Petite question sur la théorie des ensembles

Finalement ce qui m'étonne le plus dans la théorie des ensembles, ce n'est pas l'axiome du choix (qui fait des bizarreries, peut-être plus qu'avec l'axiome de l'infini seul, certes, mais pour moi à la base, c'est avec l'axiome de l'infini qu'elles commencent, bref), mais une particularité, dont j'aimerais avoir votre avis.

En effet, on admet implicitement dans la théorie des ensembles (puisqu'on ne l'interdit pas) qu'un ensemble puisse être à la fois un élément et une partie d'un autre ensemble. Par exemple, $2= \{ \emptyset, \{ \emptyset \} \}$, donc $\{ \emptyset \} \in 2$ et $\{ \emptyset \} \subset 2$. (ou plus simplement $ \emptyset \in 1$ et $ \emptyset \subset 1 =\{ \emptyset \} )$. Cela permet effectivement de construire les ordinaux ( $x^+=x \cup \{x \}$). Avec cette option, un ensemble peut appartenir à lui-même (bizarre).

Mes questions sont :
- historiquement, s'est-on posé la question de savoir si on admettait ou non cette possibilité, ou bien elle a toujours semblé naturelle ?
- que serait la théorie des ensembles si cette possibilité était interdite ?

Merci d'avance.
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Réponses

  • Bonjour Julia,

    Vous devriez jeter un oeil à l'axiome de Fondation (qui implique qu'un ensemble ne puisse s'appartenir). Sinon, en considérant l'appartnance pour ce qu'elle est (une relation binaire), que l'on peut représenter comme un graphe orienté, l'idée d'une boucle, n'est pas "absurde"
  • Question de débutant que je suis :
    Tu dis « un ensemble peut appartenir à lui même ».
    Je loupe quelque chose mais je n’ai pas vu un tel ensemble dans ton message (même le vide n’appartient pas au vide, si ?).
  • Non le vide n'appartient pas au vide (puisque rien ne lui appartient)
  • @JP : un ordinal est un ensemble bien ordonné $(\alpha,\,\leqslant_{\alpha})$ vérifiant l’énoncé suivant :\[(\forall\,\beta)(\beta\in\alpha\Rightarrow\beta=\mbox{seg}_{\alpha}(\beta))\]D'une manière générale et sans l'axiome de fondation, rien n'interdit a priori d'avoir $x\in{}x$ pour un certain ensemble $x$ (que l'on n'a jamais rencontré).

    Toutefois, pour les ordinaux, les choses changent totalement, puisque, si l'on avait $\alpha\in\alpha$ pour un certain ordinal $\alpha$, l'on aurait par définition $\alpha=\mbox{seg}_{\alpha}(\alpha)$, soit $\alpha<\alpha$ (i.e. $\alpha\not\in\alpha$), ce qui nous conduirait à une contradiction.
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • Pour les ordinaux, je sais que ce n'est pas possible d'avoir $\alpha \in \alpha$. Mais donc, c'est général (je ne connaissais pas l'axiome de fondation, je vais y jeter un coup d'oeil).

    Sinon, concernant mon message initial, il n'a jamais été envisagé d'écarter la possibilité qu'un ensemble puisse être à la fois élément et partie d'un ensemble plus grand ?
  • Je le répète, sans l'axiome de fondation, l'on ne peut pas se prononcer avec certitude ; donc ce n'est pas général sans cet axiome. Avec cet axiome, l'on ajoute une contrainte à la relation $\in$ de manière à avoir $x\not\in{}x$ quelque que soit $x$ de type ensemble.

    Puisque tu y es, regarde ce qu'est une relation bien-fondée.
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • Julia Paule a écrit:
    il n'a jamais été envisagé d'écarter la possibilité qu'un ensemble puisse être à la fois élément et partie d'un ensemble plus grand ?

    Je ne comprends pas la question, tu donnes un exemple concret avec la partie et élément $\{\emptyset\}$ de $2$, ça te semble si problématique que ça ?
  • @Julia Paule: la théorie des ensembles (ou plutôt disons: celle qui est de très loin la plus utilisée: ZF car il doit y avoir une trentaine de théories des ensembles différentes) est une théorie construite sur la logique du premier ordre, ce qui veut dire que tous les objets envisagés (et sur lesquels on peut quantifier: "$\forall x:F(x)$" voulant dire "tout objet $x$ possède la propriété $F$") sont "de même nature", en l'espèce des ensembles.
    En théorie des ensembles il n'y a que des ensembles.
    Les fonctions sont des ensembles; les nombres sont des ensembles, etc.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • je ne connaissais pas l'axiome de fondation
    Vous pouvez voir aussi l'axiome d'anti-fondation et les travaux qui l'entourent (ce qui montre que ce n'est pas si bizarre que cela)
  • Bonjour,

    "ce n'est pas l'axiome du choix (qui fait des bizarreries, peut-être plus qu'avec l'axiome de l'infini seul, certes, mais pour moi à la base, c'est avec l'axiome de l'infini qu'elles commencent"

    Je partage largement ce point de vue.

    Autrement, peut-être qu'un des points à mettre en avant ici est un élément en rapport d'ailleurs avec ce dont parle Foys, à savoir que la théorie des ensembles n'est pas réellement la théorie des ensembles... On accorde à (ou aux plutôt) théorie des ensembles un statut particulier mais tout cela repose sur un jeu de langage et un engagement philosophique plutôt qu'autre chose.
    En clair, la théorie des ensembles est une théorie comme les autres du premier ordre (celle des groupes, des corps, etc.) et devrait, par analogie, s'appeler la "théorie des univers". En effet, la théorie des groupes s'appelle ainsi, par exemple, parce qu'elle traite du comportement de certains "ensembles" qu'on va pouvoir appeler groupes (et elle ne s'appelle pas théorie des éléments des groupes...).
    De la même façon, la "théorie des ensembles" ne fait que traiter du comportement de certains "ensembles" (et c'est là que commence les problèmes de langage) qu'on appelle "univers".

    L'idée que les univers et leurs éléments se comportent de la façon dont nous voudrions que les "ensembles" de "tous les jours" se comportent repose sur un parti pris, une posture philosophique. Cavaillès avait beaucoup travaillé sur ce point notamment.
    Ainsi les éléments des univers dont traite la théorie des ensembles devraient s'appeler précisément "ensemble-objet" (par exemple) (ou truc...) et non "ensemble". De même le symbole $\in$ devrait être appelé "appartenance-objet" (ou relation "muche", par exemple).
    Du coup, la correspondance totale entre "théorie des ensembles" (ou plutôt "théorie des univers") et notre monde mathématique est purement philosophique (il existe évidemment des correspondances sous la forme de certaines transformations de formules du premier ordre relatives à la théorie des univers en formules de notre monde mathématique); en particulier, comme d'ailleurs cela l'a été souligné dans d'autres posts, la non-cohérence de n'importe quelle théorie des univers n'impliquerait en rien la non-cohérence des mathématiques. Mais cela permettrait éventuellement de dégager la base d'une éventuelle preuve à notre niveau.

    Bref, tout cela pour dire, que le formalisme retenu par la théorie des univers est propre aux univers et doit être étudié comme on étudie tout autre théorie. Dans ces conditions, le fait qu'un "truc" puisse ou non être en relation "muche" avec ce même "truc" est une simple question qu'on peut poser à une théorie des univers donnée: soit cette théorie des univers (par exemple ZF) répond que tout "truc" est toujours (resp. n'est jamais) en relation muche avec ce même "truc" (et dans ce cas, on a un théorème), soit on peut décider d'ajouter un axiome pour créer une théorie des univers augmentée. C'est totalement et strictement identique (et c'est vraiment ce point qui est important à noter) à se demander si un groupe est toujours commutatif, et une fois le constat que non, décider de développer la théorie des groupes commutatifs et celle des groupes non-commutatifs si besoin.

    @l
  • @l : bonjour. N'est-ce pas, pour ainsi dire, le point de vue adopté par Monsieur Jean-Louis Krivine ?
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • @Thierry Poma: oui, tout à fait, entre autres. Ce que j'explique n'est évidemment pas original mais permet d'éviter pas mal de problèmes quand on aborde la théorie des ensembles.
    En particulier, cela permet de comprendre de façon beaucoup plus "détendue" et "simple" l'idée que ZF ne puisse "prouver sa consistance". En fait, on montre au final que ZF prouve qu'un ZF-objet recréé dans un univers, avec une correspondance-"objet" de ce que ce signifie la cohérence, ne peut du coup prouver (selon cette définition de "prouver") sa cohérence. Bref, tout ça devient non plus un "monstre" conceptuel où on serait en train de faire des raisonnements réflexifs sur notre propre monde mathématique, mais un "simple" montage (complexe quand même...) équivalent à des preuves complexes de théorie des groupes (par exemple).
    Ce qui pose systématiquement des problèmes en théorie des ensemble, c'est quand on joue trop à vouloir faire de la théorie des univers un support de réflexions philosophiques sur notre monde mathématique.
    Les débats philosophiques, et les tentatives de correspondance entre la théorie des univers et "notre monde", sont intéressants (évidemment) mais dans un second temps, je pense.

    Et on gagne beaucoup à être précis sur les dénominations des objets; j'avais fait un post il y a longtemps sur ce point, où j'avais justement détaillé cette question, en utilisant (à la suite de Krivine entre autres) la notation $\lceil ... \rceil$ pour les objets d'un univers (comme par exemple utiliser $\lceil \in \rceil$ pour le symbole de relation binaire utilisé en théorie des univers) (et ensuite $\lceil... \lceil ... \rceil... \rceil$ pour les objets dans des univers-objets à des niveaux quelconques créés à l'intérieur d'un univers donné).

    Dans ces conditions, l'axiome de fondation devient $\forall x \ \ \neg (x\lceil \in \rceil x)$.
    Du coup, cette formule se détache un peu plus d'une volonté de rattacher ça à notre intuition sur notre monde mathématique.
  • En tout cas c'est un point de vue (que je partage) non platonicien tout à fait Krivine compatible
  • @l : je te remercie beaucoup. Je ne disais pas cela pour t'offenser. Au contraire, je suis intéressé par ce point de vue, dont celui que tu exposes in extenso. Je voulais savoir s'il existe sur le net, quelque-chose que tu pourrais proposer pour étendre ma culture. Tu peux me répondre par MP, si tu préfères.
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • @TP: je ne l'ai pas du tout mal pris, loin de là :) Je te remercie même de ton commentaire, car encore une fois, ce que j'expose est tout sauf des idées personnelles (et j'ai pu constater, ayant enseigné la théorie des ensembles en master, que cette vision des choses, était beaucoup plus assimilable et probante pour comprendre cette théorie dans un premier temps).
    Et à titre personnel, le "truc" de toujours utiliser les symboles $\lceil ... \rceil$ m'a vraiment permis de ne pas (trop) me prendre les pieds dans le tapis en théorie des ensembles (après, c'était loin d'être ma spécialité).
  • Sur ces questions, il est aussi intéressant d'introduire l'application suivante que je note $E_{\mathcal{U}}$. Soit $(\mathcal{U},\epsilon)$ un univers de ZF ie un modèle de ZF où le symbole de relation binaire $\lceil \in \rceil$ est interprétée par la relation $\epsilon$ dans $\mathcal{U}$.
    $E_{\mathcal{U}}$ est l'application qui va de $\mathcal{U}$ dans $\mathcal{P}(\mathcal{U})$, et qui à $u\in \mathcal{U}$ associe l'ensemble (un vrai ensemble) $\{x\in \mathcal{U}; x\epsilon u\}$.

    Un des problèmes est que, souvent, on assimile $u$ et $E_{\mathcal{U}}(u)$, ce dernier étant une partie de l'univers. Moralement ça se comprend mais il faut faire attention à cette association.

    Avec cette application, on peut traduire certaines notions de théorie des ensembles, comme le fait que l'axiome d'extensionnalité est équivalent à $E_{\mathcal{U}}$ est injective (pour tout univers).

    De même la question de l'axiome de fondation peut être exprimée avec "notre" relation d'appartenance classique en : pour tout $u\in \mathcal{U}$, $u\notin E_{\mathcal{U}}(u)$.

    Et au final, on se rend compte également que la théorie des ensembles ne traite en fait pas du tout d'ensembles :) On ne connecte avec des vrais ensembles qu'avec des outils comme l'opérateur $E_{\mathcal{U}}$ par exemple.

    @l
  • @l : et, selon Krivine, qu'en est-il d'une partie au sens intuitif de l'univers $\mathcal{U}$ qui ne se trouve associé à aucun point de $\mathcal{U}$ ? J'aime bien cette façon de procéder.
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • Le message ci-dessus de @l me fait penser à ce passage du livre de Krivine (voir image).


    @l a écrit:
    En clair, la théorie des ensembles est une théorie comme les autres du premier ordre (celle des groupes, des corps, etc.) et devrait, par analogie, s'appeler la "théorie des univers".

    Sauf qu'on peut "exhiber" un groupe. Je peux dire : $\{0,1\}$ est un groupe avec l'opération "+" définie par $1+1=0$ etc. (là je parle au sens méta, les accolades $\{...\}$ ne désignent pas un ensemble de ZF).

    Par contre on ne peut pas "exhiber" un univers...126254
  • @TP:
    "et, selon Krivine, qu'en est-il d'une partie au sens intuitif de l'univers U qui ne se trouve associé à aucun point de U ? J'aime bien cette façon de procéder."
    Ces parties n'ont pas de "sens" pour l'univers. Les seules parties de l'univers qui ont "un sens" sont les images de $E$ et, de façon plus générale, les classes , c'est-à-dire les parties de l'univers définissables pour le langage de ZF.

    Il y a donc 3 types de parties dans les univers: les parties définissables, qui englobent les images de E (1) et celles qui ne sont pas des images par E - classes propres - (2), et puis tout le reste (3).

    Au passage, l'analyse non-standard Nelsionienne créée "juste" un symbole additionnel de relation unaire (std) pour donner un sens à des parties d'un univers qui ne sont pas des classes. C'est ça l'astuce de Nelson: dire que lorsque les physiciens parlent d'infiniment petits, si on fait ce raisonnement étendu philosophiquement à un univers, on parle en fait d'une partie de l'univers non définissable, mais pour lequel on aimerait quand même dire quelque chose (moralement la partie de l'univers regroupant les très très petits des réels..).

    "Par contre on ne peut pas "exhiber" un univers..."
    Oui, mais ça ne change rien au problème en fait. C'est identique à ce que j'évoquais dans un précédent post sur le fait que des mathématiciens travaillent maintenant avec l'hypothèse de Riemann en axiome.
    C'est pour cela qu'on travaille en consistance relative en théorie des ensembles (et que son intérêt est dans l'idée qu'elle peut moralement refléter notre monde, sinon il n'y aurait aucun intérêt en fait).

    Concernant le passage du Krivine, oui, c'est tout à fait ça. Et pour moi, c'est un point très important qui mériterait d'être plus mis en avant.
  • @l : je te remercie. Il y a encore beaucoup de questions.
    Concernant le passage du Krivine, oui, c'est tout à fait ça. Et pour moi, c'est un point très important qui mériterait d'être plus mis en avant.

    Justement, comment le mettre en avant ? Je sais, je t'embête, mais je suis curieux et passionné.
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • Edward Nelson était ultrafinitiste et j'ai quand même l'impression que Std désigne la collection finie des objets pouvant être conceptualisés par l'homme un jour ou l'autre.
    (le caractère fini se voit dans les axiomes additionnels qui expriment de la compacité au fond).
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • @TP: ça ne m'embête pas du tout.
    A l'époque - années 2000 - avec des collègues, on avait proposé des mini-cours de logique dans les écoles doctorales de Paris 6, 7 et Grenoble, pour introduire la logique mathématique aux doctorants et enseignants-chercheurs en mathématiques.
    On avait du coup rédigé un cours complet, comportant toute une partie de présentation de la théorie des ensembles, et justement sous cet angle, en étant précis sur ce dont je parle, le but étant de convaincre rapidement des mathématiciens non habitués et qui n'étaient pas dans la logique de la théorie des ensembles (on avait fait de travail également pour la récursivité, en explicitant des points qui généralement sont très - trop - implicites, comme la notion d'oracle, centrale, mais peu présentée).
    Je pense pouvoir remettre la main là-dessus. Si oui, je mettrai ces cours en ligne.
  • @Foys
    "Edward Nelson était ultrafinitiste et j'ai quand même l'impression que Std désigne la collection finie des objets pouvant être conceptualisés par l'homme un jour ou l'autre."
    En fait, oui et non: effectivement l'ANS Nelson convertit tout en raisonnements finitistes, mais avec un fini, qui est justement non-standard, qui n'existe donc pas dans un univers "normal". Donc c'est du fini super particulier. Mais après, ça ne remet en question le fait que Std a été ajouté pour parler de parties non définissables, pour saisir la notion d'infiniment petit ou grand. Ce point est vraiment brillant car il a eu l'idée (évidemment inspirée de mathématiciens comme Robinson entre autres) de transformer l'aberration suivante que tout mathématicien peut reprocher à un physicien qui est "l'ensemble des infiniment petits n'existe pas car sinon il aurait un sup, et dans ce cas, on arrive à une contradiction", en "mais en fait, l'ensemble des infiniment petits n'est pas un ensemble-objet de notre univers mais une partie de notre univers... et donc là, ça marche..."
  • @l : je te remercie pour toutes ces précisions et j'attends avec impatience que tu mettes ces cours en ligne. Je te remercie par avance.
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • Super l'axiome de fondation, cela évite des bizarreries, qui pour le coup nous paraissent intuitivement fausses. Merci beaucoup.
  • Bah, ensemble = à la fois élément et partie d'un ensemble, cela peut se rencontrer dans la vie courante (exemple : dans une boîte qui contient des perles, un collier de perles). Il n'y a aucune raison d'écarter cette possibilité, qui n'est pas contre-intuitive si on pousse un peu.
    Seulement cette situation ne se rencontre presque jamais en mathématiques (sauf en théorie des ensembles :-D), du moins je ne l'ai pas rencontrée. C'est assez difficile de l'appréhender au début.
  • Heu non, mon exemple ne marche pas, car si on pose $x=$ collier de perles $\in$ boîte $y$, et $x=$ ensemble de perles contenu dans la boîte $y$, il s'agit des mêmes perles, je veux dire qu'elles ne se superposent pas, cela ne correspond pas à $y = \{x, \{x \} \}$, mais à $y=x \cup \{x \}$ (en supposant que la boîte ne contient qu'un collier).
    Si $x = \{x_1, \cdots, x_n \}$ (les perles du collier, à supposer que la boîte ne contient qu'un collier qui contient $n$ perles), on peut considérer l'appartenance soit du point de vue du collier : $x \in y$, soit du point de vue des perles : $x \subset y$, mais pas les deux à la fois.
    En effet, si on a les deux à la fois, on peut aussi écrire : $y= \{x \} = \{x_1, \cdots, x_n \}$, ce qui est absurde, et contradictoire avec l'écriture précédente.
    Ou alors, si on veut considérer cette situation, on écrit $y=x \cup \{x \}$ ? Mais alors $y=x=\{x_1, \cdots, x_n \}$ et $y=\{x \}$ sont vrais aussi.
    Oui bon, on choisit l'écriture qui convient à la situation qu'on veut envisager.

    Un autre exemple (plus mathématique) qui m'a interpelée à la 1ère page du livre de Halmos, je cite :
    "Les mathématiques sont riches d'exemples d'ensembles d'ensembles. Une droite, par exemple, est un ensemble de points, l'ensemble de toutes les droites d'un plan est un exemple naturel d'ensemble d'ensembles (ensembles de points)."
    Pour une droite $d$ d'un plan $p$, et un point $m$ de la droite $d$, on peut dire $m \in d$ et $d \in p$ si on considère la droite comme un élément du plan ; mais si on la considère comme un ensemble de points, c'est $m \in p$ et $d \subset p$ qu'il faut écrire. En théorie des ensembles, il me semble qu'on n'a pas non plus : $m \in d$ et $d \in p$ $\Rightarrow$ $m \in p$. Et pourtant c'est vrai intuitivement.

    En résumé, on s'autorise en théorie des ensembles une situation qu'on ne rencontre jamais en mathématiques, et on s'interdit un résultat que l'on rencontre. Qu'en pensez-vous ?
  • Bonjour Julia Paule.

    Tu manques un peu d'imagination : On considère, dans le plan euclidien, un ensemble de points et de segments. Si $M$ est un point, $\{M,[MM]\}=\{M,\{M\}\}$.

    Cordialement.

    [coquille corrigée, merci Dom.]
  • Il y a des petites confusions volontaires ou abus de langage et de notation en géométrie.

    « On note $M$ l’intersection des droites $f$ et $g$ »

    C’est plutôt $\{M\}=f\cap g$
    à la place de « l’affreux » $M=f\cap g$.

    Édit : légère coquille Gérard (un crochet)
  • gerard0, $\{M,[MM]\}=\{M,M\}=\{M\}$.

    $\{M,\{M]\}\}$ il y a une erreur d'écriture ?
  • Il y a une coquille. Le crochet doit être effacé.

    Par contre le segment $[MM]$ est un ensemble de points, c’est donc $\{M\}$ et non $M$.
  • Ah oui, merci Dom, ça marche. On considère donc un ensemble qui contient à la fois un point et un ensemble de points en tant qu'élément de cet ensemble. Ok, mais on ne le fait jamais (il me semble) en géométrie, on écrit $[M,M] \subset P$, pas $[M,M] \in P$. En fait, on considère un plan, soit comme un ensemble de points, soit comme un ensemble de droites, ou de segments, on ne mélange jamais les genres dans un même ensemble.

    En fait, je me rends compte que mon ensemble $y=x \cup \{x \}$ peut s'écrire si $x=\{a \}$, comme $y=\{a \} \cup \{\{a \} \}=\{a ,\{a \} \}$. On retrouve l'écriture incriminée.
    Donc c'est logiquement envisageable, mais je ne l'ai jamais rencontrée en mathématiques.
  • @JP : bonjour. Je n'ai pas le temps de tout reprendre. Une chose m'interpelle cependant : qu'est-ce qu'un ensemble transitif ? N'en n'as-tu jamais rencontré ?
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • Ensemble transitif : ensemble qui inclut toute chose qu'il contient : $ \forall x \in X, x \subset X$. Alors $\forall x, \forall y, x \in y$ et $y \in X \Rightarrow x \in X$ (car $y \subset X$). Les entiers naturels, et $\omega$ lui-même sont des ensembles transitifs. Merci beaucoup, ça marche, car on s'est autorisé cette possibilité.

    Donc on pourrait dire qu'un plan donné, ensemble de ses points, est aussi ensemble de ses droites, mais il faudrait le décréter au départ, et on serait encombré par la suite par exemple si on veut faire des intersections, par exemple entre un singleton droite $\{(AB) \}$ et un singleton point $\{M \}$. Ben, on ne ferait pas, ou on dirait que c'est l'ensemble vide même si $M \in (AB)$.

    En fait, ma vraie question est : cette possibilité (un ensemble à la fois partie et élément d'un même ensemble) ne risque-t-elle pas d'entraîner des incohérences (hormis celle de $x \in x$ écartée par l'axiome de fondation) ? Par exemple, quand on parle de $x$ et de $y = x \cup \{x\}$, comment sait-on qu'on parle de $x \in y$ ou de $x \subset y $ ? Et si non (pas d'incohérences), comment le sait-on ?
  • @JP : sans l'axiome de fondation, l'on a ce qui suit :\[x\in{}x\Rightarrow{}x\in{}x\cup\{x\}\text{ ou }x\in\{x\}\Rightarrow{}x\in{}x\cup\{x\}\]Le connecteur "ou" n'étant pas exclusif, rien n'interdit d'avoir $x\in{}x\cap\{x\}$, de sorte que $x\in{}x\cap\{x\}\Rightarrow{}x\in{}x\cup\{x\}$. Sans (AF), l'on ne sait pas si l'on a $x\in{}x$, ou pas. Par disjonction des cas, l'on peut conclure. Sans compliquer le tout, remarquons que $x\in\{x\}$ suffit largement à notre bonheur.

    Remarque : $x\subset{}y\Leftrightarrow(\forall\,t)(t\in{}x\Rightarrow{}t\in{}y)$
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • @Julia Paule,

    "Donc on pourrait dire qu'un plan donné, ensemble de ses points, est aussi ensemble de ses droites,... "

    Cela ne serait guère raisonnable. Dans un exposé traditionnel de géométrie (exprimé dans la théorie des ensembles), on introduit le plan $P$ comme un ensemble dont on on appelle points les éléments, et un ensemble $D$ de parties de $P$ appellées droites, et vérifiant certains axiomes.
    Ainsi les droites sont des ensembles de points, c'est-à-dire des éléments de $\mathcal {P}(P)$, et en aucun cas des éléments de $P$, autrement dit $P \cap D = \emptyset$, du moins c'est ce que l'on suppose implicitement. En géométrie projective, on est amené à travailler avec le groupe des corrélations (le sous-groupe de $\mathfrak{S}(P \cup D)$ des bijections $c$ vérifiant $c(P) = D, c(D) = P$, et conservant l'incidence), ce qui nécessite maintenant de supposer explicitement que $P$ et $D$ soient disjoints. Or, en appelant points les éléments de $P$ on n'a fait aucune hypothèse autre que ce sont des ensembles, et a priori, rien n'indique qu'un point soit différent d'une droite, ensemble de points. En fait, bien que cela soit rarement signalé (jamais, car allant de soi ?), on peut toujours supposer $P \cap D = \emptyset$ sans perte de généralité : il suffit de travailler avec une structure isomorphe $(P', D')$ où les éléments de $P'$ sont les singletons $\{x\}, x \in P$. On a bien maintenant $P' \cap D' = \emptyset$ puisque alors les axiomes garantissent qu'une droite possède au moins deux points.
  • Dans le secondaire on trouve régulièrement des phrases du type « la droite $d$ appartient au plan $(ABC)$ ».
    En géométrie, décidément, le formalisme n’y est pas.
    Je ne sais pas si c’est heureux ou pas d’ailleurs. C’est peut-être historique ?
    C’est peut-être aussi parce qu’il n’y a pas d’ambiguïté dans le discours et que cela ne pose aucun problème de compréhension par tous ?
  • Bonsoir Dom.

    C'est simplement que le vocabulaire de la géométrie date de bien avant la théorie des ensembles. Il s'est constitué il y a plus de 2300 ans et s'est transformé par traduction tout en conservant la même structure. Mais il y a quand même une amélioration, chez Euclide, la droite n'est pas constituée de points (il y en aurait eu une infinité actuelle), il y a seulement des points sur les droites, en particulier aux extrémités (eh oui ! la droite d'Euclide est un segment, prolongeable à volonté selon les besoins).

    Cordialement.
  • Dans le secondaire on trouve régulièrement des phrases du type « la droite $d$ appartient au plan $(ABC)$ ».

    C'est quand même un sacré relâchement verbal, sachant qu'il suffit de dire que la droite $d$ est contenue dans le plan $(ABC)$ pour s'exprimer correctement !
  • Oui, oui, c’est juste.
  • Ne peut-on pas considérer le plan comme ensemble contenant des éléments qui sont les droites et alors on aurait bien D appartient au plan P.
    Je dis des C....es ?
    Mon excuse c'est d'être passé dans le secondaire il y a 55ans!
    Bonne soirée.
    Jean-Louis.
  • Cela a été évoqué plus haut.

    Cependant, veuillez me pardonner, j’ai trouvé des « cours » où l’on a les phrases que je dénonce (droite appartenant à un plan) mais dans les programmes officiels, je n’ai pas trouvé (encore) ces expressions là.
  • Thierry Poma, je ne comprends pas ce que tu veux dire. Si $x \in x$, alors $x \in x \cap \{x \}$ dans tous les cas ?

    GG, tu veux parler de la dualité projective, ou c'est autre chose ? Des fois, des propriétés évidentes sont passées sous silence.

    J'ai essayé (en vain) de trouver une situation avec des ensembles imbriqués les uns dans les autres, qui paraitrait absurde, et qui ne met pas en défaut l'axiome de fondation. Donc l'AF (qui n'est pas dans le Halmos, rrr....) semble résoudre tous les problèmes en éliminant toutes les situations qui paraissent incohérentes.
    Par exemple : $t=\{x, \{y,z \} \}$, et $t \in y$ met en défaut l'AF car $y \in \{y,z \} \in t$, on a une boucle.

    Sans l'AF, on a le paradoxe de Russell avec la possibilité d'envisager $x \in x $ : https://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_de_Russell

    Ma question devient : avec l'AF, comment est-on sûr qu'on n'a pas d'autres paradoxes ?

    Pas vu les messages intermédiaires.
  • Ma question devient : avec l'AF, comment est-on sûr qu'on n'a pas d'autres paradoxes ?
    On ne l'est pas
  • Ah merci beaucoup Médiat ! Tu réponds pleinement à ma question.
  • @l, je profite de ce que le sujet a été évoqué pour poser une question qui m'intrigue depuis longtemps.
    Je dois sans doute me tromper, mais il me semble que les considérations relativement paradoxales telles que les entiers (éléments d'$\omega$) peuvent avoir un nombre infini d'éléments, ou encore, une partie, au sens intuitif, d'un ensemble n'est pas nécessairement une partie de cet ensemble, etc., proviennent exclusivement de ce que ZF soit une théorie du 1er ordre, et non catégorique. Pourquoi ne la formule-t-on jamais dans la logique du second ordre, où ces phénomèmes semblent disparaître ?
    On perd bien sûr la complétude, mais quelle importance ? Après tout, en mathématiques, ce qui est important, c'est de démontrer. Et quelle différence de statut en pratique peut-on faire entre une proposition vraie mais indémontrable (au second ordre), et une proposition vraie et donc démontrable (au premier ordre), mais dont la démonstration échappe désespérément ?
  • @Julia Paule, oui et non, c'était juste un exemple d'une situation où on a envie que $P$ et $D$ soient disjoints.
  • [Edit : en référence à ce message]
    Heu ... le mot "appartient" est aussi du français courant. "Cette valise vous apparient-elle, Monsieur ?".
    Mais on dit aussi souvent "la droite (d) est dans le plan (P)". Ce qui évite tout problème. Tout en étant aussi flou du point de vue mathématique. Car les points aussi "sont dans le plan".

    Cordialement.
  • GG, les entiers = les éléments de $\omega$ sont finis, non ?
  • une partie, au sens intuitif, d'un ensemble n'est pas nécessairement une partie de cet ensemble, etc., proviennent exclusivement de ce que ZF soit une théorie du 1er ordre, et non catégorique. Pourquoi ne la formule-t-on jamais dans la logique du second ordre, où ces phénomèmes semblent disparaître ?
    Il existe des théories des ensembles du 2nd ordre, mais cel ne fait que déplacer le problème :
    Que veut dire $\forall A$ (j'utilise les notations usuelles : minuscule pour les éléments et majuscule pour les sous-ensembles) ? En fait il faut définir le domaine, c'est-à-dire les sous-ensembles sur lesquels on peut quantifier, et on peut se rassurer en disant "on les prend tous", mais cela ne fait pas faire un seul pas mathématique en avant pour expliciter de quoi on parle.
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