Extension d'un idéal premier

Bonjour

Il y a un détail qui me pose problème en théorie algébrique des nombres.

$A$ est un anneau de Dedekind, $K$, son corps des fractions, $L$ une extension finie séparable de $K$ et $B$ la clôture intégrale de $A$ dans $L$. Soit $\mathfrak{p}$ un idéal premier non nul de $A$.

A-t-on toujours $\mathfrak{p}B\ne B$ ? J'ai regardé dans les cours de théorie algébrique de Milne et Janusz, mais je n'ai pas trouvé d'explication.

Dans le cas où $A=\Z, K=\Q$ et $L$ est un corps de nombres, je vois bien pourquoi $p\mathcal{O}_K\ne\mathcal{O}_K$ (sinon, on aurait $\frac{1}{p}\in\Z$).

Réponses

  • Salut.

    Je ne suis pas expert avec ces choses (anneaux de Dedekind et cie), donc ce que je dis est à prendre avec un grain de sel, mais il me semble qu'on a la chose suivante:

    Si tu as $\mathfrak{p}B = B$, sachant que $B$ est un $A$-module finiment engendré (dans ta situation, il me semble que c'est vrai, même si pas complétement trivial) et $\mathfrak{p}$ un idéal de $A$. Selon le "trick du déterminant" habituel (aussi appelé "lemme de Nakayama"), tu devrais pouvoir tirer de ton chapeau un élément $u$ de $A$, congru à $1$ modulo $\mathfrak{p}$ tel que $uB = 0$. Mais si je ne dis pas de bêtise, dans ta situation, $B$ est sans torsion (même carrément intègre), donc tu devrais avoir $u = 0$, et donc $0$ congru à $1$ modulo $\mathfrak{p}$, soit $1 \in \mathfrak{p}$, dur dur pour un idéal premier.

    J'ai pas dit de bêtise?
  • $\DeclareMathOperator{\dim}{dim}$Merci de ton aide, ça fonctionne ! J'oublie souvent la version de Nakayama que tu as citée.

    Le fait que $B$ est un $A$-module de type fini est démontré dans les cours de théorie algébrique (on peut même affaiblir l'hypothèse sur $A$ en retirant $\dim A\le 1$ si on veut).
  • Merci, je connais au moins le résultat pour les corps de nombres, j'irais zieuter le résultat dans le cadre "Dedekind" un de ces jours alors :-D
  • Salut b.b.
    Je me permets quelques remarques. Tout d'abord, dans le contexte suivant : $A \subset B$ deux anneaux commutatifs, on dit extension (et pas augmentation) pour l'opération suivante $I \mapsto IB$, $I$ idéal de $A$. Dans l'autre sens, on dit contraction, pour $J \mapsto J \cap A$, $J$ idéal de $B$.

    Mais surtout, ton contexte est beaucoup trop chargé. Avec un énoncé général cela sera beaucoup plus simple, je t'assure. Soient $A \subset B$ avec $B$ ENTIER SUR $A$ et $I$ un idéal de $A$. Alors si $IB = B$, c'est que $1 \in I$ i.e. $I = A$. Et de plus, il n'y a plus de négation (sais tu que je suis un gars capricieux ?).

    Contrairement à une idée reçue, $I$ de type fini n'a rien à voir avec la choucroute : la finitude est dans l'hypothèse quand on écrit que $1 \in IB$, cela fait intervenir un nombre fini d'éléments
    $$
    1 = \sum_{i=1}^n a_i b_i \qquad a_i \in I, \qquad b_i \in B
    $$En posant $B' = A[b_1, \cdots, b_n]$, c'est un $A$-module de type fini tel que $IB' = B'$. C'est $B'$ qui est responsable, pas $I$.

    Note : en ce qui concerne la conséquence (à énoncer) de l'égalité $IE = E$ où $E$ est un $A$-module et $I$ un idéal de $A$, c'est l'hypothèse $E$ de type fini qui va jouer, pas celle de $I$.
  • Salut Claude.

    Merci pour ces explications.

    C'est dommage, j'avais écrit la somme finie au début, sans aller plus loin. :-D
  • Rebonjour b.b.
    Ci-dessous une occasion d'en faire plus si tu veux bien, en utilisant toujours le même trick de base (the determinant's trick). Contexte : une inclusion d'anneaux commutatifs $A \subset B$ avec $B$ ENTIER sur $A$ et $I$ un idéal de $A$.

    1. Quid de la contraction de l'extension ? Réponse : $IB \cap A \subset \sqrt {I}$. I.e. pour tout $x \in IB \cap A$, il existe $n$ tel que $x^n \in I$.
    Cas particulier $IB = B$.

    2. Plus fort : tout élément de $IB$ est entier sur l'idéal $I$. Précision : on dit que $x \in B$ est entier sur un idéal $I$ de $A$ s'il existe une équation de dépendance intégrale de $x$ sur $A$ du type :
    $$
    x^n + a_1x^{n-1} + a_2x^{n-2} + \cdots + a_n = 0 \qquad \text{avec} \quad a_1 \in I, \ a_2 \in I^2, \cdots,\ a^k \in I^k
    $$
    Remarque 1. Tu dois bien disposer d'ouvrages, de documents, où intervient la notion de ``entier sur un anneau''. Et il doit bien y avoir des résultats du type ``si ceci-cela alors $x$ est entier sur $A$'' si $A$ est le nom de l'anneau de base. Si tu ANALYSES bien certaines preuves, tu pourras constater qu'il y a souvent un idéal $I$ de $A$ qui ne figure pas dans l'énoncé mais seulement dans la preuve et que l'on y démontre en fait que $x$ est entier sur l'idéal $I$. Si, si, je t'assure.

    Remarque 2. Cette notion de ``entier sur un idéal'' figure chez certains auteurs. On la trouve également dans les exercices de Bourbaki Algèbre Commutative, mais pas dans le chapitre V (Entiers) comme on pourrait s'y attendre. On la trouve dans l'exercice 8 de la section $\S7$ du chap VIII (Dimension), page 104 (voir aussi les exercices qui suivent). On ne peut pas en vouloir à Dieudonné de ne pas l'avoir mis là où il faut car ce n'était peut-être pas si facile d'assurer la gestion de milliers d'exercices.
  • Bonsoir.

    Claude, j'ai réfléchi à ton dernier post et je pense avoir compris l'idée. Le determinant's trick s'énonce comme suit dans le Atiyah-MacDonald (modulo les notations) : si $M$ est un $A$-module de type fini, $I$ un idéal de $A$ et $\phi:M\longrightarrow M$ une application $A$-linéaire telle que $\phi(M)\subset IM$, alors il existe des éléments $a_1,\dots,a_n$ de $I$ tels que $$

    \phi^n+a_1\phi^{n-1}+\dots+a_nId_M=0

    $$ En fait, quand on regarde la preuve de plus près, elle démontre plus que ce qui est annoncé : pour tout $k$, l'élément $a_k$ appartient à $I^k$. On le voit quand on analyse les termes qui apparaissent dans le développement du déterminant. Pour résumer en faisant un abus de langage (c'est pour mieux retenir), l'endomorphisme $\phi$ est « entier sur l'idéal $I$ », en quelque sorte.

    2. Soit $x\in IB$. Il existe $a'_1,\dots,a'_m\in I$ et $b_1,\dots,b_m\in B$ tels que $x=\sum_{i=1}^m a'_i b_i$. On pose $M=A[b_1,\dots,b_m]\subset B$. C'est un $A$-module de type fini. Soit $\phi$ l'endomorphisme de multiplication par $x$ dans $M$. On a bien $\phi(M)=xM\subset IM$, d'où l'existence d'éléments $a_k$ tels que décrits précédemment. En évaluant $\phi^n+a_1\phi^{n-1}+\dots+a_nId_M=0$ en $1$, on trouve que $x$ est entier sur l'idéal $I$.

    1. Soit $x\in IB\cap A$. D'après le point précédent, $x^n+a_1 x^{n-1}+\dots+a_n=0$ avec $a_k\in I^k\subset I$. Comme $x\in A$, les $a_k x^{n-k}$ appartiennent tous à l'idéal $I$, donc $x^n$ aussi. Si $IB=B$, alors $A=\sqrt I$ et $I=A$.
  • Rebonjour b.b.

    J'ai parfois tendance à oublier cette forme du determinant's trick qui utilise un endomorphisme. Et qui n'est pas étrangère au théorème de Cayley-Hamilton. Ce n'est pas nécessairement un abus de dire que $\phi$ est entier sur $I$ puisque l'on peut considérer l'anneau commutatif $B := A[\phi]$.

    On voit donc que cet outil de base n'est pas si compliqué, une fois bien dégagé par les autres. Et figure toi que je viens de comprendre quelque chose. Matsumura, dans son Commutative Ring Theory, donne très tôt ce résultat (pages 7, 8) en citant d'ailleurs Atiyah & Macdonald (ainsi que l'allusion au théorème d'Hamilton Cayley).

    Et il donne à l'un des énoncés le nom NAK, énoncé suivi d'une remarque. J'attache. Je pensais jusqu'à maintenant que chez lui (Matsumura), NAK était un acronyme pour Nakayama. Et je comprends maintenant que c'est pour Nakayama & Azumaya & Krull.107418
    NAK.png 252.9K
  • Merci pour la référence.

    Je vais opter pour cette formulation du determinant's trick ($\phi$ entier sur $I$). Facile à retenir et plus précise.
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