[HorsMath] Que se cache derrière l'élégance ?
Une démonstration est parfois qualifiée d'élégante. Qu'est-ce qui fait que celle-ci est élégante? Un angle d'attaque non conventionnel? La concision de la preuve? La clarté du raisonnement? Qu'en pensez-vous?
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Réponses
Je dirai sa brièveté, l'économie de moyens,peut-être le fait qu'elle fasse appel à des techniques différentes de celles normalement mises en jeu pour ce type de problème.
Et puis c'est comme pour les prix de beauté des parties d'échecs ,il y a du subjectif là-dedans.
Bonne journée.
Jean-Louis.
il n'y a pas forcément du subjectif, mais certainement du sens artistique
une démonstration mathématique est élégante si elle fait appel à des théorèmes simples, connus de tous, avec un raisonnement élémentaire et une concision de termes qui rendent clair le résultat
une démonstration géométrique peut faire appel aux transformations, aux vecteurs et barycentres, aux nombres complexes ou aux produits scalaires dans des repères orthonormés
avec tous ses outils la géométrie est riche et les géomètres peuvent nous sortir une démonstration élégante et qui sera jugée comme telle par tout le monde!
cordialement
``Proofs from THE BOOK'' de Aigner & Ziegler chez Springer-Verlag
(``Raisonnements Divins'' en french)
Bien qu'il soit en anglais, ce n'est pas très important pour comprendre les preuves, vu le titre !
Tout nombre premier de la forme $p=4m+1$ est somme de deux carrés, i.e. peut s'écrire $p=x^2+y^2$ avec $x,y\in\N^*$.
{ \bf Preuve :}
Cette preuve repose sur l'étude de trois involutions anodines dans des ensembles anodins, mais la mixture du tout ne reste plus si anodine... (Preuve due à Roger Health-Brown)
Soit $p$ un nombre premier.
On étudie l'ensemble $$S:= \{(x,y,z) \in \Z^3 : 4xy+z^2=p, \quad x>0, \quad y>0 \} \text{.}$$ Cet ensemble est fini car le fait que $x$ et $y$ sont strictement positifs implique que $x \leq \frac{p}{4}$ et $y \leq \frac{p}{4}$. Il n'y a donc qu'un nombre fini de valeurs possibles pour $x$ et $y$, et en se fixant deux valeurs pour $x$ et $y$, il y a au plus deux valeurs pour $z$.
{ \bf 1.} La première involution linéaire est définie par $$f:S \rightarrow S, \quad (x,y,z) \mapsto (y,x,-z) \text{.}$$ Cette application est clairement une involution (elle est sa propre inverse) et va bien de $S$ dans $S$. Aussi, $f$ n'a aucun point fixe, car si c'était le cas on aurait forcément $z=0$, ce qui est impossible car on se retrouverait avec $p=4xy$, où $p$ est premier.
De plus, $f$ envoie l'ensemble $$T:= \{(x,y,z) \in S : z>0\}$$ sur l'ensemble $S\backslash T$ (où l'on a $z0 \}$$ sur l'ensemble $S\backslash U$. On vérifie ce dernier fait en remarquant qu'il n'y a pas de solution avec $(x-y)+z=0$ car dans le cas contraire on aurait $p=4xy+z^2=4xy+(x-y)^2=(x+y)^2$, impossible car $p$ est premier.
A quoi sert cette étude de $f$ ?
On remarque que $f$ envoie les ensembles $T$ et $U$ sur leur complémentaire dans $S$, et donc que $f$ interchange les éléments de $T\backslash U$ avec ceux de $U\backslash T$. Cela veut dire qu'il y a autant de solutions dans $U$ qui ne sont pas dans $T$ que de solutions dans $T$ qui ne sont pas dans $U$; { \it les ensembles $T$ et $U$ ont le même cardinal}. ($*$)
{ \bf 2.} La deuxième involution qu'on étudie est une involution de $U$ : $$g:U \rightarrow U, \quad (x,y,z) \mapsto (x-y+z,y,2y-z) \text{.}$$ On vérifie d'abord que cette involution est bien de $U$ dans $U$ : Si $(x,y,z) \in U$, alors $x-y+z>0$, $y>0$ et $4(x-y+z)y + (2y-z)^2 = 4xy+z^2$, donc $g(x,y,z) \in S$. Un calcul simple montre $g(x,y,z) \in U$.
On montre aussi simplement que $g$ est une involution en le vérifiant par le calcul.
Finalement, $g$ n'a qu'un unique point fixe : l'égalité $$(x,y,z)=g(x,y,z)=(x-y+z,y,2y-z)$$ n'est valable que si $y=z$. Mais alors on a $p=4xy+y^2=(4x+y)y$ : valable uniquement pour $y=z=1$ et $x=\frac{p-1}{4}$.
On a donc prouvé que $g$ est une involution de $U$ ayant un unique point fixe. { \it Le cardinal de $U$ est donc impair}. ($*$)
{ \bf 3.} La troisième et dernière involution (toute conne) est : $$h:T \rightarrow T, \quad (x,y,z) \mapsto (y,x,z) \text{.}$$
On va maintenant utiliser ce qu'on a fait avant : le cardinal de $T$ est égal au cardinal de $U$, qui est impair. Mais vu que $h$ est une involution d'un ensemble fini de cardinal impair, alors { \it $h$ possède au moins un point fixe} ($*$) : il existe un point $(x,y,z) \in T$ avec $x=y$ qui est solution de $$p=4xy+z^2=4x^2+z^2=(2x)^2+z^2 \text{.} \qquad \qquad \text{cékuèfdé}$$
($*$) : Les résultats marqués en italique se justifient très bien avec un dessin efficace, c'est aussi asez intuitif. Essayez de vous auto-convaincre héhé...
{ \it PS} : Il doit forcément y avoir quelques coquilles vu qu'il se fait tard...
C'est pas ça que je trouve élégant (à moins que la démarche soit expliquée auquel cas ça l'est vraiment) ça sort trop du chapeau à mon goût (c'est raisonnement divin dans le sens" apparition" plutôt que "beauté du raisonnement"). Ca n'engage que moi !
Riri
Selon toi alors c'est quoi ``beau'' ?
voici un exemple concernant la preuve d'une caractérisation classique du concept de projecteur orthogonal qui illustre mon propos.
Soit $(E,)$ un euclidien et $p$ un projecteur sur $E$. On a :
$p$ est un projecteur orthogonal $\Longleftrightarrow$ $\forall x\in E\;\;\;\left\|p(x)\right\|\leqslant\left\|x\right\|$
le sens $(\Rightarrow)$, c'est facile à voir. C'est une conséquence de Pythagore. L'autre sens est plus intéressant.
$\bullet$ La démonstration standard consiste à raisonner par l'absurde en supposant que $p$ n'est pas orthogonal.
On part d'une autre caractérisation :
$p$ est orthogonal $\Longleftrightarrow$ $\operatorname{Ker}p\bot\operatorname{Im}p$ ($\star$)
Dans ce cas, $\operatorname{Ker}p$ n'est pas othogonal à $\operatorname{Im}p$ et on ne peut pas avoir $\operatorname{Ker}p^{\bot}\subset\operatorname{Im}p$ parce que ce sont deux espaces de même dimension et que dans ce cas ils seraient carrément égaux, ce qui entraînerait $\operatorname{Ker}p\bot\operatorname{Im}p$. En conséquence, il existe $x\neq0$ appartenant à l'orthogonal de $\operatorname{Ker}p$ tel que $x\notin\operatorname{Im}p$. De ce fait $x-p(x)\neq0$ et par suite : $\left\|x-p(x)\right\|>0$. De plus, $x-p(x)\in\operatorname{Ker}p$ (immédiat vu que $p^2=p$) et comme $x\in\operatorname{Ker}p^{\bot}$, $x-p(x)\bot x$. Du théorème de pythagore, on déduit :
$\left\|x\right\|^2=\left\|x-p(x)+p(x)\right\|^2=\left\|x-p(x)\right\|^2+\left\|p(x)\right\|^2>\left\|p(x)\right\|^2$
On en déduit que : $\left\|x\right\|>\left\|p(x)\right\|$ cqfd.
$\bullet$ Mais voici une autre preuve du sens $(\Leftarrow)$ qui est à mon sens plus élégante. On suppose $\forall x\in E\;\;\;\left\|p(x)\right\|\leqslant\left\|x\right\|$ et on va montrer que $\operatorname{Ker}p\bot\operatorname{Im}p$ ce qui permet de conclure grâce à ($\star$). Soit $x\in\operatorname{Ker}p$ et $y\in\operatorname{Im}p$ et soit aussi $\lambda\in\R$. On a :
$\left\|p(\lambda x+y)\right\|^2\leqslant \left\|\lambda x+y\right\|^2$
Or $p(\lambda x+y)=\lambda p(x)+p(y)=y$ (car $x$ est dans le noyau et $y$ étant dans l'image, c'est un point fixe)
Et par bilinéarité, on a :
$\left\|\lambda x+y\right\|^2=\lambda^2\left\|x\right\|^2+2\lambda+\left\|y\right\|^2$
On remplace dans l'inégalité et on tombe sur :
$\left\|y\right\|^2\leqslant \lambda^2\left\|x\right\|^2+2\lambda+\left\|y\right\|^2$
Autant dire que :
$0\leqslant \lambda^2\left\|x\right\|^2+2\lambda$
Et on tombe sur un trinôme en $\lambda$ qui garde un signe constant sur $\R$. Son discriminant réduit $\Delta'$ se doit d'être négatif ou nul. Cela s'écrit :
$\Delta'=^2\leqslant 0$
Il s'ensuit : $=0$ cqfd
Ce sont deux démonstrations de longueur équivalente. Dans les deux cas, elles n'utilisent pas de concepts très sophistiqués mais personnellement je trouve la seconde plus élégante précisemment parce qu'elle est plus originale et astucieuse que la première.
Petite précision, je ne dis pas que la démo dans l'exemple que j'ai proposé est formellement élégante ou belle mais je pense simplement que la "beauté" des math tiens parfois (pas toujours) à ses aspects surprenant. Je pense par exemple à l'ubiquité du nombre pi que l'on retrouve partout et parfois là où l'on ne l'attendait pas!!!... N'est ce pas aussi pour ce côté des maths qu'on parle de beauté des maths où de magie des maths??
Pour moi en général les preuves que je trouve belles sont des preuves ou on mélange théorie(au sens utilisation de grands theoremes )et technique(dans le sens utilisation de calculs),tout en maintenant un certain équilibre entre les deux.
Je ne trouve pas belle par exemple une preuve ou on accumule successivement thm1,2,..,n et puis hop le resultat.
De meme je trouve pas belle une preuve qui se résume à un long calcul aussi astucieux soit t'il.
L'autre élément à tenir en considération pour moi est aussi la forme.(Utilisation de belles lettres grec genre zeta ,etc...)
[Vassia, tu es amoureux ... :-) AD]
Gabi
<http://www.lclark.edu/~jeff/TRATH/hept.html>
[il faut activer Java dans les options du navigateur. AD]
On se place dans $\Z [ i ]$. Dire que $p$ s'écrit comme somme de 2 carrés, c'est dire qu'il n'est pas irréductible (passer par la norme $|a+ib|=|a|²+|b|²$). Donc $(p)$ n'est pas premier (rq: l'anneau des entiers de Gauss est noethérien et intègre, et même euclidien, d'où l'équivalence premier-irréductible), donc $\Z [ i ]$/$(p)$ n'est pas intègre. Or
$\frac{\Z [ i ]}{(p)} \sim \frac{\Z [ X ]}{(p,X²+1)} \sim \frac{F_p [ X ]}{(X²+1)}$
Par suite, X²+1 n'est pas irréductible dans $F_p [ X ]$ donc admet une racine, et -1 est un carré dans $F_p$.
Or, les résultats classiques sur les carrés dans $F_p$ montrent que
-1 est un carré dans $F_p \Leftrightarrow (-1)^{\frac{p²-1}{2} } =1 \Leftrightarrow p=1 [ 4 ]$
voilà, je trouve cette démo très élégante même si elle utilise des outils plus poussés ... c'est fluide, concis ... j'aime
shadow
" l'anneau des entiers de Gauss et factoriel d'où l'équivalence premier-irréductible"
merci
J'espère que ce n'était rien de confidentiel !
Aldo.
comment déterminer le nombre de polynômes de la forme $X_1^{k_1}.X_.^{k_2}....X_n^{k_n}$ avec somme des $k_i$ = k
démo du a mon prof de geo alg en maitrise (l'éminent C.S. pour les intimes)
cela revient à choisir n-1 éléments parmis n+k-1 soit (n-1,n+k-1)
en effet on peut écrire un polynome quelconque de cette forme de la façon suivante :
XXX..............X|XXX...............X|....|XXX...............X
$ k_1$ fois $ k_2$ fois $ k_n$ fois
on obtient n "paquets" de $k_i/,/,/,X$ où chaque paquet représente un $X_i^{k_i}$
on a donc : n+k-1 signes {X ou |} et on doit choisir les n-1 | qui séparent les variables
bon évidement au tableau c encore plus compréhensible mais je trouve ca particulièrement élégant
et aussi +1 pour la diagonale de cantor !!
t-mouss
les $k_i$ fois en dessous de la ligne XXX.......X|... correspondent aux nombres de X entre chaque barre (d'où n-1 barres)
t-mouss
Comment déterminer le nombre de polynômes de la forme $ X_1^{k_1}.X_2^{k_2}\ldots X_n^{k_n}$ avec $\sum_i k_i = k$
Démo dû a mon prof de géo-alg en maîtrise (l'éminent C.S. pour les intimes).
Cela revient à choisir $n-1$ éléments parmis $n+k-1$ soit $\displaystyle{C_{n-1}^{n+k-1}}$.
En effet on peut écrire un polynôme quelconque de cette forme de la façon suivante :
$$\begin{array}{ccccccc}
\underbrace{XXX\ldots X}&|&\underbrace{XXX\ldots X}&|&\ldots&|&\underbrace{XXX\ldots X} \\
k_1\ {\rm fois} & & k_2\ {\rm fois}& & & & k_n\ {\rm fois}
\end{array}$$
On obtient $n$ "paquets" de $ k_i$ signes $X$ où chaque paquet représente un $ X_i^{k_i}$
On a donc : $n+k-1$ signes $X$ ou $|$ et on doit choisir les $n-1$ signes $|$ qui séparent les variables.
Bon évidement au tableau c'est encore plus compréhensible mais je trouve ça particulièrement élégant.
Et aussi +1 pour la diagonale de Cantor !!
t-mouss
par contre lorsque je regarde le code source je ne vois que l'ancien (le mauvais) et je n'arrive pas à accéder à celui que tu as corrigé....
c pas grave c'était juste pour perfectionner un peu mon latex
t-mouss
[Si tu es sous InternetExplorer : mets la souris sur une image LaTeX, et son code apparait en bulle.
Si tu es sous FireFox : tu peux selectionner et copier, dans la souris, puis coller dans un éditeur, le code LaTeX est copié à la place de l'image. AD]
Donc je relancerai la fenêtre dans IE....
t-mouss
Un souvenir de 4 ème ..( en ..1948-49)
J'ai été impressionné par la preuve suivante du fait que les hauteurs d'un triangle ABC sont concourantes :
Par chaque sommet du triangle on mène les parallèles au coté opposé ; elles forment un nouveau triangle A'B'C'
les hauteurs du triangle ABC sont les médiatrices du triangle A'B'C'..
Oump.
C'est vrai que la géométrie en 4° est vraiment une période très sympa, toutes ces preuves de la géométrie du plan sont vraiment très jolies (jusqu'au jour où votre prof de spé annonce; "application des nombres complexes au théorème de Pascal", moment où la géométrie du plan devient maplesque...)
t-mouss
Pour la définition du beau il y a toujours :"Le beau est la splendeur du vrai" de Platon.
A part ça, je partage assez ton avis dont voici quelques extraits :
...voir comment "ça marche en vrai"...démarche claire et naturelle...montre concrètement ...l'élégance se retrouve un peu dans la pédagogie...si on comprenait pourquoi l'auteur a fait ça puis ça... .
C'est vrai qu'aujourd'hui on a trop tendance à dire : "voici un théorème et puis voici sa démonstration, que voulez-vous de plus puisque la démonstration montre qu'il est vrai". On pourrait pourtant répondre que l'on voudrait une démonstration qui montre aussi d'où il vient, juste quelques lignes ça ferait déjà plaisir. C'est vrai que tous les faits mathématiques ont leur propre origine et que taire ces origines c'est aussi rendre les mathématiques moins attrayantes. Mais qui sait, c'est peut-être voulu, consciemment ou non.
Amicalement
Rudy
Corentin ; "il y a une élégance absolue mais qui est subjective" dans une copie de philo faut oser lol
Le beau n'est pas simplement le plaisir dans les yeux de celui qui regarde ?
styx