Gödel et le forcing
Se trouve à cette adresse une lettre fort interessante de Gödel à Von Neuman: https://rjlipton.wordpress.com/the-gdel-letter/
Ce qui m'intrigue, c'est l'un des commentaires, qui affirme que Gödel aurait découvert le forcing plusieurs décennies avant Cohen: je n'en avait jamais entendu parler.
Une autre question que je me pose, c'est, est-ce que Gödel a utilisé le forcing et si non pourquoi?
Ce qui m'intrigue, c'est l'un des commentaires, qui affirme que Gödel aurait découvert le forcing plusieurs décennies avant Cohen: je n'en avait jamais entendu parler.
Une autre question que je me pose, c'est, est-ce que Gödel a utilisé le forcing et si non pourquoi?
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Réponses
en attendant des réponses, peut-être pourrais-tu nous expliquer ce qu'est le forcing ?
S
@samok: soit $M$ un ensemble transitif, dénombrable, bien fondé tel que $(M,\in_{|M})$ est un modèle de ZF(C). Soit, dans $M$ un couple $B:=(e,r)$ qui soit une algèbre de Boole complète (du point de vue de $M$). Je tape les quelques lignes qui suivent du point de vue de $M$. Etant donné des ensembles $a,b$, on note $val(a\in b)$ (ce n'est qu'une notation suggestive, le $\in$ mis entre les deux doit êrte vu comme une virgule) la borne sup dans $B$ de l'ensemble $\{x\in e\mid (a,x)\in b\}$. Pour tout énoncé A (à paramètre), écrits avec implique et $\forall$, on définit naturellement $val(A)$ comme suit:
1) si A est de la forme B=>C alors val(A):=[val(B)=>val(C)] où le => rouge est celui de $B$
2) si $A$ est $\forall xS(x)$ alors $val(A):=$ la borne inf dans $B$ des $val(S(u))$ quand $u$ parcourt $M$
Je sors maintenant de $M$. Soit $G$ un ultrafiltre générique** sur $B$. Soit $\sigma$ de domaine $M$ telle que pour tout $x\in M: \sigma(x):=\{\sigma(y)\mid val(x\in y)\in G\}$
L'ensemble image directe de $M$ par $\sigma$ est un modèle de ZF(C) (pour la relation $\in$). Il est souvent noté $M[G]$. De plus, pour tout énoncé $A$, tu as $val(A)\in G\iff M[G]\models A$
Si tu choisis $B$ astucieusement, tu peux obtenir des $M[G]$ qui vérifient des tas de choses que $M$ ne vérifiait pas. Par exemple, en prenant (dans $M$) un cardinal assez grand $k$ et $B$ l'algèbre de Boole des intérieurs de fermés de l'espace $\Q^k$, tu as $M[G]\models non(HC)$ (C'est un exercice assez routinier une fois qu'on sait ce que j'ai écrit au dessus, mais P.Cohen a eu la médaille field pour avoir eu l'idée d'écrire ces 20 lignes ci-dessus)
Crois-moi que si Gödel avait la même idée, il ne lui aurait pas été difficile de rédiger un produit académique nickel et le le crier sur tous les toits (vu comment il a été capable de méduser l'académie des sciences en formalisant "je ne suis pas prouvable", s'il avait eu l'idée du forcing, il n'aurait fait qu'une bouchée du secrétariat consistant à diluer un peu et rédiger ça en 20 pages qui tuent sa race)
Cela dit, je ne suis pas historien. Il était un peu secoué par diverses névroses (comme tous les logiciens: ça rince le cerveau), s'il a trouvé le forcing après qu'il fut trop atteint par la maladie, c'estpossible.
[small]** C'est un morphisme de $B$ dans l'algèbre de Boole canonique à deux éléments vrai, faux tel que pour toute famille dans $M$ $f$ d'éléments de $B$, si $\forall i\in dom(f): G(f(i))= vrai$ alors $G(inf(f)) = vrai$[/small]
Puisqu'il semblerait que cela tienne en une vingtaine de lignes.
J'aimerais une autre version parce que je ne t'aime plus et du coup je ne te lis plus.
S
** j'adore ce rébus, ça énerve beaucoup les matheux non logiciens
@samok: ravi d'apprendre que tu m'aimais avant! Je ne m'en étais pas aperçu.
(Non, promis, c'est pas pour te faire ch..., c'est juste par curiosité, pour voir si tu en es capable).
Suis-je agréable là ?
S
Ce que j'ai écrit en 20 lignes, c'est l'idée inspirée (certes, complète et formelle) qui permet de démontrer de manière routinière le truc en ... 20 à 40 pages :-D
Mais sais-tu démontrer que tu existes ?
S
Soit j'existe, tant mieux
Soit je n'existe pas, à ce moment-là ma théorie (c'est-à-dire la multiplicité formée de toutes les conneries que je raconte sur ce forum) est contradictoire, donc elle peut démontrer n'importe quoi, y compris que j'existe.
Donc effectivement, dans tous les cas je sais démontrer que j'existe.
Et je sais aussi démontrer que Dieu n'existe pas, mais ça c'est pas difficile il suffit de recopier un autre post récent de Christophe.
Mais même si Gödel ne l'a pas découvert, quelqu'un a-il une idée de pourquoi il n'a pas utilisé le forcing alors qu'il était encore vivant (et à ma connaissance encore sain d'esprit) au moment de sa découverte et même aprés?
Pour Samok, en peu de mots et pas formel du tout: tout modèle de ZF contient des "noms" pour des objets qu'il ne "voit" pas, mais pas de quoi "interpréter" ces noms. Le forcing consiste à rajouter un "oracle" (qui vit en-dehors dudit modèle) dont l'interprétation des noms va "rajouter" tout plein d'ensembles qui à l'origine vivaient "en dehors" du modèle de base. Et ce qui est ravissant, c'est que ça ne rajoute pas des ensemble à la va-comme-je-te-pousse, mais de façon "cohérente" car ce qu'on obtient à la fin est encore un modèle de ZF.
Ceci dit je ne sais pas si je fais bien de "vulgariser" car c'est rarement satisfaisant et souvent trop approximatif. Il se trouve sur le net un pdf intitulé "forcing for dummies" qui n'est pas mal fait (mais qui reste de la vulgarisation), et aussi des bouquins de théorie des ensembles (Krivine, Kunen, Jech) qui traitent du sujet.
cela a l'air bien mystérieux, merci d'avoir tenté la vulgarisation. Un jour je poursuivrai ma lecture du Krivine (Théorie des ensembles).
S
Et si un historien venait à passer par là, il y a toujours des questions en suspens...
Pourquoi n'expliques-tu pas sur un exemple simple (ou si ça n'existe pas, un compliqué, mais en essayant de rester intuitif, i.e. pas (trop) de termes techniques de logique) ce qu'est le forcing, ou pourquoi c'est une méthode qui est intéressante à comprendre ?
De mon côté j'avais entendu une autre version, selon laquelle, quand Gödel a lu la thèse de Cohen il aurait dit un truc du genre : "Oh mais ça il y a longtemps que je sais le faire, mais seulement pour l'axiome du choix !"
Evidemment on lui a demandé pourquoi il n'avait pas publié ses résultats, il a répondu que ce qui l'intéressait c'était l'hypothèse du continu, et qu'il attendait d'avoir éclairci ce mystère pour tout publier d'un coup.
Ce truc semble assez incroyable, d'autant plus qu'il est beaucoup plus "facile" de démontrer l'indépendance de HC que celle de AC.
Si quelqu'un a des infos plus précises sur cet aspect historique des choses, je suis preneur.
Reuns, j'exagère à peine en disant que c'est comme si je demandais que l'on m'explique la preuve du dernier théorème de Fermat avec le moins d'algèbre possible. Le forcing est une méthode de logique mathématique, qui sert à étudier des questions dont l'enjeu ne dépasse à ma connaissance pas le cadre de la logique mathématique, et qui touche à certains points de logique assez subtils. Pour en avoir une compréhension de base, il faut connaitre un peu de logique et pour en avoir une compréhension à peu prés exacte (je ne parle pas de l'utiliser), il faut être passé par les chemins de la logique formelle auparavant.
Cela dit, as-tu lu ma réponse à Samok?
Ceci dit il y a des choses fort intéressantes dans la préface de "Set theory and the Continuum Hypothesis" de Paul J. Cohen, édition 2008. Le texte s'intitule "My interaction with Kurt Gödel : The man and his work". En particulier Cohen y explique qu'au début il a eu un peu de mal à comprendre les travaux de Gödel... détail que je trouve assez croustillant (que dire alors de nous, pauvres mortels ?)
Pourquoi alors Peter Tennenbaum prétend que Gödel avait découvert le forcing depuis longtemps? Peut-être fait-il référence à cette histoire d'AC (qui serait, d'aprés Cohen, une confusion dans la petite tête du grand Kurt), mais, sans vouloir être médisant, à lire ses commentaires j'ai surtout l'impression qu'il voue une vénération irrationnelle au grand homme.
Une autre anecdote croustillante me revient, celle-là nous avait été racontée par Gabriel Sabbagh, qui à l'époque nous faisait le cours de théorie des modèles / théorie des ensembles : étant effectivement ultraplatonicien, Gödel était intimement convaincu qu'il existait un axiome de grand cardinal qui permette de régler le problème du continu (ce qui aurait effectivement permis de dire voilà : les choses se passent comme ci dans l'univers réel, et point barre). Bien sûr on a démontré depuis qu'un tel axiome n'existe pas, mais cela n'a pas empêché, pendant quelques années, une course aux grands cardinaux.
Sabbagh dixit, toutes les semaines il y avait un nouvel axiome de grand cardinal qui apparaissait sur les écrans radar, plus balèze que ses prédécesseurs... jusqu'au jour où Kenneth Kunen a montré le bout de son nez en criant bien fort : "Attendez les gars, il y a un souci. Je veux bien qu'il existe un cardinal Reinhardt, mais alors 0=1 !"
De toute façon ma question et sa réponse sont visibles à l'adresse indiquée.
Par contre j'aime beaucoup la version anglo-saxonne de ton pseudo.