoussi, je vous donne une indication pour une solution élémentaire : si $\cal B$ existe, que dire de la forme linéaire $\ell$, somme des éléments de la duale ${\cal B}^*$ ?
  • $\ell$ est un morphisme d'algèbres $M_n(\R)\to\R$ donc $\ell$ est une forme linéaire injective donc $n=1$.
  • Parmi les gens qui ne répondent pas, il y a les grosses pointures. vive le "doute séduisant", notion que j'aime bien quand elle est (archi) utilisée dans les jeux amoureux. (Bon, j'ai répondu, et pour être totalement explicite, je précise qu'il me faudrait au bas mot 6 mois pour résoudre cet exo, avec prix de 50000 euros à la clé :-D )
    Aide les autres comme toi-même car ils sont toi, ils sont vraiment toi
  • Note à part: Il existe des bases de $M_n(\C)$ qui ont presque la propriété requise.

    Si $\{v_i: i=1,...,n\}$ est la base canonique de $\C^n$, $\zeta\in\C$ une racine primitive $n$-ième de $1$, $A$ et $B$ les matrices respectives des applications linéaires définies par $v_i\mapsto \zeta^i v_i$, et $v_i\mapsto v_{i+1 \bmod (n)}$ ($A$ est diagonale et $B$ est cyclique), alors:
    $A$ et $B$ satisfont les relations $AB=\zeta BA$, $A^n=B^n=1_n$.
    De plus, $\{A^iB^j: i,j=1,...n\}$ est une base de $M_n(\C)$ qui satisfait $A^iB^j\cdot A^kB^l = \zeta^{-jk}A^{i+k}B^{j+l}$ (indices pris modulo $n$).

    (Je prétends que c'est une base mais il faudrait le démontrer; ceci dit, c'est connu. L'algèbre abstraite engendrée par $X$, $Y$ avec les relations $XY=\zeta YX$, $X^n=1$, $Y^n=1$, est isomorphe à $M_n(\C)$, et un isomorphisme possible est donné par $X\mapsto A$ et $Y\mapsto B$).
    Après je bloque.
  • i.zitoussi et gai requin : (tu)

    christophe c : en combien de versements, les 50 000 euros ?

    yvette : EEG plat ?

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    Un autre thème de réflexion, encore un peu brumeux pour moi : si $u$ est un endomorphisme (dimension finie), l'ensemble des crochets de Lie des éléments de ${\mathfrak z}(u)$ est-il un espace vectoriel ? contient-il $u$ lui-même ? (pour cela, il faut que $u$ soit nilpotent, mais cela ne suffit pas car le commutant peut être... commutatif). Là, je n'ostracise pas les grosses pointures car toutes les lumières seront bienvenues.
  • @john_john : J'ai regardé le cas de le dimension $2$.
    1) Si $u$ est cyclique, ${\mathfrak z}(u)=\R[ u]$ et son ensemble des crochets de Lie est $\{0\}$.
    2) Sinon, $u$ est une homothétie et l'ensemble des crochets de Lie de ${\mathfrak z}(u)$ est l'espace vectoriel des endomorphismes de trace nulle.
    Dans tous les cas, ${\mathfrak z}(u)$ est un espace vectoriel qui contient $u$ ssi $u=0$.
  • @john_john : J’avais cherché sans grande réussite. La preuve avec la forme linéaire est très efficace. Il ne me paraît pas évident de trouver cette idée...
  • Exact, MrJ ( D'ailleurs, il m'a fallu du temps pour y penser, à l'époque, et pas qu'un peu... En fait, cela remonte à un oral de concours d'école d'ingénieurs que j'avais passé ; le colleur me donne l'indication de chercher une base de $M_n(\C)$ stable par multiplication pour résoudre l'exercice posé. Une fois le temps imparti écoulé, il me dit (à peu près) <<ah bon ? Je croyais que cela se trouverait facilement>> (ben voyons !) et c'en est resté là.

    Il pensait peut-être à une pseudo-base comme celle de i.zitoussi.

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    gai requin : j'ai fait quelques essais moi aussi en petite dimension. Par exemple, en dimension $3$, le cas où $M$ est la matrice canonique $E_{1,2}$ représente le cas d'un endomorphisme nilpotent de rang $1$ ; dans ce cas, $M$ est le crochet de $E_{1,3}$ et de $E_{3,2}$.
    En dimension $4$, $M=E_{1,2}+E_{3,4}$ représente le cas d'un endomorphisme de rang $2$ et de carré nul ; dans ce cas, $M$ n'est pas un crochet car ils sont tous de la forme $\begin{pmatrix}A&B\\C&-A\end{pmatrix}$ par blocs.
  • gai requin a écrit:
    $\ell$ est un morphisme d'algèbres $M_n(\R)\rightarrow \R$ donc $\ell$ est une forme linéaire injective
    Ok pour morphisme d'algèbres, mais j'ai dû rater quelque chose : pourquoi injective ?

    Note : j'arrive à finir l'exo sans injectivité (il n'y a pas des masses de morphismes d'algèbres $M_n(\R)\rightarrow \R$), mais je suis curieux de savoir ce que j'ai raté.
  • $\ker\ell$ est un idéal bilatère de $M_n(\R)$ et il n'y en a pas des masses...
  • Le noyau de $\ell$ est un idéal de $M_n(\R)$, donc égal à $(0)$ ou à $M_n(\R)$
  • Ok, mais ça nécessite de connaître les idéaux de $M_n(\R)$. Tel que c'était écrit, ça avait l'air de découler trivialement des hypothèses. Ça me rassure : je n'ai pas raté quelque chose de particulièrement simple.
  • Mais on conclut aussi sans rien savoir sur les idéaux bilatères : $\ell$ envoie l'identité sur $1$ et tout idempotent sur $0$ ou $1$. Or, les idempotents de rang $1$ sont conjugués et ont donc même image. Comme l'identité est somme de $n$ idempotents de rang $1$, les deux valeurs sont impossibles. Evidemment, lorsque l'on classifie les idéaux bilatères, on passe un peu par les mêmes étapes.
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