Visions alternatives

Salut à tous,

Je suis en train de lire le livre d'Alain Badiou (dont on a déjà moult parlé) : "Le Nombre et les nombres". Je suis comme Jean-Louis, je n'ai toujours pas compris (même après avoir lu "L'Etre et l'Evènement) pourquoi "l'Un" n'existe pas. Mais ce n'est pas de ça dont je veux parler aujourd'hui.

Au Chapitre 8 : "Ordinaux de von Neumann", Badiou définit la notion d'ordinal d'une façon assez originale. Pour lui, un ordinal est un ensemble transitif dont tous les éléments sont transitifs. Selon lui, l'avantage de cette définition est qu'elle est "immanente" ou "intérieure à la théorie des ensembles", au sens où elle ne fait pas appel à la notion de bon ordre.

Seul inconvénient de la manoeuvre : on a besoin de l'axiome de fondation pour prouver que tout ordinal au sens de Badiou est aussi un ordinal au sens usuel.

Pendant qu'on est dans les visions alternatives, je vous joins un petit papier que j'ai écrit sur "Une vision alternative de l'infini". Il s'agit pour l'essentiel de la traduction d'une partie d'un article de Paul Corazza, agrémenté à ma sauce.

Réponses

  • Martial écrivait:
    > Au Chapitre 8 : "Ordinaux de von Neumann", Badiou définit la notion d'ordinal d'une façon assez
    > originale. Pour lui, un ordinal est un ensemble transitif dont tous les éléments sont
    > transitifs. Selon lui, l'avantage de cette définition est qu'elle est "immanente" ou
    > "intérieure à la théorie des ensembles", au sens où elle ne fait pas appel à la notion de bon ordre.

    Une définition abrège une proposition (comme le fait une macro en langage C par exemple). Si les définitions sont des abréviations, pourquoi ne pas utiliser la définition de bon ordre ? C'est une définition "méta", par rapport aux ensembles ?
  • Bonjour,

    Aveu : je n'ai pas lu les 36 pages donc je peux dire une énormité, mais au moins au début vous présentez 2 définitions de l'infini avant de proposer la votre, mais vous n'abordez pas la définition de Tarski, est-ce qu'il y a une bonne raison ?

    Un ensemble est fini si et seulement si toute famille non vide de ses parties admet un élément minimal pour l'inclusion.
  • Merci pour le partage de ce document.
    Martial a écrit:
    Seul inconvénient de la manoeuvre : on a besoin de l'axiome de fondation pour prouver que tout ordinal au sens de Badiou est aussi un ordinal au sens usuel.
    J'ai l'impression que ce n'est presque pas grave.

    On ne suppose pas l'axiome de fondation dans ce qui suit. Soit $x$ un ensemble transitif dont tous les éléments sont des ordinaux. Alors $x$ est un ordinal, en effet soit $\alpha$ le plus petit ordinal n'appartenant pas à $x$ (aucun ensemble ne pouvant avoir tous les ordinaux comme éléments). Alors $\alpha \subseteq x$ et si $\beta \in x$, $\beta \subseteq x$ par transitivité et donc $\beta \in \alpha$ (sans quoi $\alpha \subseteq \beta$ donc $\alpha = \beta$ ce qui est impossible, ou $\alpha \in \beta$ et donc $\alpha \in x$ à nouveau par transitivité, ce qui est à nouveau impossible).
    Donc $\alpha = x$.

    Cela étant soit $x$ un ensemble transitif, dont tous les éléments sont transitifs et qui est bien fondé pour $\in$. Alors $x$ est un ordinal.
    On déduit cette affirmation de ce qui précède. Montrons que tous les éléments de $x$ sont des ordinaux. Sinon ($x$ étant bien fondé) il existe $y\in x$ qui n'est pas un ordinal, mais dont tous les éléments sont des ordinaux. Ceci est impossible d'après le paragraphe précédent. Le même paragraphe entraîne alors que $x$ est un ordinal.
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • @Athanagor : je ne suis pas sûr d'avoir bien compris ta question mais ce que dit Badiou c'est que sa définition ne fait appel qu'à deux notions purement inhérentes à la TDE : l'appartenance (qu'il appelle la présentation) et l'inclusion (qu'il appelle la représentation). Je n'ai fait que citer ses propos, et je n'ai pas dit que sa définition était meilleure que les autres.
  • @Médiat : "Ma" définition de l'infini est exactement celle de Dedekind, aux notations près.
    Si je n'ai pas donné la définition de Tarski c'est pour une raison très simple : je ne la connaissais point.
    Maintenant, je vais la méditer.
    Merci pour l'info
  • @Foys : ce que tu dis est très intéressant, il faut que j'y réfléchisse.

    Mais ce qui m'embête c'est que dans la théorie classique tu n'as pas besoin de l'axiome de fondation pour montrer que la classe des ordinaux est bien fondée :
    1) Si $\alpha$ est un ordinal on ne peut pas avoir $\alpha \in \alpha$ car sinon la relation $\in$ ne serait pas irréflexive.
    2) De même, si tu as une suite infinie décroissante pour $\in$ :
    $$...\alpha_{n+1} \in \alpha_n \in ... \in \alpha_1 \in \alpha_0,$$
    alors l'ensemble $\{\alpha_n : n \in \omega\}$ n'a pas de plus petit élément.

    Et ce raisonnement ne marche plus dans le système de Badiou.

    Je suis à côté de la plaque, ou pas ?
  • @Médiat : je me doute bien que tu n'as pas lu les 36 pages dans les 18 minutes séparant nos 2 messages, lol.
  • @Martial: en fait je me demandais pourquoi les "ordinaux de Badiou" (ensembles transitifs dont tous les éléments sont transitifs) sont les mêmes que ceux que nous connaissons. Et il est apparu que:
    Un ensemble est un ordinal au sens usuel si et seulement si c'est un ordinal de Badiou bien fondé.
    Si on rajoute l'axiome de fondation à la théorie ambiante, la mention "bien fondée" devient superflue.
    La définition de Badiou est élégante et facile à retenir mais pas très pratique d'emploi (j'ai l'impression), alors qu'avec des bons ordres on a tout de suite des récurrences praticables et des théorèmes.
    Sans axiome de fondation, existe-t-il des ordinaux de Badiou qui ne sont pas des vrais ordinaux?
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Martial écrivait : http://www.les-mathematiques.net/phorum/read.php?16,2271364,2271386#msg-2271386
    [Inutile de recopier un message présent sur le forum. Un lien suffit. AD]

    Ce que je veux dire c'est qu'il semble dire que se reposer sur des définitions pour introduire de nouvelles définitions produit des problèmes logiques, ou une moindre "qualité" de la théorie résultante. Mais ce n'est pas le cas en général. D'ailleurs la notion d'inclusion, par exemple, ne repose-t-elle pas déjà sur une définition ? J'imagine qu'il la définit à partir de l'appartenance.
  • @Foys : merci pour tes dernières explications, tu as bien clarifié les choses.

    Je réponds maintenant à ta dernière ligne : s'il existe dans l'univers un ensemble $x$ tel que $x=\{x\}$, alors $x$ est trivialement un ordinal au sens de Badiou mais pas au sens usuel. C'est (entre autres) pour ça que Badiou a besoin de l'axiome de fondation.
  • @Athanagor : oui, bien sûr, il définit l'inclusion à partir de l'appartenance. Du coup la transitivité et la notion de Badiou-ordinal sont définies indirectement à partir de l'appartenance, sans référence aux bons ordres. C'est donc de cela qu'il est fier. Mais, comme dit Foys, cette définition, même si elle est correcte, n'est pas très pratique.
  • Le "nous autres post modernes savons que l'UN n'est pas." est bizarre de la part d'un homme de 84ans. Ceci dit c'est vrai qu'il ne s'en explique pas dans ce bouquin. Il doit considérer que l'on a tout lu de lui. Sinon, moi, ce qui me choque le plus c'est la suite "en d'autres termes la Nature n'existe pas."
    Cordialement.
    Jean-Louis.
  • Pour moi tout ça c'est du verbiage creux qui ne nous permet pas de comprendre la moindre chose sur quoi que ce soit.
  • Merci Martial!
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Chaurien a écrit:
    Que désigne "tout ça" dans cette phrase ? La théorie des ensembles est un véritable domaine mathématique.

    [Inutile de recopier l'avant-dernier message. Un lien suffit. AD]
    Une fonction est un ensemble $f$ de couples tel que pour tous $x,y,z$, si $(x,y)\in f$ et $(x,z)\in f$ alors $y = z$.
  • Je ne parle pas de la théorie des ensembles, mais du discours dit « philosophique » de Raymond Badiou, comme la phrase citée par Jean-Louis. Si l'on veut s'intéresser à la théorie des ensembles, mieux vaut étudier des spécialistes de cette question.
  • Salut Jean-Louis,

    Au début de "L'Etre et l'évènement", il démontre que l'Un n'existe pas. Mais je n'ai rien compris à la démonstration. (Bon, j'ai peut-être lu un peu vite).
    Je n'ai pas compris non plus "en d'autres termes la Nature n'existe pas."

    En gros j'aurais plus vite fait de dire ce que j'ai compris...
  • @Foys : de rien !
  • Badiou ne prétend pas faire des mathématiques, mais s'appuie sur la théorie des ensembles, aidé en cela par JL Krivine (une référence), pour mener à bien ses réflexions philosophiques.

    La dualité UN / MULTIPLE est un sujet d'études philosophiques remontant au moins jusqu'à Platon et Euclide (pas le mathématicien le philosophe), il y a 2400 ans
  • @Chaurien : Alain Badiou (et non pas Raymond) n'est peut-être pas un "spécialiste" de la théorie des ensembles, mais il en connaît quand même visiblement un rayon.

    @Tous : Le problème c'est d'arriver à le suivre. Je suis plus à l'aise quand il parle de grands cardinaux, et à l'extrême rigueur de généricité. Je pense avoir compris ce qu'il entend par "généricité" au plan philosophique, mais je ne domine pas suffisamment la question pour pouvoir l'expliquer avec des mots.
  • @Médiat : je suis bien d'accord avec toi, mais n'empêche que quand il parle de maths il sait de quoi il cause... même si on peut déceler parfois quelques "approximatifs" dans ses propos.
  • Martial a écrit:
    il démontre que l'Un n'existe pas. Mais je n'ai rien compris à la démonstration.
    Ce n'est pas une démonstration au sens mathématiques, mais plutôt une décision intellectuelle pour échapper au ping-pong vieux de 2400 ans entre UN et MULIPLE
  • n'empêche que quand il parle de maths il sait de quoi il cause
    Je défends totalement cette idée, avec Krivine sur l'épaule, on ne peut pas se tromper
  • @Médiat : ce que je sous-entendais c'est qu'à mon avis il n'a pas "tout le temps" Krivine sur l'épaule. Je pense notamment à "L'Immanence des vérités", publié en 2018, qui parle essentiellement de grands cardinaux.
    C'est simplement une impression : d'une part je pense que Krivine a autre chose à faire, d'autre part je ne pense pas que les GC soient sa spécialité. Mais je peux me tromper.
  • Je n'ai pas lu celui-là, en général, il crédite ceux qui le mérite, et je serais surpris que son propos soit purement mathématique (mais comme je ne l'ai pas lu ...)
  • Je te rassure tout de suite : ça parle certes de grands cardinaux, mais aussi de politique, de poésie, de politique, d'art, d'amour, de politique, de théâtre, de sexe et encore de politique... ce qui ne doit guère te surprendre.
  • Pardon pour la confusion entre le Badiou d'aujourd'hui et son père, qui lui était un homme sérieux. J'ai essayé d'en lire certains ouvrages, par exemple « Il n'y a pas de rapport sexuel » (sic) et je trouve qu'il s'agit seulement d'enfiler des phrases sans signification, une vraie escroquerie intellectuelle.
    Les logiciens m'inquiètent un peu avec leurs débats contradictoires infinis. Aucun mathématicien d'une autre discipline mathématique n'irait chercher un zozo non-spécialiste pour alimenter sa réflexion.
    Mais enfin, chacun fait de son temps ce qu'il veut.
  • Combien de fois il faut vous le dire :Badiou ne propose pas des réflexions mathématiques ou logiques, mais des réflexions philosophiques pour lesquelles il utilise des mathématiques (ce n'est pas le premier, mais je ne connais pas de prédécesseurs utilisant ZF(C)) ! Qu'elles ne vous conviennent pas c'est votre droit (après l'avoir lu) mais critiquez-les 'et leurs lecteurs pour ce qu'elles sont.
  • @Médiat : je suis assez d'accord avec toi. Mais j'ai une structure de pensée un peu "especiale". Ce qui m'intéresse, par exemple dans les écrits de Badiou, ce n'est pas tant l'aspect philosophique que la façon dont l'auteur interprète ZFC (ce qui, comme tu le soulignes, est assez rare).
    Sa définition des ordinaux est assez originale et m'intéresse par cet aspect. Même si, comme le dit très justement Foys, elle est assez peu utilisable, et pas très pédagogique.
    C'est la même chose avec le point de vue de Paul Corazza, que je ne fais guère que paraphraser (tout en le traduisant) dans mon papier. Sa conviction est qu'il faut "booster" ZFC avec des axiomes qui soient en accord avec la Maharishi Vedic Science. Si ça intéresse quelqu'un, tout est sur sa home page.

    @Chaurien : si tu te méfies tant des logiciens, pourquoi fréquentes-tu ce sous-forum ?
    Par ailleurs, je le répète, je ne partage point les convictions politiques de Monsieur Badiou, mais de là à le traiter de "zozo"...
  • Bonjour Martial

    J'espère que tu vas bien. Je suis heureux de te lire. L'an dernier nous avions eu de nombreux échanges dont celui-ci et les suivants.

    Amitiés

    Titi
    Le chat ouvrit les yeux, le soleil y entra. Le chat ferma les yeux, le soleil y resta. Voilà pourquoi le soir, quand le chat se réveille, j'aperçois dans le noir deux morceaux de soleil. (Maurice Carême).
  • Salut Titi,

    Je vais essayer de remanier ce papier, et j'en ferai sans doute une annexe à mon livre, si tant est que j'arrive un jour à terminer ce dernier.
  • A propos d'Alain Badiou et de son sens de l'humour (Film de Jean Yanne, "Les chinois à Paris")

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  • Et Kepler croyait fortement en l'astrologie, est-ce que pour autant ses 3 lois deviennent invalides ?
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