Initiation à la conjecture de Riemann

Bonsoir,
je voudrais savoir si quelqu'un pouvait me conseiller un ouvrage élémentaire sur la conjecture de Riemann, c'est-à-dire déjà le théorème des nombres premiers rigoureusement démontré, mais aussi l'équation fonctionnelle dans laquelle apparaît la fonction zéta et qui permet son prolongement analytique. En fait tous les résultats préliminaires qui conduisent à supposer que le seuls zéros non triviaux doivent se trouver sur la droite x = 1/2.
ignatus.

Réponses

  • Sur la page Wikipedia consacrée à la fonction zeta de Riemann il y a déjà un certain nombre de résultats.
  • J'ai regardé la page anglaise.

    J'aimerais bien que tout soit rigoureusement démontré. J'ai bien souvent vu des arguments heuristiques, mais jamais de preuves complètes et propres.

    ignatus.
  • Je pense que Un cours de théorie analytique des nombres d'Emmanuel Kowalski, en tout cas les chapitres qui abordent ces choses (2, 3 et 4 si ma mémoire est bonne) est une très bonne référence pour tout ça. Il y a aussi évidemment le classique Introduction à la théorie analytique et probabiliste des nombres de Gérald Tenenbaum qui est un peu plus austère à mon avis, et le très complet Multiplicative number theory de Montgomery et Vaughan.

    Ce n'est que mon avis de théoricien analytique des nombres, d'autres ouvrages te correspondront peut-être mieux !
  • Merci Poirot !!

    Lequel me conseillerais-tu ? Je veux surtout un ouvrage de base, où toutes les preuves sont bien détaillées, et les prérequis en analyse complexe minimaux.

    ignatus.
  • Quelle démonstration du TNP souhaites-tu ? Il y a plusieurs formes de ce théorème, selon le niveau du terme d'erreur souhaité.

    Par exemple, dans ce livre, il y a la démonstration due à Newman, accessible avec un bagage minimal en analyse complexe, mais avec un terme d'erreur faible.

    Dans celui-ci, c'est la méthode usuelle, i.e. par sommation de Perron, qui est privilégiée. Il est lui aussi assez accessible, avec un paragraphe assez complet sur l'hypothèse de Riemann.

    Un ouvrage complet sur l'hypothèse de Riemann, mais seulement sur elle, est celui-ci.
  • L'avis d'un non spécialiste : Montgomery et Vaughan me semble le plus accessible parmi les trois proposés mais je n'ai pas non plus étudié les trois à fond.
  • Parmi les trois que j'ai cités, celui de Kowalski est le plus clair je trouve, suivi de près par le Montgomery-Vaughan. De mémoire il y a des rappels concernant les outils d'analyse complexe utilisés dans le premier.

    Comme l'a dit ndt, il y a plusieurs démonstrations du théorème des nombres premiers. Celle de Newman est la plus rapide, mais elle n'amène pas à la raison d'être de l'hypothèse de Riemann.
  • Il y a une preuve complète et élémentaire du TNP dans un modeste Que sais-je ?, « Les nombres premiers » par Gérald Tenenbaum et Michel Mendès France (deuxième édition corrigée).
    ...
  • Les preuves dites "élémentaires" du TNP existent depuis Erdös et Selberg en 1949. Elles ont été par la suite simplifiées, notamment par Daboussi en 1984.

    Ceci dit, ces preuves n'ont rien de simples : elles utilisent de manières très fines les propriétés des logarithmes et des fonctions de von Mangoldt, et sont très difficiles à suivre pour un débutant.

    De plus, elles ne peuvent pas rivaliser avec les méthodes issues de l'analyse complexe quant au terme d'erreur. Celles-ci sont les seules à mener "intuitivement" vers l'hypothèse de Riemann.
  • Je confirme que la preuve dont je viens de parler (bien qu’« élémentaire ») est compliquée ! C’est la preuve de Daboussi privilégiée par les auteurs car « elle conjugue avec raffinement idées raisonnables et actes de foi ».
    ...
  • Merci à tous pour vos suggestions et commentaires.

    ignatus.
  • Une autre suggestion.

    The theory of the Riemann zeta-function de E. C. Titchmarsh, Oxford University Press, 1951
  • Tant qu'à suggérer le livre de Titchmarsh, autant prendre l'édition de 1986 qui est plus récente et, surtout, agrémentée de notes très instructives de Heath-Brown.
  • c'est vrai, au temps pour moi !
  • Il est vrai que la liste de références peut être très importante, aussi il faut bien qu'Ignatus précise :

    (i) quel niveau il vise ;

    (ii) quelle forme du TNP il souhaite étudier.

    Pour un cours de DEA, pardon M2 recherche, "classique", le schéma est généralement le suivant :

    1. Étudier l'analyse complexe issue des travaux de Cauchy et menant aux théorèmes d'extractions usuels, comme la sommation de Perron ;

    2. En parallèle, étudier les propriétés analytiques et arithmétiques des séries de Dirichlet associées ;

    3. Après s'être familiarisé avec l'estimation des termes d'erreurs dans la formule de Perron tronquée (ça peut prendre un certain temps, notamment parce qu'il existe dans la littérature une foultitude de formes différentes de cette formule), l'appliquer à la série de Dirichlet de la fonction $\Lambda$ de von Mangoldt ;

    4. Avec une sommation partielle, revenir sur $\pi(x)$ ;

    5. Enfin, et ce n'est pas le plus facile, comprendre comment pousser la droite d'intégration de Perron le plus à gauche possible fournit une égalité asymptotique explicite pour $\psi(x)$ et entraîne, sous HR, le meilleur terme d'erreur possible.
  • noix de totos a écrit:
    1. Étudier l'analyse complexe issue des travaux de Cauchy

    J'espère que tu ne parles pas du calcul des résidus de niveau L3 (abordable par un bon L2) ?
    ça peut prendre un certain temps, notamment parce qu'il existe dans la littérature une foultitude de formes différentes de cette formule

    Aurais-tu une référence qui fasse le tri de tout ça ?
  • Bonjour,

    pour préciser ce que je recherche, je dirais que j'aimerais d'abord comprendre l'énoncé selon lequel les zéros non triviaux de la fonction zéta se trouvent sur la droite des complexes x = 1/2. Comment est-ce que l'on aboutit à cette hypothèse ? Et donc, en passant, j'espère pouvoir trouver des preuves détaillées de toutes les équations fonctionnelles qui apparaissent et qui permettent différents prolongements analytiques.
    Ensuite, j'aimerais également comprendre en quoi c'est fortement lié à la répartition des nombres premiers.

    ignatus.
  • Une manière d’arriver à cette hypothèse est tout bêtement, (si j’ose dire), de calculer les zéros non-triviaux à la recherche d’un contre-exemple.
    Dans ce domaine, Alan Turing a largement contribué même si ce n’est pas la partie la plus connue de ses recherches.
    J’attache un bref extrait d’un de ses ouvrages dans lequel il décrit le protocole informatique servant au calcul.
    ...117566
  • On peut obtenir d’importants résultats sur la fonction zêta en assez peu de lignes dont une preuve sur l’existence d’une infinité de zéros non-triviaux.
    J’attache pour finir trois courts extraits pris sur mon ancien lieu de travail. Je n’ai pas les références exactes.
    Bon week-end.
    ...117570
    117572
    117574
  • ignatus la page de https://fr.wikipedia.org/wiki/Hypothèse_de_Riemann donne les grandes étapes et cette relation entre zeta de s et zeta de (1-s) https://fr.wikipedia.org/wiki/Fonction_zêta_de_Riemann#Relation_fonctionnelle montre le pourquoi de x= 1/2!

    Le lien ente zeta et les nombres premiers est donné par le produit eulérien du premier lien.
  • Quid des livres d’Ivic et d’Edwards dédiés à la fonction Zêta ?
  • @soleil_vert : la page de wikipedia ne donne rien, elle expédie une équation fonctionnelle dont on ne sait pas d'où elle sort.

    Mais le second lien a l'air beaucoup plus intéressant, merci...

    ignatus.
  • Le lien le plus « criant » entre l’ensemble des entiers naturels et celui des nombres premiers a été établi par Riemann lui-même.
    Il montre que la fonction zêta peut-être étendue sur tout $\mathbb{C}$ avec un unique pôle en $1$ et prend la dérivée logarithmique:
    \begin{equation}
    \frac{\zeta’(s)}{\zeta(s)}=-\sum_{p \geq 2} \frac{\ln p}{p^s}\frac{1}{1-1/p^s}=-\sum_{p \geq 2}\Big(\frac{\ln p}{p^s}+\frac{\ln p}{p^{2s}}+...\Big)
    \end{equation}

    $\zeta$ ne s’annule pas sur la droite $\{z \in \mathbb{C}, \mathscr{R}(z)=1\}$.
    Cette assertion ($\zeta(1+it) \neq 0$ pour tout $t \neq 0$) équivaut au théorème des nombres premiers.
    ...
  • On ne peut pas traiter le TNP sans parler de Charles-Jean de La Vallée Poussin né à Louvain le 15 août 1866 et apparenté par son arrière-grand-père au peintre Nicolas Poussin. Il a démontré l’équivalence ci-dessus et obtenu des résultats sur la répartition des nombres premiers représentables par des formes quadratiques.
    ...
  • Soleil_Vert : tu dis "J'espère que tu ne parles pas du calcul des résidus de niveau L3 (abordable par un bon L2) ?". Si, bien sûr, mais l'apprentissage classique en DEUG résume ce résultat à des calculs d'intégrales. Il faut ensuite passer un cap, et non des moindres : appliquer ce résultat à la théorie des séries de Dirichlet. Cela se fait traditionnellement en maîtrise-DEA (M1-M2) dans l'enseignement français.

    Tu demandes ensuite "Aurais-tu une référence qui fasse le tri de tout ça ?". Non, chaque ouvrage délivre sa propre version, en fonction de ses besoins propres.

    Ignatus : Reprenons l'historique de la fonction $\zeta$. Je note les nombres complexes comme Riemann, i.e. $s = \sigma + it$.

    (i) Euler / Dirichlet / Riemann : $\zeta$ admet un produit eulérien qui implique entre autres qu'elle ne s'annule pas dans le $\frac{1}{2}$-plan $\sigma > 1$.

    (ii) Riemann : Il démontre l'équation fonctionnelle, démonstration que tu peux trouver en ligne sur n'importe quel cours de théorie analytique des nombres. Cela implique que $\zeta(s) \neq 0$ dans le $\frac{1}{2}$-plan $\sigma < 0$, sauf aux entiers négatifs $-2n$, avec $n \geqslant 1$, qui sont généralement appelés "zéros triviaux".

    (iii) Hadamard & de la Vallée Poussin : ils démontrent le TNP, en utilisant essentiellement le fait que $\zeta(s) \neq 0$ sur la droite $\sigma = 1$, et donc aussi sur la droite $\sigma = 0$ par l'équation fonctionnelle.

    Ainsi, à ce stade, la seule possibilité pour que $\zeta$ s'annule, hormis les zéros triviaux, est qu'elle s'annule dans la "bande critique" $0 < \sigma < 1$. Par l'équation fonctionnelle, il suffit de ne considérer que la "demi-bande critique" $\frac{1}{2} \leqslant \sigma < 1$.

    Distribution des nombres premiers.

    Depuis Érathostène (ou quasi), on sait que les nombres premiers se raréfient : en effet, par un argument d'inclusion-exclusion, il n'est pas trop compliqué de montrer que $\pi(x) \ll \dfrac{x}{\log \log x}$, et donc $\displaystyle \lim_{x \to + \infty} \frac{\pi(x)}{x} = 0$. L'idée est de chercher s'il y a une "loi" qui régirait cette raréfaction.

    (i) En moyenne, on le sait : c'est le TNP, qui stipule que, pour $x$ grand $\displaystyle \frac{\pi(x)}{x} \sim \frac{1}{\log x}$.

    (ii) On aimerait donc avoir plus de renseignements locaux. On peut définir une densité $d(N)$ sur les zéros non triviaux via
    $$d(T) := \sum_k \delta(T-\rho_k)$$
    où $\rho_k$ est le $k$ème zéro non trivial de $\zeta$ et $\delta$ est la distribution de Dirac. Cette densité se découpe en deux : une partie régulière, et une partie oscillante qui mesure en quelque sorte les fluctuations des contributions individuelles de chaque nombre premier. La position des zéros non triviaux vont jouer sur cette partie oscillante : si HR est fausse, il va y avoir de forte oscillations dans la distribution de nombres premiers, ce qui serait pour le moins étonnant.
  • Je remercie df pour ces nombreux documents et explications.

    @noix de totos : la dernière partie de ton propos sur la distribution des nombres premiers a l'air très intéressante. Je veux bien une référence accessible au débutant !!

    ignatus.
  • Je n'en ai pas.
  • J'ai trouvé cela https://www-magistere.u-strasbg.fr/spip.php?article187 100 pages qui vont plus loin que wikipedia, j'ai regardé vite fait ça devrait correspondre à ta demande d'une synthèse pas trop relevée.
    Il faut ensuite passer un cap, et non des moindres : appliquer ce résultat à la théorie des séries de Dirichlet.

    Le manque de préparation et de travail à la fac :-S comme toujours.
  • Merci pour cet intéressant mémoire.

    ignatus.
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