Yusuf Al-Mu'taman

Rendre à César ce qui lui revient
Le théorème de Ceva n'est pas de lui mais de Yusuf Al-Mu'taman, géomètre et roi de Saragosse
Celui-ci le démontre dans son livre de perfection écrit près de 400 ans avant Ceva

Réponses

  • Bonjour,

    Ayant vécu dans des pays différents, j'ai été bien surpris d'apprendre que, dans la plupart des pays, c'est un de leur compatriote qui a inventé tel ou tel truc. En France, le cinéma pour les frères Lumière (ce qui est historiquement et factuellement faux, mais qui s'en préoccupe en France ?), mais en Allemagne, c'est untel ; pareil pour pratiquement tout. Des pâtes inventées par les Chinois, les Italiens, les Américains, ou la pizza inventée en amérique (c'est certainement vrai, mais qui le croit en Italie ?) et sans doute j'en oublie. J'ai donc appris que chaque pays à son César.
  • bonjour
    mais Yves M
    J'invente rien
    http://gilles.dubois10.free.fr/geometrie_affine/theoceva.html
    ils disent redécouvert en 1995
  • Bonjour Fluorhydrique.

    penses-tu que Ceva a copié sur Yusuf Al-Mu'taman ?
    Car à priori, l'attribution d'un nom à un théorème n'est pas une indication de priorité de la découverte, c'est seulement une méthode pratique pour en parler.

    Cordialement.
  • Cela n'a rien d'étonnant. Dans 10 ans on apprendra que ce théorème était connu des Chinois 1000 ans plus tôt. B-)-
    En mathématiques je ne suis pas sûr qu'on a toujours été très partageurs. On gardait soigneusement pour soi voire pour un petit groupe de suiveurs ses découvertes. Rien de mieux pour qu'elles tombent dans l'oubli avant d'être redécouvertes éventuellement plus tard.
  • bonjour FDP & Gerard
    penses-tu que Ceva a copié sur Yusuf Al-Mu'taman ?

    non évidemment (qui suis-je moi pour dire ou penser ça?)

    j'ai aussi ouvert ce sujet pour évoquer ce roi et son mystérieux bouquin que je ne lirai jamais car je ne suis pas en mesure d'en avoir le temps - ni le temps d'apprendre la langue sur laquelle il est rédigé
  • Bonsoir Fluorhydrique,
    Et il n'y a pas que lui qui soit oublié !
    Un ami pakistanais m'a récemment fait part d'un mail qu'il avait envoyé à d'autres de ses correspondants, concernant certains mathématiciens musulmans "précurseurs plagiés" et je ne résiste pas à l'envie de te le communiquer, en te priant d'excuser son français malhabile :


    Le mathématicien Al-Khujandi (m. 1000) avait prouvé que la somme de deux cubes ne peut être égale à un cube [Ifrah, Britannica]. Cependant, l'affirmation qu'il n'y a pas de solutions rationnelles à: a(cube) + b(cube) = c(cube) est maintenant connue comme un cas spécifique du dernier théorème de Fermat (m. 1665). Pourquoi on n'a pas retenu le nom du précurseur et gardé le nom de Fermat? On me répond que Fermat a généralisé cette théorème et ça c'est plus important. OK, je comprends et suis d'accord.

    Maintenant, Pythagore avait démontré: a(carré) + b(carré) = c(carré). Plus tard, Al-Kashi (m. ca. 1430) a établi: a(carré) + b(carré) - 2ab cos x = c(carré). Pour un angle x=90°, cos x = 0 et on retrouve le théorème de Pythagore. Mon contentieux/ma critique est que, suivant la logique du premier paragraphe, pourquoi ne retient-on pas ici le nom de celui qui a généralisé le théorème?

    Quel est le problème de logique dans cette argumentation? Alors, une des réponses est que dès le 17ème siècle, les européens (l'Amérique était encore barbare) se sont appropriés énormément des découvertes des musulmans. Je dois souligner ici que c'est seulement en France que l'on enseigne le théorème d'Al-Kashi avec son nom.

    Puisque l'on parle, pour étayer mes propos, voici encore qq exemples.

    Il y a encore une siècle, on croyait que les fractions décimales avaient été introduites par le mathématicien belge Simon Stevin (m. 1620). Au début du 20ème siècle on a découvert les travaux d'Al-Kashi (le même) dans ce domaine. Cependant, il y une quarantaine d'année on a démontré que c'est l'oeuvre d'Al-Uqlidisi, rédigée à Damas vers 952, qui prime sur tous les travaux. C'est donc lui qui a introduit le concept des fractions décimales.

    Al-Qahhar Al-Baghdadi (m. 1037) montre que 945 est le plus petit nombre abondant impair - un résultat que l'on attribue au mathématicien français Claude Bachet (m. 1638). [Histoire des Mathématiques]

    Le livre Liber Abbaci de Léonard Fibonacci de Pise, datant de 1202, doit beaucoup directement ou indirectement aux travaux d'Al-Karaji (m. ca. 1024) [Pareja]. Pareja est gentil, selon moi, c'est du plagiat.

    Ibn Haitham (m. 1039), latinisé comme Alhazen, considéré comme le père de l'optique moderne (il y a son vitrail dans la ruelle derrière l'opticien Moschenmoser à Strasbourg) est connu en mathématique pour son Problème d'Alhazen dans lequel il a résolu une équation du quatrième degré grâce à une hyperbole. Maintenant cette méthode de résolution de problèmes utilisant les congruences s'appelle le théorème de Wilson d'après le mathématicien anglais John Wilson (m. 1793). [Britannica, Hunke]

    Le mathématicien Samawal Al-Maghribi (m. 1180). Sa méthode de calcul des racines des équations est maintenant connue comme la méthode de Horner (William Horner, mathématicien britannique, m. 1837) pour le développement du binôme (a + y) puissance n. [Britannica]

    Shrafuddin At-Tusi (m. 1213) a élaboré une méthode pour le calcul des racines positives des équations. Cette méthode, identique à celle proposée par François Viète en France au 16ème siècle, est maintenant appelée méthode de Ruffini-Horner pour le calcul de la racine d'une équation cubique. [Britannica]

    Le mathématicien Kamaluddin Al-Farisi (m. 1320) donne les paires de nombres amicaux: "220, 284" et "17296, 18416". Ce dernier couple est maintenant connu comme celui d'Euler, mathématicien suisse du 18ème siècle. [Histoire des Mathématiques]

    Al-Kashi (encore lui) a décrit une méthode numérique, maintenant connu sous le nom d' "itération à point fixe" pour résoudre une équation cubique avec sinus 1° comme racine. [Britannica]


    Mes références
    1) Encyclopaedia Britannica;
    2) Histoire des Mathématiques, Ecole des Mathématiques et Statistiques, Université St Andrews, Ecosse;
    3) Histoire universelle des chiffre. George Ifrah.
    voir aussi l'Histoire des sciences par George Sarton.



    Et voici ce que je lui ai répondu
    :Je te remercie vivement de m'avoir fait part de ta conversation et de ta contribution au sujet des mathématiciens arabes et persans ... C'est effectivement tout un ensemble de connaissances très pointues dans bon nombre de domaines, que les scientifiques musulmans ont amassées et qu'ils n'ont pas su/pu transmettre aux générations suivantes ...
    Mais personnellement, je ne parlerais pas de plagiat, car je ne pense pas qu'en dehors des oeuvres des savants et philosophes maghrébins et andalous, comme Avicenne ou Averroès, les travaux des savants musulmans étaient connus des savants européens qui les ont redécouverts ... C'est un point qu'il faudrait creuser, je pense, pour se faire une idée juste sur cette question.
    J'oserais volontiers un parallèle, peut-être iconoclaste, entre ce qui a pu se produire en Islam (mais à quelle époque précise ? peut-être vers 1300 ou 1400, si j'en crois les dates de vie que tu indiques pour les mathématiciens que tu cites ...) et ce qui s'est passé en France dans l'Education Nationale ces trente dernières années, où au nom de théories pseudo-pédagogiques, et je devrais plutôt dire d'élucubrations insanes, on a systématiquement bousillé l'école, au point de produire toute une génération d'analphabètes, avec la méthode de "lecture globale", et d'incapables en calcul, avec la théorie des ensembles enseignée dans le primaire par des enseignants qui eux-mêmes, en majorité, n'y comprenaient sans doute pas grand-chose ! Je me demande si, à un certain moment, les savants musulmans n'ont pas été mis sous l'éteignoir par des théologiens qui voyaient dans les découvertes scientifiques de ceux-là une remise en question des dogmes ... Un peu comme l'Eglise catholique avec Galilée ...
    Mais non, suis-je bête, j'oubliais une chose essentielle : les invasions mongoles et leurs dévastations, desquelles la civilisation musulmane de Mésopotamie et de Perse n'a jamais pu se remettre ! Je pense qu'elles donnent un début de réponse à la première interrogation de Guy ... Mais peut-être, après tout, ces invasions ont-elles été instrumentalisées après coup par les théologiens, pour tuer dans l'oeuf toute tentative de régénération des sciences indo-arabo-persanes en brodant sur le thème bien connu du châtiment divin pour les écarts par rapport à la "bonne" tradition ? Vaste sujet, s'il en est ... avec beaucoup de résonances actuelles ...

    et pour préciser ma pensée, quelques jours plus tard :
    Pour revenir sur ce mot, trop fort à mon sens, de plagiat, ce que je voulais dire, c'est qu'il peut très bien se faire qu'une même chose ait été découverte à deux ou même trois reprises, de façon totalement indépendante, par des personnes éloignées les unes des autres dans le temps comme dans l'espace, dont les dernières venues ne pouvaient vraiment avoir aucune connaissance des travaux et des résultats des premières ... Par exemple, les fractions décimales : que savait Stevin, en 1620, des travaux d'Al Kashi et d'Al Uqlidisi dans ce domaine, plus de 6 siècles auparavant ? S'il avait été français, il aurait, avec un énorme "peut-être", pu en avoir connaissance de par les relations franco-ottomanes établies un siècle plus tôt et qui se continuait vaille que vaille sous Richelieu, mais étant Belge, donc sujet de sa Majesté ultra-catholique le roi d'Espagne, il n'avait absolument aucune chance d'avoir quelque connaissance que ce soit d'un traité de mathématiques musulman, sauf à se le procurer sous le manteau chez un antiquaire crypto-juif de Bruxelles, de Liège ou d'Anvers, avec tous les risques d'ennuis de la part de l'Inquisition que cela comportait. Il est donc très hautement probable que sa découverte ait été tout à fait indépendante de celle de ses prédécesseurs arabes. Pour ma part, je n'y peux voir aucun plagiat.
    Mais maintenant, là où je suis d'accord avec toi pour m'élever là-contre, c'est si on continue encore actuellement, malgré les redécouvertes, au début du 20ème siècle donc, des travaux de ces deux mathématiciens arabes, à attribuer la première antériorité des fractions décimales à ce Simon Stevin (dont c'est la toute première fois que j'entends parler !). A mes yeux, il peut y avoir paternité partagée, dans deux aires culturelles distinctes sans connexion avérée entre elles, mais il ne saurait y avoir antériorité partagée, ceci tombe sous le sens! A la rigueur, j'admets qu'on peut en parler entre Al Kashi et Al Uqlidisi, vu qu'ils sont quasi contemporains l'un de l'autre, mais c'est bien le plus que je puis !

    En espérant que tu auras trouvé ces éléments de discussion suffisamment intéressants pour les lire jusqu'au bout ...
    Bien cordialement
  • J’ai l’impression que tout le monde cherche à tirer la couverture à soi : les musulmans veulent prouver que tout a déjà été trouvé par des musulmans, les Français par des Français, les Allemands par des Allemands, les Anglais par des Anglais, etc.
    Algebraic symbols are used when you do not know what you are talking about.
            -- Schnoebelen, Philippe
  • Bonjour, Nicolas Patrois, et tous,
    C'est un peu vrai, ce que tu dis, et très humain, en plus, dans un contexte où chacun tente de revaloriser sa propre communauté, du point de vue tant intérieur qu'extérieur.
    Ne serait-il pas plus constructif de reconnaître que chaque communauté a apporté sa propre pierre à l'histoire des mathématiques ?
    Pour en revenir au problème Al Mu'taman - Ceva, je ne peux pas imaginer que ce dernier ait pu avoir ne serait-ce qu'un soupçon de connaissance de l'oeuvre de son prédécesseur de Saragosse (si tant est qu'elle existe, car le lien donné par Fluorhydrique me semble bien succinct), étant donné que la Reconquista et l'Inquisition était passées par là ...
    Je vais essayer de trouver plus d'infos à ce sujet ...
    Bien cordialement
  • Il y a un théorème de Napoléon. Qui n'est pas de lui (il se serait appelé théorème de Bonaparte). Par analogie, on peut se demander si les théorèmes du roi de Saragosse sont bien de lui... ou d'un membre de l'Académie des Sciences de Saragosse... ou si le Maimonide n'aurait pas, post mortem, attribué le Kitab al-Istikmal au roi de Saragosse pour faire plus sérieux encore. De toutes façons, tous les théorèmes importants ont été découverts par des mathématiciens russes (sources: Editions de Moscou).

    Cordialement, Pierre.
  • C’est pour ça que je me méfie de revendications d’antériorité venant de quelqu’un qui y a un intérêt cocardier.
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            -- Schnoebelen, Philippe
  • Plus généralement, dans l'histoire des sciences, on peut pratiquement poser en règle qu'une loi ne porte pas le nom de son découvreur. Outre le biais cocardier, il est difficile de casser une tradition quand le développement de l'épistémologie met à jour l'existence d'un précurseur... jusqu'à ce qu'on en découvre plus tard un autre encore, antérieur.
    C'est plus facile, mais non garanti, pour des découvertes contemporaines. Le boson de Higgs est devenu boson BEH. En mettant toutefois de côté deux autres découvreurs ! Mais la loi de Benford ne s'appelle toujours pas, chez nous, loi de Newcomb.ou de Newcomb-Benford.
  • Ça ne veut même pas dire que la revendication cocardière est nécessairement fausse.
    Si on regarde bien, on peut trouver que beaucoup d’auteurs ont inventé avant les autres, il suffit de creuser, d’interpréter et de déformer avec un peu de mauvaise foi. Bien souvent, ce n’est pas de la mauvaise foi, seulement de l’anachronisme.
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            -- Schnoebelen, Philippe
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