Représentations et foncteurs

Bonjour,
j'hésite à me lancer plus avant dans cette direction, alors je pose une question naïve : quel est le lien entre la théorie des représentations et celle des foncteurs représentables ? Peut-on dire que la question de la représentabilité des foncteurs est une généralisation de la théorie des représentations ?
Et pourquoi la représentabilité des foncteurs semble si importante pour les catégories ?
Merci.
ignatus.

Réponses

  • En consultant le paragraphe 6 du chapitre 1 de Géométrie plane et algèbre, je constate que l'existence de limites ou de colimites dans une catégorie est liée à la représentabilité de certains foncteurs. Une catégorie est dite cartésienne si toutes les limites finies existent, c'est-à-dire sont représentables. Cela équivaut à l'existence d'un objet final et de produits fibrés arbitraires.
    La représentabilité dans les catégories permet donc de savoir si l'on peut y définir des produits fibrés ou des sommes amalgamées, ce qui est important pour définir des interprétations dans des modèles. Est-ce-que je me trompe ?

    ignatus.
  • Je ne crois pas qu'il y a des liens, c'est juste deux interprétations différentes d'un même mot. En tout cas à ma connaissance, une représentation n'est pas un cas particulier d'un foncteur représentable.

    Pour l'importance des foncteurs représentables, je ne suis pas sûr à 100%. Je sais juste qu'ils apparaissent souvent, ce qui est peut-être déjà une bonne raison en soit ? :-D

    _______(Blabla un peu hors-sujet)________

    En géométrie algébrique moderne (aïe, si Claude passe par là, il va me dire que je n'y connais rien et il aura bien raison) la notion de foncteur représentable est essentielle. En effet, certains "espaces" ne sont pas des variétés algébriques, mais on sait malgré tout décrire le "foncteur associé" (je pense en particulier pour les espaces de modules). Par conséquent on peut faire de la géométrie de manière purement fonctoriel. C'est le point de vue des champs.

    Par exemple, si $G$ est un groupe algébrique qui agit sur un schéma $X$, le champ quotient $[X/G]$ n'est presque jamais un schéma (voir ce fil intéressant : https://mathoverflow.net/questions/159279/understanding-the-definition-of-the-quotient-stack-x-g ). Mais ça n'empêche pas de définir par exemple les fonctions sur $[X/G]$ (qui sont les fonctions $G$-invariantes), ou les faisceaux sur $[X/G]$, etc... et d'essayer de faire de la géométrie dessus.

    Dans ce formalisme même l'espace $[pt/G]$ est un espace très intéressant ! Et en fait, dans ce cas on peut voir qu'un faisceau sur $[pt/G]$ est la même chose qu'une représentation de $G$.

    Un bouquin de géométrie plane qui parle de colimite dès le premier chapitre, wahou ça a l'air assez exotique en tout cas ...
  • Merci Lupulus pour ton intervention.
    J'ai tendance, intuitivement parlant, à voir les représentations comme des modèles de structures algébriques qui permettent d'étudier ces structures à partir de leurs modèles.
    La généralisation aux catégories est alors immédiate, et la notion de foncteur représentable apparaît intéressante, puisqu'elle permet d'étudier une catégorie dans une autre. La représentabilité du foncteur permet alors de ramener l'étude d'une catégorie simplifiée à la catégorie de départ.
    Je ne sais pas si le passage par les catégories permet de simplifier l'étude d'une structure.

    Pour ce qui est des champs algébriques, j'ai envie de te demander ce qu'est un foncteur associé. Je vais aussi essayer de me renseigner sur cette notion de champ, dans la mesure de mes modestes possibilités.

    ignatus.
  • Tu devrais probablement prendre deux exemples types de théorie des représentations et de foncteur représentable, tu verras clairement pourquoi ça n'a rien à voir.

    Je dirais : les représentations de $S_3$, celles de $\R/\Z$, et le foncteur associé au quotient d'une variété affine comme $V(y^2-x)$ (anneau de fonctions $k[x,y]/(y^2-x)$) par $(x,y) \to (x,-y)$
  • Foncteur associé : c'est l'approche "foncteur des points" très bien expliqués dans le livre de Eisenbud-Harris "Geometry of schemes". En fait tu peux voir une variété $X$ comme un foncteur $h_X : Ring \to Set$, $R \mapsto h_X(R) := Hom_{Var}(Spec(R), X)$ (aussi noté $X(R)$). Par exemple si tu prends $R = k$ un corps, alors un élément de $X(k)$ est un "$k$-point" du schéma $X$. De manière concrète, si $X$ est donné par des équations, un $k$-point c'est une solution de ces équations à coordonnés dans $k$.

    Maintenant, si tu veux paramétriser une famille de trucs par un objet, disons $Y$, alors le minimum c'est qu'un morphisme de $f : X \to Y$ ça soit une famille de trucs, donné par $\{f(x)\}_{x \in X}$. Maintenant $Y$ n'existe peut-être pas, mais le foncteur "famille de trucs" existe.

    Par conséquent, on peut dire "$X$ est propre si le foncteur $h_X$ vérifie bla-bla" et définir $Y$ comme propre si $h_Y$ vérifie bla-bla.

    J'espère que c'est clair, mais encore une fois je ne suis pas expert sur les champs, ni même sur les schémas en fait.
  • Merci pour vos interventions, reuns et Lupulus.
    Je vais me fonder sur cette introduction panoramique.
    Il y est clairement indiqué que les foncteurs sont une généralisation des représentations. Mais j'ai parlé plus précisément de foncteur représentable...
    Il me faudra du temps pour comprendre l'exemple avec la variété affine, étant vraiment au tout début avec la géométrie algébrique.

    ignatus.
  • Hello,

    Deux petits trucs rapidos !

    1. Un exercice à la con : soit $\text{Ring}$ la catégorie des anneaux, soit $F$ le foncteur qui a un anneau $R$ associe l'ensemble $R^2$ et a un morphisme d'anneau $\phi : R \to R'$ l'application $R^2 \to R'^2$ donnée par $(x,y) \mapsto (\phi(x),\phi(y))$.

    Déjà il faut vérifier que c'est bien un foncteur.
    Ensuite l'exercice demande de montrer que $F$ est représenté par $(\Z[X,Y] ; (X,Y))$.

    Même question avec $F' : R \mapsto \{(x,y) \in R^2 \mid y^2 = x \}$, là c'est a toi a trouver la représentation de $F'$.

    2. Pour le lien entre foncteur et représentation de groupe. Soit $G$ un groupe on note $\bullet^G$ la catégorie qui possède un unique objet que je note $\bullet$ et tel que $\text{Hom}(\bullet,\bullet) = G$ avec pour composition la loi de $G$. Essayes de comprendre ce que c'est qu'un foncteur covariant de $\bullet^G$ dans les ensembles et un foncteur de $\bullet^G$ dans les $k$-espace vectoriel ($k$ ton corps préféré).

    Ps : Je n'ai pas précisé mais pour moi anneau = anneau commutatif unitaire !
  • Bonsoir Goleon,

    merci pour les exos. Je les chercherai.

    ignatus.
  • Bonjour,

    je vais essayer de reprendre ce fil, après l'avoir laissé en jachère quelque temps.
    Je reprends les exemples de reuns :

    1) Pour cet exemple, le groupe associé est celui des matrices de permutation 3 par 3 qui agit sur les vecteurs de l'espace.
    Peut-être faut-il plus décrire l'action de ce groupe, mais je m'arrête là pour le moment.
    2) Pour ce deuxième exemple, il s'agit du tore à une dimension, qui correspond au cercle unité. On peut donc lui associer des matrices de rotation qui agissent sur des points du plan.
    3) Pour le troisième exemple, il me manque la compréhension de la notion de foncteur associé, même si je comprends à peu près la variété affine de C^2 qui est donnée.

    ignatus.
  • Salut,

    En fait, quand tu te donne la variété $y=x^2$. Comme tu vois l'équation est à coefficient dans $\Z$ et tu peux la résoudre dans tous les anneaux, de là vient un foncteur $X : R \mapsto \{ (x,y) \in R^2 \mid y=x^2\}$ de la catégorie des anneaux vers la catégorie des ensembles : l'ensemble $X(R)$ est l'ensemble des solutions de ton équation que tu ressous dans l'anneau $R$.

    Par foncteur, on entend également qu'il y a une compatibilité des morphismes d'anneaux : quand tu as une solution $(x,y)$ dans un anneau $R$ et que tu as un morphisme d'anneau $\phi : R \to R'$ et bien le couple $(\phi(x),\phi(y))$ est encore une solution (dans $R'$) en gros tu as une application $X(\phi) : X(R) \to X(R')$.

    Par exemple : tu peux résoudre l'équation dans l'anneau des nombres duaux $\R[\varepsilon]$ où $\varepsilon^2=0$ i.e l'exemple des $a+\varepsilon b$ où l'on calcul normalement sauf que $\varepsilon^2=0$. Par exemple tu poses $x = 1+\varepsilon u$ et $y = 1+\varepsilon v$ et tu injectes dans l'équation, tu cherches les $(u,v)$, ça va te donner un droite vectorielle (trace là sur un dessin en la plaçant au point $(1,1)$ c'est amusant).
  • Bonjour flipflop,

    je te remercie pour ton message, que je viens de lire. J'étais préoccupé depuis hier à essayer de comprendre cet excellent texte que tu as mis en lien sur ton fil.
    Je comprends ce que tu dis, et même il me semble, ce que disait Lupulus, mais je bute encore pour la traduction opératoire pour pouvoir résoudre le dernier exemple de reuns, développé en exercice par Goleon.
    Je continue à réfléchir...

    ignatus.
  • J'essaie de résoudre le 1er exercice de Goleon.
    On peut identifier le foncteur F avec le foncteur plan affine A2.
    Pour A anneau, les A-points de F sont les couples (x, y) de A2.
    Pour k anneau, tout point (x, y) de A2 détermine un morphisme de k[X, Y] vers A qui, à un polynôme de k[X, Y] associe son évaluation en (x, y). Seuls les polynômes constants n'ont pas d'image. On doit donc se restreindre à l'idéal (X, Y) de k[X, Y].
    Puisque Z est un objet initial de la catégorie des anneaux, je dirais finalement que le foncteur F s'identifie à Spec((X, Y)) où (X, Y) est une idéal de Z[X, Y].

    Pour le foncteur F', je dirais qu'il s'identifie à Spec(Z[X, Y] / (y2 - x)).

    Me suis-je trompé ?

    ignatus.
  • Salut ignatus,

    Deux petits trucs : pour $\text{Spec}$ faut faire attention niveau terminologique. Est-ce qu'on parle du foncteur comme ici. Le truc classique, c'est l'espace topologique avec les idéaux premiers muni d'une topologie et d'un faisceau d'anneau. C'est juste terminologique.

    Ensuite pour $F'$ ok, par contre pour $\mathbb{A}^2$, c'est presque ça mais je ne vois pas d'inconvénient d'évaluer un polynôme constant en un point : en une variable le polynôme $23$ évalué en $17$ donne $23$.

    En fait, c'est le même principe pour tous les foncteurs de la forme $R \mapsto \{ (x_1,\dots,x_n) \in R^n \mid P_1(x_1,\dots,x_n) = \dots = P_m(x_1,\dots,x_n) = 0 \}$. C'est la propriété universelle de $\Z[X_1,\dots,X_n]$ et celle des quotients, c'est "transparent" sur ce type d'objet ! Par contre, faut faire attention $X : R \mapsto \{(x,y) \in R^2 \mid (x^2+y^2-1)^2 = 0 \}$ ce n'est pas pareil que $Y : R \mapsto \{ (x,y) \in R^2 \mid x^2+y^2-1 = 0 \}$. Par exemple, si je prends l'anneau $R = \Z/(16\Z)$ et bien on a que $(2,1) \in X(R)$ mais pas $(2,1) \in Y(R)$ ! Sur ce type d'objet c'est l'anneau de polynôme qui gouverne tout, tu peux oublier le foncteur et conserver l'idéal engendré par $X^2+Y^2-1$ dans $\Z[X,Y]$.

    Donc le cercle, l'hyperbole la parabole ou d'autre truc plus complexe ! Pour l'histoire de l'action de Reuns sur la parabole, je ne sais pas trop ce qu'il voulait te dire !
  • Ok flipflop merci. J'ai fait une erreur bête de compréhension sur les polynômes. Et je me fiais effectivement au texte de David Madore que tu as mis en lien.

    ignatus.
Connectez-vous ou Inscrivez-vous pour répondre.