Entiers d'Eisenstein (classique)

Bonjour, je sèche sur une question basique portant sur l'anneau des entiers d'Eisenstein $Z[j]$ où $j=e^{{2i\pi}/3}$.

Montrer que, pour tout nombre complexe $z$, il existe $z' \in Z[j]$ tel que $|z-z'|<1$.
Je traduis ça en disant qu'il y a toujours au moins un entier d'Eisenstein dans la boule centrée en $z$ et de rayon 1.

Du coup, j'ai constaté que $E(Re(z)) + j E(Im(z))$ convient à coup sûr, mais je ne parviens pas à le démontrer.
J'ai trouvé que $N(z) = a^2 + b^2 - ab$ où $z = a+jb$ et j'ai donc essayé de majorer $N(z - (E(Re(z)) + j E(Im(z))))$ mais je n'aboutis pas.

Auriez-vous un petit indice ?

Réponses

  • Faire un petit dessin ou tu places les points de $\Z[ j]$. Tu vas avoir des parallélogrammes qui vont pavé le plan ...

    Avec $Z[ i]$ on voit un peu mieux c'est des carré à la place des parallélogrammes.
  • Exact, j'avais déjà fait mes parallélogrammes. C'est comme ça que j'ai eu l'idée des parties entières. Mais je sèche toujours pour le prouver rigoureusement.
  • Un peu de géométrie du parallélogrammes. Tu as un point intérieur à un parallélogramme est-ce qu'on ne peux pas dire que la distance du point a un sommet est plus petite que la plus petite des demies-diagonales (un truc du genre). Après bah c'est de la géométrie élémentaire, ça ne dois pas poser beaucoup de problème. Je te laisse faire, normalement en bataillant plus ou moins tu devrais réussir.
  • @majax
    Il faut suivre les conseils de flip-flop. Et attention, si tu ne le fais pas, il le saura, car c'est un sorcier.

    Une fois réalisée cette étape géométrique, tu pourras envisager quelque chose de plus algébrique en travaillant en coordonnées sur $(1,j)$

    (1) Pour $x, y \in \Q$, on a, en notant $N$ la norme ALGEBRIQUE i.e. $N(z) = z\overline z$ :
    $$
    N(x + jy) = \left( x - {y \over 2}\right)^2 + {3 \over 4} y^2
    $$
    Montre cela de la manière la plus jolie qui soit.

    (2) Pour tout $z = x + yj \in \Q(j)$, il existe $z' = x' + jy' \in \Z[j]$ tel que $N(z-z') < 1$.
    A toi de le montrer

    (3) Conclure. Bon courage.
  • Merci. Je vais essayer tout ça.
    Bonne soirée!
  • Vous ne voyez pas des triangles équilatéraux de côté $1$ plutôt que des parallélogrammes, vous ?!
    Dans un triangle, le point le plus loin de tous les sommets est le centre du cercle circonscrit (sinon, en se rapprochant de la médiatrice d'un côté, on s'éloigne d'un sommet tout en restant plus proche de ce sommet que de l'autre extrémité du côté). Et dans un triangle équilatéral de côté $1$, la distance du centre à un sommet est plus petite que $1$.67214
  • Merci pour le schéma Math coss !
  • Bonne idée la partie entière mais il faut aller un peu plus loin. Pour tout réel $x$ il existe un entier $x'$ tel que $|x-x'| \leq 1/2$.
  • Merci à tous !

    Je propose cette solution :

    On pose $z=x+jy$. Il existe des entiers $x' $et $ y'$ entiers tels que $|x-x'| \leq 1/2$ et $|y-y'| \leq 1/2$.
    On pose alors $z'=x'+jy'$ et il vient : $|z-z'| =|(x-x')+j(y-y')| \leq |x-x'| + |y-y'|$.

    Pour $x \neq E(x)+1/2$, on a $|x-x'| < 1/2$, sinon $|x-x'| = 1/2$, et pour $y \neq E(y)+1/2$, on a $|y-y'| < 1/2$, sinon $|y-y'| = 1/2$.

    Donc lorsque $x \neq E(x)+1/2$ ou $y \neq E(y)+1/2$, on aura donc $|z-z'| <1$.

    et lorsque $x = E(x)+1/2$ et $y = E(y)+1/2$ le point $M$ d'affixe $z$ est situé au centre d'un parallélogramme dont la petite diagonale mesure 1 et a pour extrémités deux éléments de $Z[j]$ ce qui place $z$ à une distance de $1/2$ d'un élément de $Z[j]$.
  • On peut rédiger sans référence au dessin.
    $\bullet$ Si $u\in \mathbb{R}$ et $v\in \mathbb{R}$, alors : $\left\vert u+vj\right\vert ^{2}=u^{2}-uv+v^{2}$.
    $\bullet$ Si $x\in \mathbb{R}$, il existe $x^{\prime }\in \mathbb{Z}$ tel que : $\left\vert x^{\prime }-x\right\vert \leq \frac{1}{2}$. Prendre $x^{\prime }=\left\lfloor x+\frac{1}{2}\right\rfloor $ (c'est comme ça qu'on note la partie entière « plancher » au jour d'aujourd'hui et c'est une bonne notation).
    $\bullet$ Soit $z=x+yj\in \mathbb{C}$, $x\in \mathbb{R}$ ,$y\in \mathbb{R}$. Soit $x^{\prime }\in \mathbb{Z}$ tel que : $\left\vert x^{\prime }-x\right\vert \leq \frac{1}{2}$, et soit $y^{\prime }\in \mathbb{Z}$ tel que : $\left\vert y^{\prime }-y\right\vert \leq \frac{1}{2}$.
    Alors $z'=x'+y'j\in \mathbb{E}= \mathbb{Z}[j]$, et $z'-z=(x'-x)+(y'-y)j$, et :
    $\left\vert z^{\prime }-z\right\vert ^{2}=(x^{\prime }-x)^{2}-(x^{\prime}-x)(y^{\prime }-y)+(y^{\prime }-y)^{2}\leq \left\vert x^{\prime}-x\right\vert ^{2}+\left\vert x^{\prime }-x\right\vert \left\vert y^{\prime}-y\right\vert +\left\vert y^{\prime}-y\right\vert ^{2}\leq \frac{3}{4}$.
    D'où : $\left\vert z^{\prime }-z\right\vert \leq \frac{\sqrt{3}}{2}<1$.
    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
    13/09/2017
  • Merci Chaurien pour cette élégante démonstration.
  • Merci pour cette appréciation élogieuse, mais je n'ai pas inventé ça. On le trouve dans pas mal d'ouvrages de Théorie des Nombres, c'est un ingrédient indispensable pour établir l'euclidianité de l'anneau des entiers d'Eisenstein $ \mathbb{E}= \mathbb{Z}[j]$.
    Mais il y a comme un regret.
    Pour tout $z\in \mathbb{C}$, soit comm' d'hab' : $ \displaystyle d(z,\mathbb{E})=\underset{t\in \mathbb{E}}{\inf }\left\vert z-t\right\vert $. Comme $\mathbb{E}$ est fermé, cet $\inf $ est un $\min $.
    J'ai prouvé que pour tout $z\in \mathbb{C}$, on a : $d(z,\mathbb{E})\leq \frac{\sqrt{3}}{2}$. D'où : $\displaystyle \underset{z\in \mathbb{C}}{\sup }d(z,\mathbb{E})\leq \frac{\sqrt{3}}{2}$. Ce $\sup $ est un $\max $, et quel est ce $\max $ ?
    Revoyons l'interprétation géométrique exposée plus haut avec dessin à l'appui. Chaque point de $ \mathbb{C}$ est situé dans un des triangles équilatéraux qui sont les « alvéoles » du réseau $\mathbb{E}$ et dans chacune le point le plus éloigné de $\mathbb{E}$ est le centre du cercle circonscrit à ce triangle équilatéral, et sa distance à $\mathbb{E}$ est le rayon de ce cercle circonscrit, soit $\frac{\sqrt{3}}{3}$, en sorte que : $\displaystyle \underset{z\in \mathbb{C}}{\max }d(z,\mathbb{E})= \frac{\sqrt{3}}{3}$.
    Dans mon précédent message, j'ai prouvé : $\forall z\in \mathbb{C},\exists z^{\prime }\in \mathbb{E},\left\vert z^{\prime }-z\right\vert \leq \frac{\sqrt{3}}{2}$. La meilleure constante à mettre à la place de $\frac{\sqrt{3}}{2}$ est donc $\frac{\sqrt{3}}{3}$.
    Mais comment le démontrer par le seul calcul, sans recours à la figure ?
    Bonne nuit.
    Fr. Ch.
    13/09/2017
  • À noter que la "méthode de Chaurien" permet de prouver l'euclidianité de l'anneau des entiers de $\mathbb Q[\sqrt d]$ pour $d=-1, -2, -3, -7$ et $-11$. Au-delà ça capote !
  • La méthode que j'ai rappelée (et non inventée !) ne s'applique pas à $d=-7$ ni à $d=-11$. Pour ces deux valeurs, on peut recourir à la géométrie élémentaire comme il a été dit plus haut, et considérer le rayon du cercle circonscrit au triangle isocèle dont les sommets ont pour affixes : $0,1, \frac{1+i\sqrt{-d}}{2}$. C'est ce que fait par exemple le problème d'agrégation de 1989. On peut sans doute trouver une méthode purement calculatoire.
    Sauf erreur, il s'agit des seuls anneaux d'entiers quadratiques imaginaires qui soient euclidiens pour la norme. Pas étonnant que « ça capote » ensuite...
    Cette méthode peut aussi servir à démontrer l'euclidianité de certains anneaux d'entiers quadratiques réels : $d=2, d=5$.
    Bonne soirée.
    Fr. Ch.
  • Qui parmi vous connaît par cœur la liste des $d$ pour lesquels $\Z[\sqrt{d}]$ ou $\Z[\frac{\sqrt{d}+1}2]$ est euclidien (resp. principal) ?
  • Math Coss Bonjour,
    la réponse est ici dans ce sujet :
    Sujet d'agrégation MG 1989
    Cordialement.

    [Inutile de recopier le message précédent. AD]
  • @math coss
    Quadratiques imaginaires, en termes de DISCRIMINANTS : $4 + 5$. A gauche principaux non euclidiens, à droite euclidiens :
    $$
    -163, -67, -43, -19, \qquad\qquad -11, -8, -7, -4, -3
    $$
    Fameux problème (Gauss) du dixième discriminant (qui n'existe pas) : Poitou à Bourbaki in http://www.numdam.org/article/SB_1966-1968__10__367_0.pdf

    Pour le cas réel, cf la section 4 de http://www.rzuser.uni-heidelberg.de/~hb3/publ/survey.pdf

    Et l'étonnnant résultat de Weinberger (proposition 3.1), sous GRH : pour l'anneau des entiers d'un corps de nombres, euclidien et principal c'est kif-kif SI .. (lire l'énoncé).
  • Une curiosité, ce sont les anneaux d'entiers algébriques qui sont euclidiens, mais avec un stathme qui n'est pas la norme :
    http://www.math.clemson.edu/~jimlb/CourseNotes/AbstractAlgebra/EuclideanNotNormEuclidean.pdf
  • Merci Chaurien pour ce résultat surprenant que je ne connaissais pas !
  • Personne n'a relevé l'horrible pléonasme de Chaurien, "au jour d'aujourd'hui" ? Il faut qu'on se serre les coudes, si même le meilleur d'entre nous mutile la langue de Molière, on est cuit.e.s !
  • Une notion très intéressante et encore à explorer, introduite par Cooke (1976), est la division euclidienne en 2 étapes : au lieu de réclamer que le reste diminue à chaque division (ce qui peut être une exigence démesurée), on décide d'être plus coulant en étant libre de la première division, et l'on demande seulement que le reste diminue à la deuxième division.

    Evidemment, les anneaux euclidiens usuels (= en 1 étape) sont euclidiens pour cette division en 2 étapes, et les anneaux euclidiens en 2 étapes sont principaux.

    Là où cela devient extrêmement sympathique, c'est que pour les corps réels quadratiques réels, la réciproque semble vraie !! Tous les anneaux d'entiers principaux (= de nombre de classes 1) sont euclidiens en 2 étapes, au moins pour tous les discriminants < 8000.
    voir https://arxiv.org/pdf/1106.0856.pdf.
    Cette division en 2 étapes est aussi bonne algorithmiquement que la division usuelle.

    On pourrait même imaginer construire une famille explicite et infinie de corps quadratiques réels euclidiens en 2-étapes : on obtiendrait une famille infinie de corps quadratiques réels de nombre de classe 1, ce qui, croyez-moi, ferait du bruit dans Landerneau.
  • Eh bien ! On en apprend des choses, ici !
  • @ Abitbol

    C'était un hommage volontaire à la parlure populaire (de notre peuple), avec référence littéraire (pour ainsi dire) :

    Peuple français, la Bastille est détruite,
    Et y a z'encor des cachots pour tes fils!..
    Souviens-toi des géants de quarante-huite
    Qu'étaient plus grands qu' ceuss' d'au jour d'aujourd'hui
    Car c'est toujours l' pauvre ouverrier qui trinque,
    Mêm' qu'on le fourre au violon pour un rien,
    C'était tout d' même un bien chouette métingue,
    Que le métingu' du métropolitain!
  • Voici une démonstration purement calculatoire comme je souhaitais.
    Soit $d\in \mathbb{N}$, $d\equiv 3 \pmod 4$ et soit $\omega =\frac{1+i\sqrt{d}}{2}$.
    Si $u\in \mathbb{R}$ et $v\in \mathbb{R}$, alors : $\left\vert u+v\omega \right\vert ^{2}=(u+\frac{v}{2})^{2}+v^{2}\frac{d}{4}$.
    Soit $z\in \mathbb{C}$, $z=x+y\omega $, $x\in \mathbb{R}$, $y\in \mathbb{R}$.
    Il existe $y^{\prime }\in \mathbb{Z}$ tel que : $\left\vert y^{\prime }-y\right\vert \leq \frac{1}{2}$.
    Il existe $x^{\prime }\in \mathbb{Z}$ tel que : $\left\vert x^{\prime }-(x-\frac{1}{2}(y^{\prime }-y))\right\vert \leq \frac{1}{2}$.
    Soit $z^{\prime }=x^{\prime }+y^{\prime }\omega $, qui est élément de $\mathbb {Z}[\omega]$. Alors : $z^{\prime}-z=(x^{\prime }-x)+(y^{\prime }-y)\omega $, d'où :
    $\left\vert z^{\prime }-z\right\vert ^{2}=((x^{\prime }-x)+\frac{1}{2}(y^{\prime }-y))^2+(y^{\prime }-y)^{2}\frac{d}{4}\leq \frac{4+d}{16}$.
    Pour $d=3,7,11$, il s'ensuit : $\left\vert z^{\prime }-z\right\vert ^{2} \leq \frac{15}{16}<1$.
    Ceci prouve l'euclidianité de l'anneau $\mathbb {Z}[\omega]$ pour $d=3,7,11$.
    Cette démonstration non plus je ne l'ai pas inventée, je l'ai trouvée dans : I. N. Stewart, D. O. Tall, Algebraic Number Theory, Chapman and Hall, 1979, p. 93, et juste un peu adaptée.
    La question reste posée, de prouver la formule donnant $\displaystyle \underset{z\in \mathbb{C}}{\max}d(z,\mathbb {Z}[\omega])$ par le seul calcul. On n'en a plus besoin pour l'euclidianité, mais c'est intéressant en soi. J'avais soulevé cette question de distance d'un point à un réseau, mais ça n'a pas eu beaucoup de succès, à part quelques remarques pertinentes de GBZM...
    Bon dimanche.
    Fr. Ch.
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